La répétition de côtes-descentes

Ou comment se préparer en plaine aux contraintes spécifiques du trail

La durée de l’effort en trail ne dépend pas seulement de la distance mais bien de la combinaison entre distance, dénivelé et technicité. Pour une même distance en ultra trail, on peut observer des moyennes (pour les vainqueurs) de 8 km/h à l’UTMB et de 12 km/h à la Western States, soit une différence de 50%, ce qui est énorme. Le même raisonnement s’applique pour les trails longs et courts. Ainsi, il faut se préparer à la distance, mais avant tout à la durée et à la spécificité de l’effort. Sur le site Lepape-info, nous avons évoqué de février à mars 2018 les principes d’entraînement à respecter, à savoir la progressivité, l’alternance des sollicitations énergétiques, le transfert, l’individualisation et la spécificité. Si tous ces principes peuvent être méthodiquement appliqués quand on pratique la piste ou la route, c’est plus complexe en trail car le principe de spécificité ne peut pas s’appliquer si on réside en plaine avec peu ou pas de dénivelé.

La montée se compense, pas la descente

 

Pour ces athlètes, la difficulté est donc de compenser ce manque de travail spécifique, et plus particulièrement à l’approche des compétitions, dans les 2 mois qui précèdent les premières épreuves.

Certes, il y a la solution des séjours et stages à la montagne pendant les vacances, mais cela reste insuffisant car le désentraînement est rapide, particulièrement en ce qui concerne la capacité à gérer sans douleur post-effort les contractions excentriques. Pour la montée, la problématique est moindre car il est relativement facile de compenser avec de l’entraînement croisé (principe de transfert), du renforcement musculaire, voire de la musculation.

Pour les descentes, on peut certes réaliser des exercices de renforcement en excentrique, voire utiliser l’électrostimulation, mais cela ne remplacera jamais une séance sur le terrain, même si l’athlète sera mieux protégé des effets délétères de la course en descente. Mais surtout, c’est la notion d’engagement, essentielle dans cet exercice, qui sera négligée, tout autant que la dimension technique.

 

Un séance à la Sisyphe ou à la Boileau

 

Rappelez-vous de ce mythe grec repris par Albert Camus en 1942 : « le mythe de Sisyphe », qui caractérise une tâche ardue qu’il faut sans cesse reprendre, et souvent qualifié d’effort inutile. Pourtant, en le décrivant magistralement, Camus lui a trouvé un sens : Sisyphe se faisait les muscles. Et bien c’est de cela qu’il s’agit dans la séance proposée aujourd’hui : répéter une tâche ardue et cent fois sur le métier remettre son ouvrage (la phrase originelle de Nicolas Boileau propose 20 fois, ce qui collera mieux à notre travail).

En effet, quand on dispose d’un faible dénivelé, la solution est de le répéter un grand nombre de fois. Cela permet de travailler en bosse (musculairement, biomécaniquement, stratégiquement) et de travailler en descente (musculaire, techniquement et mentalement). Cela permet également de travailler la gestion de l’intensité dans un contexte où les vitesses changent constamment.

 

Voici l’exemple avec une athlète experte, mais habitant en plaine et ne disposant pour cette séance que d’un faible dénivelé d’un seul tenant.

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Relevé Suunto. Altitude en jaune (échelle à gauche) et vitesses en blanc (échelle à droite)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Caractéristiques de la séance :

 

Distance : 26 km

Durée : 2h50

Dénivelé positif et négatif : 1012m et 1h09min d’ascension pour 54 min de descente

Altitude minimale : 133m et altitude maximale 259m, soit une amplitude maximale de 126m

FC moy (avec échauffement et récupération) de 151 bpm, soit pour cette athlète une intensité moyenne estimée de 70%.

Vitesse moyenne : 9.6 km/h (mini : 7 km/h et maxi 15 km/h)

 

Avec un faible dénivelé, l’athlète est parvenue à atteindre les 1000m de dénivelé positif et négatif en répétant une trentaine de montées/descentes, sur 3 pentes différentes. On remarque la grande amplitude de vitesses, 8 km/h, ce qui est très important, d’autant plus que la vitesse maximale de 15 km/h montre la technicité des descentes dans lesquelles l’athlète n’a pu se lâcher. Le seul inconvénient de ce type de séance est bien entendu de ne pouvoir réaliser de longs dénivelés en continu, tant en montée qu’en descente. Mais si on cumul un travail de renfo, ce travail répétitif, et quelques séjours en montagne, on peut se préparer très efficacement à tout type de trail. Dernière contrainte, la monotonie élevée de ce travail répétitif, mais une séance par quinzaine peut tout à fait convenir. Alors traileurs des plaines, investissez pleinement vos escaliers et vos courtes pentes jusqu’à en usez vos chaussures et le terrain.

 

1 réaction à cet article

  1. J’ai aussi pu testé. Habitant en plaine avec des dénivelés max de 30m. J’ai pu réaliser 3000m de D+ en une séance. Évidemment, il a fallu répéter 109 fois la côte, mais c’est un bon entraînement psychologique aussi.

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