L’objectif de l’entraînement est l’amélioration de la performance par l’optimisation des capacités physiques et mentales. L’état de forme espéré et recherché est un équilibre instable qu’il n’est pas simple d’obtenir ni de faire perdurer.
Au sein de la planification des compétitions et de la programmation des entraînements, le repos a toute sa place. Repos nécessaire entre 2 séances pour refaire les niveaux, notamment grâce à la nutrition et au sommeil ; repos au sens de récupération au sein même de la séance pour enchaîner des intervalles à intensité élevée ; repos avant les compétitions (tapering) pour faire le plein d’énergie ; repos après les compétitions pour récupérer de la fatigue générée par un effort intense et long ; et bien entendu le repos annuel ou biannuel (deux fois par an) que l’on nomme coupure.
Pour comprendre la nécessité du break, il faut observer les manifestations de la fatigue sur les organismes, faisant suite à une longue répétition d’entraînements et de compétitions.
Tous ces symptômes typiques d’une suractivité sportive débouchent rapidement sur la blessure (musculaire, articulaire, ligamentaire, tendineuse) ou la maladie, voire le burn out dans les cas extrêmes de fatigue physique et mentale. Comme toute machine, notre corps a besoin d’entretien et de phases de repos afin de réparer et régénérer. C’est une réalité pour tous les tissus de l’organisme (musculaire, nerveux et conjonctif) dont la sur-sollicitation modifie la constitution et la fonction. Sans coupure, la blessure est inéluctable. Chez certains athlètes, le plus souvent bigorexiques (addictifs à l’effort), le corps réclame une pause mais la tête lui refuse ce privilège. Ceux-là sont particulièrement soumis aux différentes pathologies du coureur. Chez certaines femmes, ces excès conduisent à des dérèglements sévères connus sous le vocable de triade de la sportive féminine, combinaison d’une sous-nutrition, d’une déminéralisation osseuse et d’une aménorrhée (perte progressive des menstruations). Rappelons ici que le sport, même de haut niveau, doit être vecteur de santé et de plaisir, et que l’incidence des blessures physiques et mentales dans le trail doit amener les acteurs du milieu à s’interroger sur les bonnes pratiques. Certains marqueurs, comme la Variabilité de la Fréquence Cardiaque (marqueur du fonctionnement du système nerveux autonome) nous montre qu’il faut parfois plus de 4 semaines pour récupérer d’un ultra trail, c’est-à-dire retrouver des valeurs moyennes ; sous réserve que les autres indicateurs soient revenus au vert.
Entraînement et désentraînement
Si l’activité physique régulière modifie structurellement et fonctionnellement l’organisme humain, l’arrêt des activités aboutit au phénomène inverse appelé le désentraînement. Celui-ci est proportionnel à la longueur de l’arrêt, au niveau d’entraînement et à l’âge du pratiquant. Globalement, plus l’arrêt est long, plus l’athlète est expert (nombre important d’entraînements) et plus il est âgé (au-delà de 25 ans), plus le désentraînement est effectif ! De même, plus l’athlète est entraîné et plus il lui faut du temps pour que la coupure soit profitable. C’est pour cela qu’une semaine est une durée largement insuffisante pour qu’une coupure soit bénéfique, même si dans ce cas, le désentraînement est limité et le retour aux affaires très rapide. Ainsi, il est conseillé de réaliser une coupure de 15 à 30 jours, dont le contenu peut varier. Si certains athlètes conservent une activité croisée (natation, marche, vélo …), d’autres préfèrent ne rien faire. Disons que s’il est possible de rester en activité relative à l’intersaison, il est fortement recommandé de couper complètement en fin de saison.
3 semaines + 1
Voici une proposition de coupure annuelle quelle que soit votre pratique (trails courts, longs, ultras) et votre niveau de compétition. Coupez complètement 3 semaines, sans activité sportive sollicitant les systèmes locomoteur et respiratoire au-delà du seuil aérobie (50 à 60% de votre intensité aérobie maximale). Cela veut dire que vous pouvez marcher ou nager un peu, mais sans aucune prétention sportive. La première semaine sert à soigner les petits bobos et à vous déconditionner physiquement et mentalement de votre sport. La deuxième semaine, vous parvenez enfin à vous déconnecter psychologiquement et à penser à autre chose qu’à la course. La troisième semaine, vous êtes enfin en vacances et vous vous régénérez. Bien entendu, nous vous conseillons de limiter les écarts en termes de nutrition et de sommeil car ceux-ci pourraient vous fragiliser au lieu de vous renforcer. A ce moment-là de la coupure, vous vous dites que ça va être difficile de reprendre et certains en ont même perdu l’envie. C’est très bien ! Car cela veut dire que vous avez véritablement coupé et que vous allez pouvoir repartir sur quelque chose de neuf, dans une reconstruction de votre physique. La quatrième semaine est celle de la reprise qui se doit d’être progressive et ludique. Ne courez pas après la forme perdue car il faudra de longues semaines (au moins 6) pour retrouver un niveau acceptable et quelques-unes de plus pour retrouver la compétitivité. L’idéal est d’éviter encore la course à pied dans cette quatrième semaine et de reprendre par du vélo (route, VTT), de la natation, de la marche, du roller …
Quelques-uns des meilleurs athlètes français sur route et piste pratiquent cette forme de coupure. Et pourtant, si leurs saisons sont très chargées sur le plan psychologique, elles ne sont parfois pas plus remplies en volume horaire d’entraînements et de compétitions que celles de certains traileurs. C’est pourquoi les traileurs ne doivent pas hésiter à couper sur des périodes parfois plus longues encore.
Au cours de la 4ème semaine, il faut penser à la planification de la saison suivante et à la programmation des prochaines semaines, source importante de motivation. Après ce mois de coupure, l’envie est là et c’est l’essentiel. La dopamine, hormone starter, et ses récepteurs, sont à nouveau fonctionnels ; la combativité et la compétitivité sont restaurées. Tous les feux sont à présent au vert pour reprendre l’entraînement et préparer les futures échéances. Notons qu’en cas de burn out, le temps de restauration est bien plus long – parfois plus de 6 mois d’inactivité – et que de nombreux athlètes abandonnent définitivement leur sport. Il est assez simple de constater que les athlètes qui gèrent intelligemment la succession des saisons de trail tout en continuant à progresser sont ceux qui savent se faire oublier quelques semaines en coupant complètement. Les autres ne progressent plus, ou se blessent, ou disparaissent brutalement de l’avant-scène du trail. A vouloir trop occuper l’espace médiatique par un enchaînement de courses, on finit toujours par le déserter.
2 x 2 semaines
Selon l’architecture de sa saison, et cela peut convenir au trail dont le calendrier n’a ni queue ni tête, on peut choisir judicieusement de couper deux fois quinze jours dans l’année, et de reprendre progressivement sur la troisième semaine. La régénération est effective et le désentraînement est limité. Ce format de coupure se retrouve chez de nombreux athlètes réalisant une saison de cross (novembre à mars), puis une saison de piste ou de route. Tout est question de planification. Pour autant, il faut rester à l’écoute de son corps en cas de fatigue et se donner le droit de prendre plus de repos si nécessaire.
L’entraînement invisible
Selon la formule de Guillaume Millet, ultra-traileur, chercheur, et auteur du livre : Ultra trail, plaisir, performance et santé, chez Outdoor Editions, le repos est l’entraînement invisible. Il faut donc bien comprendre que ce temps sans entraînement ni compétition est un investissement nécessaire et une période clé de la planification afin d’être en mesure d’atteindre ses objectifs. Ne pas couper augmente fortement le risque de panne moteur qui vous mettra temporairement, voire définitivement à l’écart de votre passion. A l’adage « No pain, no gain », nous préférons celui-ci « No brain, no gain ». Planifions le repos à l’échelle de la saison et le plaisir à l’entraînement et en compétition n’en sera que décuplé.