En cette dernière semaine du mois d’août 2014, le jeudi 29 précisément, me voici à Chamonix avec un ami trailer avec qui je cours régulièrement. Il participe demain à la « la CCC » soit 101 km avec 6 000m de dénivelé positif et négatif sur les sentiers entre Courmayeur et Chamonix, autour du Mont-Blanc.
En cette veille de course, ayant un peu de temps devant moi, je décide d’aller me dégourdir les jambes pendant que « FX » s’occupe des formalités. Voilà, quelque chose que nous ne connaissons pas nous routiers : le contrôle du matériel lors du retrait des dossards…
En cet instant, plusieurs solutions s’offrent à moi : soit je cours dans la plaine sans réelles difficultés, soit je décide de m’évader sur les hauteurs de Chamonix. Je me renseigne auprès de Jean-Marc Delorme (coach, préparateur physique et trailer) sur les différents sentiers aux alentours. Il m’indique un petit parcours d’une dizaine de kilomètres jusqu’à la mer de Glace.
« Tu verras, c’est sympa »
Cool 10 bornes, ca va le faire tranquille. Allez, j’en ai pour une bonne heure grand max !
Habitué des courses sur route (10 km, semi-marathon), j’ai pour habitude de m’entraîner dans les sous-bois de la région versaillaise et j’ai très peu couru dans un environnement aussi sauvage. Les larges pistes de la forêt parisienne ont laissé place à de tous petits sentiers, c’est ce qu’on appelle je crois des single tracks.
Je ne cède pas face à ce qui me semble être un phénomène de mode dans le milieu de la course à pied et du trail concernant les tenues. Vêtements de compression, sac à dos, porte-bidon, bâtons… pas pour moi. Bref avec un bon vieux short et un tee-shirt, cela fera bien l’affaire pour cette petite balade.
J’enclenche le chrono au niveau du « salon du trail » de l’UTMB et je pars en direction de la mer de Glace. Au bout de 3 minutes de course, j’aperçois le télésiège que m’a indiqué « Marco » afin de rejoindre le début du sentier.
Me voilà au pied du télésiège : effectivement ça monte fort. Dès les premiers mètres, mon cœur s’enflamme et mes jambes brûlent. Un coup d’œil pour vérifier mon allure : ma montre GPS m’indique une vitesse de 8km/h. Je ne comprends pas ce qui m’arrive. Moi qui ai pour habitude de faire des séances sur piste à plus de 18 km/h, je suis à fond à 8 km/h.
« Pu….c’est pas possible je suis à bloc et j’avance pas »
Passé le télésiège, j’emprunte un sentier moins large. Au fur et à mesure que le sentier monte, les randonneurs se font de moins en moins pressants et l’ambiance est de plus en plus calme. Plus de bruit urbain, les odeurs de pizza ont laissé leur place aux odeurs du pâturage, j’en prends plein les yeux et m’émerveille de la nature qui m’entoure.
40 minutes de course, j’aperçois un petit chalet planté là au milieu de nulle part. Quelques randonneurs sont attablés à boire un verre ou manger une crêpe. Mais comment fait ce chalet pour se faire ravitailler en vivres ? Si j’avais eu quelques euros, je me serais bien arrêté boire un coca tant le paysage est magique. D’un côté, deux grosses cascades déversent des litres de neige fondue et de l’autre en contrebas, la ville de Chamonix. Tout autour, des milliers de couleurs qui changent au fur et à mesure que les nuages défilent. Je suis à 1 700 mètres d’altitude, je m’arrête quelques instants pour admirer ce paysage qui s’offre à moi. Arrêt de courte durée car j’avais oublié qu’à cette altitude la température est plus fraîche. Je suis obligé de reprendre la course afin de ne pas trop me refroidir.
Parti sans carte ni véritable GPS, je n’ai qu’à suivre les panneaux indiquant la mer de Glace. Le sentier est de plus en plus escarpé mais parfaitement balisé quand, au détour d’un virage, je tombe presque nez à nez avec un animal, un chamois ! Il semble être aussi surpris que moi et s’il pouvait me parler, je ne doute pas qu’il me demanderait ce que je fais là ? On reste à se regarder dans les yeux durant deux bonnes minutes et après avoir immortalisé ce moment avec mon smartphone, je lui souhaite une bonne continuation et reprends mon ascension vers la mer de Glace.
2 000 mètres d’altitude, j’arrive bien essoufflé et tout transpirant au pied de cette fameuse mer de Glace. Je croise les touristes montés en train, les employés de la gare, tous semblent me regarder d’un air étonné.
Le paysage est fantastique, cette glace qui descend des hauteurs entre deux flans de montage m’interpelle. Qui y a t’il derrière ? Même si l’envie de continuer est présente, cette question restera sans réponse car j’ai déjà couru 50 minutes pour à peine 7 kilomètres et il est temps de faire demi-tour car il est déjà 18h30 et la nuit tombe vite en montage.
Un coup d’œil sur ma montre : « 7 km/heure de moyenne, tu n’avances vraiment pas aujourd’hui ! » Il est temps de redescendre, je décide alors de prendre un itinéraire différent pour le retour. Un panneau indiquant Chamonix à 1h10 me donne la bonne direction à suivre. La reprise de la course est un peu difficile car j’ai les jambes relativement lourdes.
La descente demande moins d’effort physique que la montée, je me suis rafraichi et commence à comprendre pourquoi les trailers partent avec un petit sac. Celui-ci peut avoir des effets utiles à l’intérieur. Une veste, un tee-shirt sec et un peu d’eau ne m’auraient pas été désagréables à ce moment-là.
Je trouve la descente très compliquée à gérer. Je passe la plupart de mon temps à regarder là où je dois poser mes pieds, je glisse sur les rochers, trébuche sur les racines. Je me dis que pour une première, j’ai de la chance et que les dieux du trail ne veulent pas trop me dégoûter de leur discipline en m’envoyant au sol.
Cela fait maintenant 1h20 que je cours et mes cuisses brûlent de plus en plus dans la descente. D’un seul coup, je comprends mieux l’utilité des cuissards de compression qui n’étaient pour moi qu’un phénomène de mode car je dois l’avouer, j’aurais bien supporté quelques chose pour maintenir mes cuisses.
Une dernière descente le long du télésiège et me voici de retour à la « civilisation ». Après 1h50 d’effort et 16 kilomètres, j’ai les cuisses explosées, j’ai galéré dans les descentes mais je suis super heureux d’avoir découvert cette nature extraordinaire et son environnement.
J’en conclu qu’en montagne, il ne faut pas trop se fier à sa vitesse qui est complètement tronquée par rapport à la route. Et partir avec un sac avec un peu de matériel n’aurait pas été un luxe…
Même si mon prochain objectif est d’améliorer mon chrono sur 10km (32mn14s), l’idée de participer un trail prochainement me trotte dans la tête. Viennent alors tout sorte de questions : comment m’entraîner, comment m’équiper, et surtout que faire pour progresser dans les descentes ?
A suivre…
Quelques photos
4 réactions à cet article
Julien
Bravo Pierre-Yves pour ta découverte du trail 🙂
On a tord de trop rapprocher le trail du running. Le trail reste un sport de montagne avant un sport de course.
Il est vrai que l’arrivée en masse des coureurs urbains ont créé des modes et tendances autour du trail. Mais le trail nécessite bien + que de la condition physique.
Ce n’est déjà pas la même technique : gérer les changements de rythme, le terrain (très variable aussi), le dénivelé, l’altitude (quand on fait du mountain trail ou du skyrunning)…
Mais surtout la culture montagne : tout comme n’importe quel sport outdoor, le trail demande des règles de conduite et un esprit. Un esprit qui malheureusement se perd.
Le runners se jettent dans le trail de montagne sans aucune formation ni expérience de la montagne. Il est vrai que les compétitions permettent une certaine approche de la montagne car les trailers sont très entourés. Mais il y aura toujours des choses à prendre en compte comme la sécurité et la connaissance de la montagne
claude
Bravo pour cet article bien mene et riche d’anecdotes . On aurait aime en savoir davantage .
A quand une suite .
nanon
Belle experience pour un premier trail dans un site magnifique
Germain
Bravo pour cet article qui nous donne l’envie de partir en montagne crapahuter pendant des heures !