[Dossier Spécial] Étirements : Rôles, Techniques, Utilités en Trail – Partie 1

Longtemps décrits comme un mode de récupération actif, les étirements ne font plus l’unanimité aujourd’hui et l’on retrouve de plus en plus de recherches scientifiques et d’articles dans la littérature décriant les limites voire les dangers d’une telle pratique, surtout juste après une sortie jugée traumatisante. Pourtant doit-on mettre le travail de la souplesse aux oubliettes lorsqu’on est coureur à pied ? De nombreux coureurs aujourd’hui se retrouvent plongés dans l’obscurité et ont du mal à discerner le bien du mal. Tentons de faire un peu de lumière sur ce sujet très polémiqué.

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Quel est le rôle premier des étirements ?

Les étirements permettent d’améliorer l’amplitude des mouvements, de gagner en souplesse articulaire, gage de performance dans bon nombre d’activités sportives comme la gymnastique mais aussi pour d’autres disciplines. Le nageur a besoin d’une bonne souplesse articulaire de l’épaule, ou les adducteurs chez le skieur ou le footballeur. Gilles Cometti rappelle que  «  Pour réaliser un geste, il faut penser à renforcer musculairement les muscles antagonistes qui commandent le mouvement et à réduire la tension des muscles agonistes ; il est donc important d’allonger les agonistes. Rappelons aussi qu’un allongement de 20% de la longueur du muscle au repos permet d’obtenir une valeur maximale de la force musculaire (WHIRHED 1985, 16)3. »

En trail il faut avouer que la souplesse n’est en aucun cas un critère de performance et nous verrons qu’au contraire les coureurs hyperlaxes ne seront pas forcément les plus efficaces.

 

Le traileur doit-il s’étirer après une compétition ?

Il est aujourd’hui unanimement reconnu qu’une fois le muscle endommagé les étirements ne seront en aucun cas bienfaiteurs. Bien au contraire il s’avérerait dangereux d’étirer des muscles traumatisés. Explication, la course à pied engendre des micro-traumatismes causés principalement par le travail excentrique, cause des courbatures ressenties post-compétition. Et tirer davantage sur un quadriceps fatigué ne ferait qu’accroître le problème. Pour ne pas aggraver ces micro-lésions, il est donc recommandé de laisser les muscles et les tendons au repos et de les étirer plus tard.

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Sur un plan physiologique, il est important de rappeler que l’acide lactique longtemps considéré comme la cause des courbatures musculaires n’en est pas le responsable mais que bien au contraire les lactates produisent beaucoup d’ATP donc de l’énergie. Et que les courbatures ou DOMS en anglais Delayed Onset Muscle Soreness) résultent de ce processus inflammatoire lié à cette sur-sollicitation musculaire, tels que les quadriceps en descente. Conséquence ressentie entre 12 et 72 post-exercice, les courbatures apparaissent d’ailleurs le plus souvent le surlendemain après une épreuve compétitive intense, de manière plus prononcée que le lendemain. Et si le marathonien souffrira de courbatures, le processus sera à fortiori plus important chez le traileur du aux descentes durant lesquelles le travail excentrique (allongement des fibres musculaires) est hyper-sollicitant car elles entraînent des lésions plus profondes des sarcolemmes (enveloppes des fibres musculaires) et des sarcomères (éléments contractiles du muscle). Donc vous l’aurez compris, inutile de vous étirer après une compétition si vous souhaitez mieux récupérer.

 

Et les étirements après l’entraînement ?

Les entraînements ne sont pas certes aussi violents que les compétitions encore que…Tout dépend si vous faîtes une séance spécifique longue et traumatisante sur piste (ou en descente) ou un petit footing d’entretien. Dans le premier cas, cela revient à reproduire les exigences de la compétition, et les muscles plus meurtris ne devront pas être étirés, alors que dans le second vous pourrez certainement prendre le temps de vous étirer 15 à 20 min dans le cadre d’un retour au calme ou d’un moment partagé avec vos partenaires d’entraînement.

Une nouvelle étude australienne à travailler sur le sujet «  les exercices d’étirements ont-ils un rôle préventif dans les douleurs post effort – du type courbature ? » Publiées dans le British Journal of Sports Medicine, les conclusions des chercheurs de l’Université de Sydney sont formelles « s’étirer ne réduit pas de manière significative les raideurs et les douleurs lors des jours suivant un effort. »

Concernant les Stretching et « l’endurance de force » Kokkonen et coll. (2001) montrent quant à eux « qu’un excès d’étirements peut réduire la capacité d’endurance de force. Des étirements placés avant un test de répétitions maximales des ischio-jambiers réduisent significativement le nombre de mouvements enchaînés. Les auteurs en 3 déduisent qu’il n’est pas conseillé d’introduire des étirements dans la préparation d’épreuves « d’endurance de force » (aviron, canoé-kayak…). » 

 

A l’échauffement peut être ?

Et bien encore moins, il ne sera pas nécessaire d’intégrer des étirements dans votre échauffement que ce soit avant une compétition ou bien avant une série spécifique. Les étirements ne préviennent ni des blessures ni ne permettent d’augmenter les performances, surtout dans les sports explosifs. C’est ce qu’on appelle le phénomène de « Creeping » en anglais (décrit par Wydra en 1997). Explication : si les muscles sont trop étirés avant un effort explosif, les fibres perdent leur élasticité naturelle et leur capacité à restituer moins d’énergie. Si ce phénomène est criant chez les sprinteurs, cet effet n’aura en revanche que peu de répercussions chez le traileur, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Nous verrons qu’il sera préférable d’intégrer alors des échauffements dynamiques, comme le fameux « échauffement russe ».

 

S’étirer en prévention des blessures peut être ?

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A titre préventif, les étirements sont-ils efficaces ? Tous les chercheurs et auteurs qui publient sur le sujet s’accordent aujourd’hui à dire que « d’une part, le stretching diminue la vascularisation des capillaires. D’autre part, les terminaisons nerveuses responsables des boucles réflexes sont comme anesthésiées une fois étirées Elles sont donc moins aptes à réagir dans l’urgence, accentuant de fait le risque d’entorse.

De la même manière, il a été montré que les étirements placés avant la séance ne diminuent pas le risque de déchirures musculaires (Herber RD, Gabriel M ; Effects of stretching before and after exercising and practise jumps on musclesoreness and risk of injury ; 2002). »

Comme le soulignent Wiemann et Klee (2000) « les étirements imposent des tensions importantes dans le muscle et ceci dans des amplitudes inhabituelles, il en découle des microtraumatismes au niveau de la structure intime du muscle (la Titine en particulier). »

 

Alors quand s’étirer ? Et à quoi peut servir l’étirement pour un traileur ?

Faut-il alors rejeter entièrement la pratique des étirements ? Malgré tous les préjudices liés aux étirements, nous répondrons néanmoins que les étirements conservent leur utilité même chez le traileur. Car ne pas s’étirer reste aussi préjudiciable. Mais les étirements doivent s’apparenter à une séance d’entraînement à part entière et être placés sur un créneau dédié placé loin des entraînements les plus difficiles. Et ce sera alors une séance de souplesse proprement dite dont le traileur saura tirer à terme les bénéfices. Sous réserve de bien respecter les règles d’or en la matière.

Néanmoins les recherches récentes démontrent que les coureurs les plus efficaces c’est-à-dire que qui ont un coût énergétique faible lié à leur foulée ne sont pas forcément les plus souples, bien au contraire. Citons par exemple les études de Fletcher JR, SP Esau et BR MacIntosh. (Changes in tendon stifness and running economy in higly trained distance runners ; 2010) ou de G.Millet (Ultra-trail : plaisir, performance, santé ; 2013).

Mais il faut rappeler également que la foulée dépend en grande partie du muscle triceps« Dans le pas arrière, le pied va quitter progressivement le sol et juste avant d’attaquer sa phase d’impulsion, le pied amorce une tension excentrique (les insertions du muscle s’écartent) occasionnant un allongement des fibres musculaires suivies alors de la vraie phase d’impulsion par une contraction concentrique (les insertions se rapprochent). Ce sont les qualités élastiques du muscle qui permettent cette énergie supplémentaire. Les scientifique appelle cela le « cycle étirement- raccourcissement » souligne Norbert Grau. Et il est important de rappeler que les étirements pourraient jouer un rôle crucial dans la prévention des blessures concernant les tendons ou les ligaments.

Dans ce cas, les étirements doivent s’adresser directement à l’élasticité du système « tendon-muscle ». « Il semblerait que le tendon et le muscle jouent le rôle d’un élastique qui emmagasine et restitue l’énergie» poursuit Norbert Grau.

 

Alors comment bien s’étirer ? Quelles techniques d’étirements utilisées  en trail?

S’étirer efficacement renvoie à respecter quelques conseils.

Les étirements lents et passifs : sans à coups pour ne pas risquer les déchirures musculaires, la mise sous tension doit être lente, progressive et continue. Maintenez 20 à 45s la position, puis relâchez progressivement la tension. Restez progressif dans votre pratique journalière et évoluez au fil des semaines en allant chercher un peu plus loin à chaque fois.

Associer contraction et étirement : Le contracter-relâcher-étirer. Cette technique consiste à contracter volontairement le muscle quelques secondes avant de l’étirer.

Le contracté du muscle antagoniste : Cette technique consiste tout simplement à contracter le muscle opposé au muscle étiré. Par exemple pour un étirement des ischios-jambiers (muscles très sollicités en course à pied), vous devrez  contracter le quadriceps, ce qui permet de favoriser le relâchement du muscle étiré.

 

 

Quels muscles étirer en trail ?

Nous retiendrons ici 5 étirements indispensables pour les muscles sollicités lors d’une séance de course à pied :

Les ischio-jambiers (arrière de la cuisse) : une jambe posée au sol, levez l’autre le talon en appui sur un banc ou une barre suffisamment haute. Tendez bien la jambe en ramenant la pointe de pied vers vous et allant chercher à toucher si possible cette pointe de pied. Variante vous pouvez également vous asseoir les jambes tendues et aller toucher les pointes de pied tournés vers vous avec les deux mains simultanément.

Les adducteurs (intérieur de la cuisse) : Assis en tailleur, posé sur le bassin et le dos bien droit, descendez vos genoux vers le sol en créant une pression progressive sur les genoux à l’aide vos coudes ou de vos mains. Relâchez la pression (maintenue 30s environ) puis recommencez 3 fois.

Le quadriceps (devant de la cuisse) : Debout, la jambe d’appui légèrement fléchie pour limiter la lordose lombaire le bassin en rétroversion, attrapez le pied avec la main et maintenez une pression en tirant le genou vers l’arrière. Autre variante, vous pouvez réaliser cet étirement allongé au sol sur le côté en ramenant le genou inférieur vers le haut toujours pour conserver le dos le plus droit possible. Étirer 30s, déliez la jambe puis recommencez l’exercice en allant chercher à chaque fois un peu plus loin vers l’arrière.

Le  triceps sural (mollet) : Debout en appui contre un mur, les deux talons posés au sol, une jambe tendue derrière l’autre, l’autre fléchie vers l’avant, reculez progressivement la jambe arrière. Alternez chaque jambe. Variante ; debout sur une marche, tentez de descendre les talons le plus bas possible.

Les Fessiers : Allongé sur le dos, repliez une jambe fléchie genou poitrine. Positionnez le pied opposé devant le genou puis amenez vos mains derrière le genou de la jambe fléchie. Créez une pression progressive sur cette jambe afin d’étirer les fessiers de la jambe opposée. Puis changez de jambe.

Outre les groupes musculaires spécifiques de la course à pied il sera utile d’étirer les chaines dorsales. Nous ne trouvons que peu de recherches et d’articles sur le sujet. Or nous savons que la course à pied (contrairement à un sport porté : natation, vélo) à tendance à « tasser les vertèbres » et à solliciter nos disques inter-vertébraux. Afin de conserver une bonne souplesse dorsale mais aussi en prévention des blessures des disques parfois rencontrées chez le coureur (lombalgie, sciatique) nous vous invitons à étirer le dos de manière globale. Et dans ce cas-là, contrairement à l’étirement d’un muscle isolé hyper-sollicité, vous pourrez prendre le temps de réaliser cet exercice même peu après une compétition.

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Inspiré de la méthode Mézières et du stretching global actif, créée par le kinésithérapeute Norbert Grau, voici deux étirements utiles pour bien étirer le dos :

  • Allongé sur le sol, les jambes tendues contre un mur, rapprochez le sacrum du mur en plaquant bien le dos au sol. Ramenez les pointes de pied vers vous les jambes toujours tendues. Conservez la tête posée au sol, le menton légèrement rentré et les bras posés et relâchés le long du corps.
  • Allongé sur le sol, les bras en croix, une jambe tendue et l’autre fléchie, placez le genou plié par-dessus la jambe. En maintenant au possible l’épaule opposée ancrée au sol, créez une pression externe avec votre main libre sur le genou et progressivement remontez ce genou vers la poitrine afin d’optimiser l’étirement du grand fessier. La colonne sera ainsi en torsion lombaire.

 

Pour compléter notre approche globale et d’étude de la littérature scientifique sur le sujet, nous avons demandé au kinésithérapeute Guillaume Servant, collaborateur avec le team Hoka, son avis sur la question :

« La question des étirements est récurrente dans le milieu du sport et soulève toujours des interrogations, tant au sein du corps médical que de la part des sportifs. Depuis une quinzaine d’années,  les étirements sous toutes leurs formes ont fait l’objet de nombreuses études, mettant parfois en contradiction, la preuve scientifique et la pratique de terrain. Pourtant la science du sport et les recherches médicales ont, depuis, fait le ménage dans les idées reçues. Mais les habitudes d’entrainement sont bien ancrées dans l’inconscient collectif et le guide des bonnes pratiques a du mal à être diffusé.

 

Les étirements : une pratique dont l’efficacité est peu prouvée… mais qui est indispensable …

On donne surement trop d’importance aux étirements … ce n’est ni une technique miracle, ni une technique universelle… mais ce n’est pas non plus une technique à rejeter ! Pour faire simple, on distingue principalement trois sortes d’étirements :

Les étirements sur le mode passif = Allongement d’un muscle ou d’un groupe musculaire induit par une force extérieure sans participation volontaire du sujet.

On utilise la pesanteur par le poids de son propre corps, combiné ou non à une traction manuelle ou à une force extérieure.

Les étirements sur le mode actif : Actif ou activo-dynamique = Mode d’étirements associant un allongement et une contraction musculaire. La contraction musculaire est réalisée de façon statique (sans induire de mouvement) sur un muscle préalablement mis en tension. L’étirement est dit «  activo-dynamique » si cet étirement actif est suivit par un travail dynamique de ce même groupe musculaire.

Étirements balistiques = L’étirement d’un groupe musculaire est réalisé de façon balistique par un mouvement de balancier nécessitant un contrôle freinateur du groupe musculaire étiré. Ce mouvement est répété plusieurs fois de suite.

Les étirements posturaux = Méthode globale qui, tout en associant contractions musculaires et étirements, invite l’individu à prendre conscience du positionnement de son corps dans l’espace. C’est une mise en jeu de la musculature par un placement postural et seulement ensuite par un placement des segments dans l’espace en position d’allongement et de contraction en poussant contre des résistances fictives.

 

En conclusion je fais quoi au juste ?

Dans la pratique et en tenant compte des différents éléments exposés dans cet article, il est possible de dégager les principes suivants : 

-Le traileur n’a certes pas besoin d’une souplesse légendaire contrairement à d’autres disciplines cependant un excès de raideur pourrait être limitatif, et aussi vous pénaliser dans d’autres activités ou dans votre parcours de santé.

– Prenez donc un peu de temps pour bien vous étirer, en réalisant les mouvements prescrits au calme et surtout en dehors des séances d’entraînement afin de pas créer une sur sollicitation des muscles déjà traumatisés

– Profiter des séances ‘’cool’’ comme des petits footings lents de 45’ pour programmer quelques étirements (15 à 20min) à raison de 2 à 3 fois par semaine.

– Après un échauffement, optez pour des étirements actifs et dynamiques comme le contracté relâché plutôt que les étirements passifs.

-Mais ne jamais vous étirer juste après une compétition ou après un entraînement intensif. D’autres méthodes de récupération pourront être prescrites comme les massages, l’électrostimulation ou la cryothérapie…

Dossier spécial Lire la partie 2.

 

 

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