Commencez d’abord par resituer le contexte, sans rien dénigrer.
Je m’explique : l’ultra est une discipline, sous cette forme, relativement récente. Lorsque je dis « sous cette forme », cela signifie « en montagne avec les conditions que vous allez y rencontrer ». En effet, si vous prenez un peu de recul, vous vous rendrez compte qu’il y a dix ans, lorsque vous étiez un marathonien, vous étiez considéré comme un fou ou un psychopathe. Aujourd’hui, lorsque vous annoncez que vous faites la CCC on vous dit « ha tu ne fais que la petite ». Et ce même si c’est une épreuve dure, longue de 98 kilomètres avec 5 600m de dénivelé positif.
De plus, hormis la distance et le dénivelé, rappelez-vous qu’en montagne, tout peut très vite changer et le milieu peut devenir très hostile… Tout cela demande dans votre préparation et votre programmation, que ce soit pour la CCC ou pour l’UTMB, de rester raisonnable et humble sans objectif chronométrique précis…
Après avoir fait cette petite mise au point, sachez que plus on allonge les distances, plus on entre dans des domaines inconnus, y compris personnellement. Ce qui signifie que, même sur la ligne de départ, même avec une préparation sans encombres, ou des conditions météo parfaites, vous ne serez jamais surs d’aller au bout… Et c’est la même chose pour tout le monde, rapide ou pas !
C’est ce qui fait le charme de ce type d’épreuve : il faut réussir à faire ce voyage personnel. Car c’est avant tout un voyage personnel, et tous ceux qui vont se battre contre des prévisions chronométriques ou contre les autres, vont augmenter leur possibilité d’abandonner. Pourquoi, me direz-vous ? Tout simplement parce qu’ils ne vont pas s’occuper d’eux-mêmes et de leur force en présence. Il faut rester lucide sur le fait que cela reste avant tout un voyage intérieur et qu’il faut rester humble vis-à-vis de la montagne et de cet environnement qui nous est offert comme terrain de jeux.
Lorsqu’avec l’expérience vous avez compris cela, vous avez déjà fait la moitié du trajet. Il vous reste à préparer l’autre moitié. Et là, la programmation de votre saison va être primordiale, ainsi que votre façon de l’aborder.
Il y a deux cas :
- Vous vous programmez beaucoup de courses et vous arrivez cuit au départ, même sans en avoir la sensation.
- Vous restez raisonnable et vous programmez quelques courses pas trop longues et avec des profils proches de ceux que vous rencontrerez. Dans ce cas, vous augmentez encore un peu vos chances d’aller au bout…
Ensuite, dans les mois précédant l’objectif, programmez peu ou pas de courses. En effet, un facteur dont on ne tient pas ou peu compte, est la fraîcheur mentale et l’envie. Le mental et la tête ont une influence primordiale. Le mental va prendre le relais dans les moments difficiles. C’est un facteur non négligeable.
J’ai testé pour vous, il y a quelques années, une grosse dose d’entraînement pour être sûr d’avoir fait ce qu’il fallait en distance et dénivelé. Et c’est la tête qui a lâché après la mi-parcours. J’étais bien revenu sur l’avant course, physiquement je n’allais pas trop mal et j’ai dit à ma femme : « Là, je veux juste dormir dans mon lit… » Alors j’ai rendu mon dossard, et ce malgré une très bonne préparation physique, mais qui avait négligé la partie mentale de l’histoire.
Il va aussi falloir programmer votre saison à rebours, avec des courses de préparation, et sans trop surcharger le programme.
Pour cela, il y a deux méthodes :
- Noter toutes les courses qui vous plaisent et voir ensuite comment organiser au mieux le calendrier.
- La meilleure méthode à mes yeux : partir du calendrier et, à rebours, remonter et entourer des dates idéales. Ensuite, il suffira de prendre un calendrier des courses et de voir ce qui est proposé sur ces dates-là et qui pourrait coller avec votre préparation.
Gardez en tête de vous laisser le temps de récupérer à chaque fois, pour ne pas vous fatiguer physiquement et moralement. Là encore, je vous conseille de ne pas trop charger votre programme. Les belles courses seront là l’année d’après et celle d’encore après. En surchargeant votre programme, vous risquez de ne plus être là pour en profiter. Et si vous n’êtes pas tiré au sort cette année, ce n’est pas grave, dites-vous que vous aurez une autre année pour vous préparer et profiter d’autres courses en attendant. Ce n’est pas une catastrophe internationale !
Ce n’est pas pour autant que vous allez planifier les deux prochaines années et vous programmer un objectif, car là vous vous rajouteriez de la pression inutile.
N’oubliez pas non plus qu’un échec et un arrêt prématuré sur une course de préparation ou sur une de ces deux épreuves, ne doit pas être considéré comme un échec, mais plutôt comme une étape nécessaire dans votre évolution. Gardez en tête qu’un arrêt prématuré fait partie du lot et que l’abandon est une preuve d’intelligence, pas facile a digérer sur le coup, mais beaucoup plus formateur et enrichissant que la réussite immédiate, qui peut être suivie d’échecs en série.
En résumé, voici quelques tuyaux pour programmer votre saison. Ils sont valables que ce soit pour être très performant ou juste pour terminer, et que ce soit pour la CCC ou pour l’UTMB. Dans tous les cas, ce sera une performance. Car comme on a pu le voir cette année, les changements de parcours dus aux conditions météo peuvent engendrer un pourcentage d’arrêt inhabituel, même si cela est un simple fait de course… Il faut réussir à accepter ces changements, à se remobiliser et à changer ses plans…
- Ne pas programmer de compétitions un mois et demi à deux mois avant la grande messe. Une compétition risque de vous laisser des traces ou des amorces de blessures. Donc, programmez votre dernière épreuve début juillet et débutez votre fin de préparation par une période de récupération avant de fignoler les derniers réglages.
Beaucoup de gens imaginent que la préparation doit se dérouler sur les 10 ou 12 dernières semaines avant l’épreuve mais il est déjà trop tard. La préparation pour une telle compétition se fait sur toute l’année.
- Avant cette période, faites des courses longues, mais pas trop. Pour cela je vous conseille de placer une épreuve par mois, grand maximum. Si vous voulez être au top, espacez beaucoup plus vos épreuves afin d’avoir le temps de bien récupérer entre chaque, et de pouvoir programmer un cycle d’entraînement qui vous sera profitable. Pensez aussi que des épreuves très dures physiquement et moralement vont engendrer de la fatigue supplémentaire et vous dirigeront inéluctablement vers un échec à la fin du programme.
Il faut respecter un juste équilibre…
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