Par où commencer lorsque l’on sait qu’il va falloir, pour un coureur aguerri, deux à trois mois de préparation… Normalement, rassurez-moi, vous ne commencez pas de zéro et vous avez une expérience qui vous permet d’avoir les bases nécessaires en course à pied et en trail pour vous bâtir un plan d’entraînement et surtout « encaisser » ce genre de course. Enfin, bien sûr, vous avez déjà choisi votre épreuve, connaissez les conditions climatiques et avez toutes les informations nécessaires.
Mais voilà, vous devez maintenant vous lancer dans la préparation et établir un plan d’attaque. Il ne sera pas question de vous proposer un plan d’entraînement mais de vous donner quelques consignes et le résumé de mon expérience…
Premier point : la course à pied
Cela peut sembler être le principal objectif : se préparer à courir tout au long de l’épreuve. Pourtant les conditions et l’environnement (alimentation, conditions météo ou qualité du sable) vont rapidement vous permettre de comprendre que la course à pied devient vite un détail.
En effet, le matériel et votre préparation mentale vont avoir la même importance que le simple fait d’être capable de courir. Très souvent, les concurrents négligent ces aspects en se disant qu’ils ont le temps et que dans les dernières semaines ils rassembleront le matériel obligatoire et prépareront alors leur sac. Voilà la première grosse erreur. Vous allez en effet devoir faire les séances avec le sac ! Vous vous rendrez vite compte que le poids est un ennemi sur la terre ferme, alors imaginez dans le sable !
Evidemment, lors de votre préparation, vous ne pourrez reproduire les conditions exactes de course, sauf si vous partez régulièrement dans le désert ! A l’entraînement vous allez donc continuer le travail des bases comme la vitesse, le seuil ou les montées et descentes sans oublier que vous vous serez confronté à des appuis mous et fuyants et à des conditions climatiques vous proposant la chaleur le jour et le froid la nuit. Donc n’oubliez pas de travailler le renforcement musculaire, et le travail des chevilles.
Au niveau des séances, comme vous serez confronté à du non-stop, vous allez devoir recréer une sorte de non-stop perso. Comment faire ? Plusieurs solutions s’offrent à vous.
Si vous avez une activité professionnelle plutôt dynamique, adoptez ce programme au moins deux fois par semaine. Footing le matin, travail jusqu’à midi, footing entre midi et deux, re-travail, et footing le soir, pour tenter de re-créer un faux travail en continu. Attention, il ne faut pas faire ce type de programme d’entraînement durant le dernier mois avant la course. Il est toutefois très intéressant de le réaliser durant les deux premiers mois de votre préparation, afin de vous rendre compte de la fatigue engendrée. La séance qualitative sera bien entendu celle du soir car, avec la fatigue de la journée, vous allez repousser vos limites. Lors de cette séance vous allez aussi vous habituer au poids généré par votre matériel et votre sac.
Autre solution : réaliser des week-ends chocs sur trois jours (début le vendredi après-midi ou le soir). Vous allez ainsi programmer un week-end complet de course avec des séances vendredi, samedi matin et soir et une sortie plutôt longue le dimanche. Dans ces moments-là, ne perdez pas l’objectif : vous allez courir dans le désert. Il n’est donc pas question de programmer des séances de qualité qui seront inutiles et entraîneront une fatigue superflue. Il s’agit davantage de se confronter à un long travail d’endurance, c’est à dire à un rythme très tranquille.
C’est ensuite le moment de travailler un autre facteur important : votre capacité à « marcher ». Vous allez me dire : « Si je réalise ce type de préparation, ce n’est pas pour marcher mais pour courir », ou encore « si je suis capable de courir, je marcherai sans souci ». Je vous répondrai : non ! Souvent, dans ce type d’épreuve, la marche est choisie un peu trop tardivement et sans préparation. Sur ces courses, gardez une chose en tête : toujours avancer, donc pas très vite mais tout le temps.
Si vous connaissez le parcours, vous avez un gros avantage car vous saurez anticiper les zones plus sableuses et celles plus roulantes. Vous serez alors capable de vous dire « là, je cours » ou « là, je marche ». De ce fait, vous pouvez vous projeter et gérer votre course.
Pour marcher correctement, il faut vous entraîner à alterner marche et course, et surtout apprendre à ne pas attendre la surfatigue. En effet, lorsque vous devrez marcher pour cause de fatigue, il sera souvent trop tard et vous risquez de devoir marcher jusqu’à la fin de votre épreuve.
Sachez que lorsque vous marchez les mêmes groupes musculaires fonctionnent différemment, il faut donc être préparé, lors de vos séances d’entraînement imposez vous donc des moments de marche (lire : rando-course, ca veut dire quoi ?). Appréciez ces phases de marche car c’est aussi un bon moyen de se relaxer et de se relâcher, des atouts qui vous permettront de mieux repartir. Et n’oubliez pas, un bon marcheur peut avancer entre 6,5 et 7,5 kilomètres par heure. En comparaison, un coureur qui n’a pas su gérer sa fatigue finira par descendre à des vitesses de 5 à 7 km/h… Sur ce type d’épreuve, il faut bien enregistrer que vous marcherez entre 50 et 75% du temps, voire bien plus pour ceux qui seront partis trop vite….
Deuxième point : le matériel
Le sac à dos. Essayez le, dans toute les situations, avec tous les poids. Recherchez les moindres zones de frottement, d’inconfort. C’est primordial. Lisez : Comment choisir son sac à dos ; problèmes de frottements avec son sac à dos, quelles solutions ? ; sac à dos bien chargé, confort de course assuré ;
Prenons ensuite les vêtements. La plupart des gens se disent : « il va faire chaud, donc ce sera uniquement : short, tee-shirt ». Il ne faut pas l’aborder sous cet angle. Car oui, il fait chaud le jour mais froid la nuit (très souvent de 5°c à des températures négatives) !
Autre élément à ne pas négliger : la protection face au soleil. On ne se passe de la crème solaire au début et ensuite vaille que vaille … ! Croyez-en mon expérience désertique, même minime, lorsque vous passez la ligne d’arrivée d’une épreuve de ce type, après trente heures de course et avec de la protection solaire indice maxi, vous aurez des cloques de 5cm de diamètres sur les cuisses si vous adoptez le short ! Je vous assure que la fois suivante, vous portez du long ou alors baladez-vous avec un carton de tubes de pommade ! Juste pour info, j’ai gardé des traces durant un peu plus d’un an…
Dans le même registre : les protections face au sable levé par le vent et qui s’incruste absolument partout. Ce sable si fin et si agréable sous vos pieds nus, va devenir un enfer après plusieurs heures dans les chaussures. Il va décoller par un vent léger et retoucher le sol seulement 4 jours après… quand le vent se sera arrêté. Hé bien ce sable n’est pas votre ami et il va falloir vous préparer. A courir dessus ou dedans selon les situations, mais surtout à vivre avec et à vous en protéger : les pieds, le visage, les poumons et tous les secteurs où il pourrait entrer… c’est-à-dire partout. C’est un aspect souvent négligé mais il faut sortir couvert dans ce type de milieu car vous risquez en plus de vous déshydrater. Donc pensez aux casquettes longues, lunettes, guêtres, combinaisons, etc…
Terminons ce point matériel avec cet avertissement. Très souvent la liste obligatoire du matériel vous semble inutile et bien trop importante. N’en croyez pas un mot, dites vous, au contraire, que ce matériel est le strict minimum et qu’il peut, dans certaines conditions, vous sauver la vie.
Vous y trouverez :
– du matériel de premiers secours type désinfectant, pansements, élastoplaste, aspi venin et autres produits. Ne mettez rien de côté, vous pourriez le regretter et vous ne passeriez pas les barrières du contrôle des sacs.
– de quoi dormir (couverture de survie et sac de couchage),
– de quoi vous changer pour vous couvrir durant la nuit,
– de quoi manger et boire.
Rien n’est inutile. A cette liste vous devrez ajouter le matériel de l’organisation soit une carte de pointage, un road book et une fusée de détresse.
Au final, avec l’eau et les 8500 kilocalories obligatoires, votre sac pèsera 9 à 10 kilos, pour les plus légers.
Troisième point : l’eau et la nourriture
Ce sont des éléments essentiels à la survie dans le désert. J’ai pu observer des coureurs bien entraîner et donc très surs d’eux, trop surs d’eux, partir avec le strict minimum. En faisant au plus léger en matière de nourriture et d’hydratation, ils se mettent en danger.
Pour information, sur une épreuve comme le Libyan Challenge, parcourant près de 220 kilomètres dans le désert de l’Akakus, j’ai consommé pas moins de 30 litres d’eau et 7 000 kilocalories de nourriture. Vous me direz que sur trente heures de course, 7 000 kilocalories ce n’est pas énorme. Mais il s’agit de ce que j’ai réussi à consommer, ce n’est pas ce que mon organisme, lui, a consommé… Les différents enregistrements que j’ai pu faire lors de mes trois participations m’ont plutôt donné comme informations une consommation réelle de près de 16 400 kilocalories, soit un peu plus du double de ce que j’avais réussi à ingérer…. Au final, il y a donc un très gros déficit.
La partie alimentation et hydratation n’est pas à prendre à la légère. Normalement, vous faites trois repas par jour, ou quatre en période de préparation un peu plus intensive. A la suite d’une épreuve de ce type, vous créez un tel désordre aux niveaux hormonal et consommation énergétique, que vous devez manger en petite quantité toutes les deux heures ; et ce durant les 4 ou 5 jours qui suivent l’épreuve. Cela engendre aussi un très faible temps de sommeil car le système hormonal est le plus long à rétablir et à re-coordonner. Il faut donc penser à la course mais aussi à l’après course et donc être encore plus exigeant avec son alimentation et son hydratation durant l’effort.
Enfin, notez que sur certaine course, j’ai pu voir des concurrents ayant opté pour un minimum de nourriture et ayant choisi uniquement des poudres et produits énergétiques, littéralement « pêter un câble » …
Et oui, au bout d’un moment, le corps et la tête ont besoin d’autres choses et dans ce type de course, qui n’en est plus une, la notion de plaisir utile prend toute sa valeur et son sens. Alors pensez à quelques produits que vous aimez et qui sauront vous apporter de l’énergie mais aussi et surtout vous ferons du « bien au moral ».
Préparez vos pieds !
Passons à un autre élément à ne SURTOUT pas négliger. Vos pieds ! Ce sera votre seul contact avec le sol ! Or le sable, lorsqu’il devient abrasif et irritant, se transforme en enfer. Je vous conseille de lire l’article spécifique sur ce thème : bichonnez vos pieds. Lors deux dernières années du Libyan Challenge, j’ai réussi à ne pas aller chez le podologue après l’épreuve, grâce à cette préparation attentive de mes pieds.
A contrario, l’histoire de couple Norvégiens venu en Libye en 2008, sur le Libyan challenge. Après 40 km de course, les podologues placés aux deux premiers ravitaillements ont décidé de ne plus toucher aux pieds de la femme car ils n’étaient pas surs de pouvoir lui remettre ses chaussures. Ce couple a continué durant 4 jours comme cela, à la demande de la femme. Elle ne voulait rien lâcher et est aller au bout malgré tout. A l’arrivée, les podologues ont dû découper ses chaussures pour accéder à ses pieds. Ils étaient entièrement à vif, y compris entre et sur les orteils. Elle a été soignée sous morphine et est restée en fauteuil roulant durant 15 jours. Ce sont ces capacités mentales, sa détermination… et certainement les hormones type endorphines qui lui ont permis d’aller au bout mais au prix de quel sacrifice !
Eviter donc ce genre de mésaventure et pensez à la préparation en amont afin que votre voyage se déroule dans les meilleures conditions possibles.
L’état d’esprit
Partez sur ce type d’événement comme vous partiriez en voyage car c’est bel et bien un voyage, et non une course. Sur ce type d’épreuve l’expression « se retrouver face à soi-même » prend tout son sens. C’est un voyage intérieur, et non une course où il faut aller vite. Ce n’est pas non plus une course d’un jour. Il faut donc garder à l’esprit que l’objectif est de rallier l’arrivée le mieux possible, le résultat n’est qu’un détail. La satisfaction ressentie au passage de la ligne et le fait de pouvoir se dire « je l’ai fait » est aussi grand que le désarroi que l’on peut lire dans les yeux des personnes qui ont dû abandonner pour diverses raisons.
Alors une fois prêt et sur la ligne de départ ne pensez qu’à une chose : rallier l’arrivée et à rien d’autre. Ha si ! Prenez du plaisir et prenez-en plein les yeux (mais pas de sable !)…