Qu’elle se soit accompagnée de son lot de bonnes ou mauvaises surprises, la première initiation a toujours constitué un point d’appuis, une référence pour se construire. En sport comme ailleurs. Quand bien même cette expérience ne se terminerait jamais – on apprend sans cesse au fil des répétitions – ses effets sont pourtant nettement plus importants en début de pratique. Il est en effet commun d’observer de larges progrès lors des premières familiarisations, avant que ces progrès ne s’atténuent pour devenir plus discrets.
En dépit d’un précieux passé dans l’activité, il est pourtant certaines courses où l’on peut se retrouver démunis et avoir l’impression d’adopter un comportement…de débutant.
Pour mieux comprendre ce comportement « spontané » en sport, une équipe de chercheurs de la capitale a récemment confronté un groupe de 34 triathlètes bien entraînés (VO2max 64 ± 4 ml·kg-1·min-1, et possédant au moins 3 ans de pratique au niveau régional ou national) à une épreuve peu banale : deux courses contre-la-montre de 20km à vélo (effectuées à une semaine d’intervalle), sans autre repère que la distance de course parcourue… A l’aveugle en quelque sorte.
Jusque là, pas vraiment de soucis, en tout cas pour qui se connaît à l’effort. En réalité, la subtilité venait de l’ambiance thermique dans laquelle était effectuée la performance. Tandis que 12 participants réalisaient les contre-la-montres dans un environnement neutre (21°C, 50% d’humidité) censé simuler des conditions usuelles de pratique, les 22 autres effectuaient pour leur part leurs épreuves dans une pièce chauffée à 35°C, 50% d’humidité. Vous l’aurez compris, l’idée était en fin de compte d’observer si le décalage de sensations induit par ces deux environnements pendant la course allait induire chez ces deux groupes, d’une semaine sur l’autre, un apprentissage comparable dans la gestion de l’épreuve…
En tant que telles, les performances des 2 groupes avaient positivement évolué d’une semaine sur l’autre : de 8 ± 14W pour le groupe « Tempéré » (passant de 32’16’’ à 31’52’’), et de 11 ± 24W pour le groupe « Chaleur » (de 33’22’’ à 32’40’’). Une amélioration comparable qui ne permettait donc pas de conclure à un intérêt particulier à se familiariser à la chaleur si l’envie soudaine nous prenait d’aller performer sur la côte.
Mais à regarder les stratégies d’allure adoptées par les coureurs, la pertinence d’une telle première expérience à la chaleur émergeait finalement. En effet, si l’évolution des vitesses de courses adoptées par le groupe Tempéré restait similaire kilomètre après kilomètre entre les 2 essais, un changement clair de gestion de course était manifesté par le groupe Chaleur. Plus précisément, leur 1ere course à 35°C ne semblait pas s’être déroulée comme prévu : après avoir démarré sur un rythme « normal » (et donc comparable au groupe Tempéré), leur puissance de pédalage diminuait jusqu’à -21 ± 19% pendant le dernier tiers de la course ! Avertis de cette incartade, les participants exposés à la chaleur corrigèrent le second essai dès le début de la course, avec un départ en deçà des allures habituelles mais une allure finalement plus stable que la semaine précédente (et plus élevée en moyenne !).
D’un point de vue « compétitions en chaleur », ces données peuvent alors s’avérer intéressantes. Mais la leçon derrière un tel phénomène d’apprentissage demeure plus large. C’est celle d’une préparation aux contraintes de ladite épreuve, et pas à une course lambda. Les coups de chaleur sont en effet banals, de même que peuvent l’être les traumatismes musculo-tendineux en cross, le manque d’air avec un peu d’altitude, ou le froid paralysant de l’eau lors d’un triathlon au printemps… Dans ce cadre, répéter une fois de plus son schéma de course habituel n’aura alors jamais autant d’impact sur l’expérience que la confrontation à la réalité de l’épreuve. Une réalité source d’adaptations.
Cyril Schmit