Nous sommes presque 14 millions de coureurs en France et personne ne s’entraîne de la même façon. Stephen Seiler (chercheur, expert des méthodes d’entraînement d’endurance, à googler ou à twitter) est lui-même serein d’avancer par expérience que, malgré cette diversité, une méthode comme le 80/20 fonctionne pour tous. Autant les élites que les amateurs.
Top ! Mais cette dimension générique complexifie aussi la chose, car plus le concept est appréhendé et plus il est soumis à interprétation.
D’autant que le 80/20 est largement utilisé par ailleurs : dans les milieux professionnels du service, de la vente, de la gestion de projet… la loi de Pareto nous explique par exemple que 80% des résultats sont générés grâce à seulement 20% des causes.
Ceci n’est pas la signification que l’on a du 80/20 en endurance. Alors, pour limiter les écarts d’interprétation ou simplement apporter matière à réflexion, voici 3 représentations erronées quant au fameux 80/20.
1. Penser « volume »
La première erreur est de se représenter le 80-20 en guide de durée :
- 80% du temps d’entraînement à basse intensité
- 20% du temps à haute intensité
En effet, le concept ne s’applique tout simplement pas au temps d’entraînement… mais aux séances !
En fait, pour le coureur, il s’agit d’adopter un découpage du plan d’entraînement en termes de nombre de séances. Et donc de ventiler ses 10 prochaines séances en :
- 8 séances à basse intensité
- 2 séances à haute intensité
L’équivalent en « temps » de cette représentation devient alors : 90% du temps passé à basse allure / 10% du temps passé à haute allure.
Ce qui change clairement la donne, non ?
2. Figer l’intensité du « 20 »
De nombreuses motivations nous font courir. Lorsqu’il s’agit d’une épreuve, un des contenus de préparation est alors consacré au travail de qualité : les fameuses séances HIT de 20-40 minutes. Si le contenu varie pour chacun(e), la perspective reste la même : la compétition.
En dépit de cet objectif concret, le contenu des séances intenses reste souvent figé à des allures élevées. En effet, pour se rassurer ou par habitude, on continue de travailler à/proche de VMA.
Or, puisque l’on ne court pas un 10km, un semi ou un marathon à ces allures de séance, l’enjeu des semaines pré-affûtage ne devrait-il pas justement consister à basculer sur du travail à allure spécifique ?
Pour optimiser sa préparation, un travail d’allure de course pourrait/devrait alors être adopté en guide de séance de qualité. En remplaçant 1 séance HIT par 1 séance d’allure de course, au moins une fois par semaine.
Conséquence de cette approche : moins d’intensité cardiovasculaire certes, mais un travail musculaire et mental plus adapté à la nature de l’épreuve. Et donc une préparation plus efficace car cohérente avec les besoins du jour J.
À noter qu’après une blessure ou une phase de confinement, c’est aussi cette composante du 80/20 qu’il s’agira de faire évoluer. Par exemple en accumulant d’abord du volume à intensité modérée avant de revenir aux intensités usuelles. Et ce durant 3 semaines au moins pour que le corps se réadapte.
3. Dévaloriser le « 80 »
La 3e erreur-type est généralement perçue chez les coureurs ayant un agenda hyper-condensé. Par manque de temps, ils attribuent aux séances souples un enjeu de moindre importance : « courir doit être dur sinon ça ne travaille pas ».
À tort ou à raison ? L’expérience personnelle apporte la réponse (et les échanges sur la page Lepape-info fournissent pléthore d’expériences). Toujours est-il que pour progresser, un coureur pense plus aisément aux séances intenses.
Dans le contexte du 80-20, c’est l’inverse : l’importance des séances parle d’elle-même (8 séances sur 10 à basse allure) et ce n’est pas pour rien. C’est car durant ces séances, il se passe des choses qui ne se passe pas à haute vitesse. Par exemple :
- On crée moins de fatigue (énergétique, nerveuse, tissulaire), voire on pourrait même faciliter le recouvrement d’un état de fatigue
- On améliore l’affinité muscles-lipides, ce qui a pour intérêt d’apprendre au corps à préserver son énergie « booster », les glucides. Très utile avant une course
- On peut tout simplement courir longtemps. Et donc apprendre comment on fonctionne au-delà de 60 min de running, 1h30, 2h00, etc.
- Dans la tête, cela est moins anxiogène
Cela ne signifie pas qu’une séance intense n’est pas utile. Cela souligne plutôt que le rapport coût/bénéfice d’une séance souple peut être plus avantageux que celui d’une séance intense.
Tout l’enjeu du 80/20 est alors de dire que c’est le cas 8 fois sur 10. Le meilleur moyen de s’en persuader, c’est encore d’essayer.