De quoi parle-t-on ?
Le but de l’entrainement « race pace » (traduit en français par allure de course) consiste à s’entrainer le plus souvent possible sur des allures qui correspondent à des vitesses de course. Ce type d’entrainement présente également l’avantage de nager sur des modalités de nage où les rapports entre fréquence et amplitude se rapprochent fortement de ces paramètres observés en course. Mais, l’erreur principale qui peut arriver avec cet entrainement est de réaliser des intervalles trop longs, qui génèrent une production importante de lactates et une augmentation rapide de la fatigue.
Temps d’effort vs temps de récupération
En effet, plusieurs auteurs ont montré par le passé, que le temps d’effort et le temps de récupération étaient à prendre en compte selon l’objectif de la séance. Dans le cas où l’entraineur souhaite prescrire un entrainement à allures de course, et demander aux nageurs de nager le plus longtemps sur ces allures de courses, alors ces temps d’intervalles doivent être bien définis. En cyclisme, un bel exemple a été démontré par Astrand et Rodahl (figure 1).
Figure : Valeurs de lactatémie selon différents intervalles où le ratio temps d’effort-temps de récupération est identique mais la durée d’effort est différente. (Astrand et Rodahl, 1977)
Pour un même ratio temps d’effort-temps de récupération (1/2), la variation du temps d’effort entraine des accumulations de lactates sanguins bien différentes. Des intervalles courts de type 10s d’effort puis 20s de récupération engendrent une lactatémie bien inférieure à des intervalles plus longs de type 60s d’effort 120s de récupération. Sur une série d’une durée de 30 minutes, l’intervalle 10/20 permet de ne pas accumuler de lactates sanguins alors que l’intervalle 60/120 engendre une augmentation de la lactatémie au cours de la série. Ces auteurs ont également montré que les intervalles longs impliquent une forte déplétion de glycogène alors que le stock en glycogène reste stable pour les intervalles plus courts.
Le niveau de glycogène disponible est essentiel pour la fonction neuromusculaire et donc pour l’acquisition d’apprentissages techniques à haute vitesse de nage. Cela permet au nageur de développer son pattern technique tant que le niveau de glycogène sera suffisant, alors qu’une chute de ce niveau de glycogène perturbe cette fonction neuromusculaire. L’entrainement sur des intervalles longs ne permet donc pas de conserver un niveau de glycogène suffisant pour développer ses acquisitions neuromotrices. L’entrainement sur de courts intervalles permet aussi d’avoir une récupération plus rapide et permet donc de réaliser davantage de répétitions à haute intensité sans pour autant se fatiguer. En natation, ce type d’entrainement a été décrit en premier par Brent Rushall (1967 et 1970).
D’autres travaux expérimentaux de Tabata (1997) ont démontré que le temps d’effort doit être assez long pour dépenser une énergie maximale en sollicitant voie aérobie et anaérobie mais ce temps d’effort doit être assez court pour ne pas dégrader la technique de nage et les capacités physiologiques. Il est courant d’observer des répétitions de 200 mètres chez la plupart des groupes d’entrainement. Pourtant, Rushall suggère que ce qui compte est la somme totale de travail réalisée à allures de course. Autrement dit : nombre de répétitions par la distance nagée.
Systèmes énergétiques
L’utilisation des différents systèmes énergétiques au cours d’une série d’USRPT varie au cours de la série et au fur et à mesure de l’entrainement. Au début de la série, l’énergie utilisée au sein des muscles est principalement de source alactique plutôt que lactique. La glycolyse anaérobie survient durant la série mais ne produit pas une accumulation conséquente de lactates sanguins (comme évoqué précédemment). La voie aérobie, quant à elle, augmente graduellement au cours de chaque répétition. A la fin de la série, la capacité oxydative augmente alors que la vitesse de nage reste constante.
De plus, ce type d’entrainement permet de recruter davantage des fibres musculaires rapides, ce qui permet aux nageurs de produire davantage d’énergie et plus de puissance musculaire. Et comme nous venons de le décrire, ce recrutement de fibres rapides est accompagné conjointement d’une forte consommation d’oxygène. Cela facilite donc la capacité de maintenir une grande vitesse de nage avec une bonne fonction motrice/mécanique. L’USRPT entraine donc probablement des adaptations supérieures aux entrainements avec des répétitions très longues. En effet, les répétitions à forte distance répétées de nombreuses fois entrainent souvent les nageurs dans un état de surentrainement avant d’avoir acquis des adaptations techniques et physiologiques maximales. Toutefois, ces séries longues entrainent sans doute une plus grande capacité lactique et éventuellement une meilleure tolérance à l’acidose, permettant une progression des performances.
Quelques principes
En prenant en considération tous ces éléments, Rushall propose quelques grands principes qui fondent l’USRPT :
- Un entrainement qui fatigue n’est pas forcément le meilleur ou le plus efficace pour engendrer un stimulus d’entrainement. Les effets sont moindres lorsqu’un effort est réalisé en continu sur une période longue.
- Il est possible de réaliser un haut volume à haute intensité en utilisant des temps d’effort et de récupération entre 15 et 30 secondes, avec un ratio de 1:1.
- Lorsque le temps d’effort dépasse 30 secondes, le temps de récupération nécessaire augmente considérablement et le ratio 1:1 ne suffit plus.
- Ce travail intermittent est le type de travail qui permettra d’augmenter son volume réalisé à allures de course.
- Ce type de travail est le meilleur pour développer sa capacité aérobie tout en nageant à allures de course.
- Le temps de travail par intervalles doit être individualisé en fonction des capacités du nageur et de sa spécialité.
Quelques conseils
Enfin, Rushall présente quelques conseils pour construire sa série d’USRPT :
- Déterminer la distance de course (et la nage) pour laquelle la série sera réalisée.
- Déterminer la distance de la répétition à utiliser pour le stimulus d’entrainement. Selon le profil du nageur, la distance sera plus ou moins grande.
- Calculer le temps d’effort qui correspond au temps moyen de la course divisé par la distance à répéter.
- Décider du temps de récupération qui s’approche du temps d’effort. Il sera d’environ 10 secondes pour un 25 mètres et d’environ 20 secondes pour un 50 mètres.
- Déterminer le nombre de répétitions de la série. Le nombre doit imposer un challenge pour chacun des nageurs. Il est conseillé que ce nombre soit suffisant pour que le nageur n’arrive pas à maintenir la vitesse imposée jusqu’au bout. En effet, si dès la première série, le nageur arrive à réaliser la série sans difficulté, on peut penser que le stimulus d’entrainement n’est pas assez important. La difficulté de la série peut être augmentée en diminuant le temps de récupération ou en demandant une vitesse de nage plus rapide.
- Offrir les meilleures conditions possibles aux nageurs en veillant à ne pas leur induire trop de vagues dans le bassin. En effet, ce type d’entrainement implique souvent aux nageurs (lorsqu’ils sont nombreux dans la ligne) de nager face aux vagues de leurs partenaires d’entrainement.
Voilà deux exemples de série « USRPT » :
- 20x50m crawl à allure du 200 mètres départ chaque 1’
- 30x25m dos à allure du 100 mètres départ chaque 45’’
Planification
Au sein d’une séance, plusieurs séries dites « race-pace » sont réalisables lorsque la récupération entre les séries est suffisante. Ce type de séries fonctionne également pour le travail de jambes, d’ondulations, de virages ou d’arrivées. Par ailleurs, il semble important que ces séances soient reproduites régulièrement afin d’entrainer des adaptations profondes. Une seule séance isolée d’USRPT ne permet pas de produire un stimulus d’entrainement très fort. Rushall et Pyke (1991) recommandent un délai de 36 à 48 heures entre deux séances de race-pace. Le corps apprend à chaque stress de l’exercice, chaque répétition. La série sera donc de plus en plus facile avec le temps. Si aucun progrès n’est observé, alors l’entraineur devra identifier les raisons pour lesquelles le nageur ne progresse pas, et la série devra sans doute être adaptée en fonction des réponses de performance du nageur. Au fil des microcycles, l’entraineur pourra augmenter l’intensité de la série en jouant sur les variables qu’il souhaite (temps d’effort, temps de repos, distance, etc…).
Conclusion
En résumé, « l’Ultra Short Race Pace Training » permet de réaliser un haut volume d’entrainement à allures de course. Il est permis par une répétition d’efforts intenses sur de courtes durées qui permettent d’importantes sollicitations musculaires, une grande consommation d’oxygène, tout en limitant l’apparition de fatigue. Ces adaptations physiologiques sont également accompagnées d’adaptations techniques, où la fonction neuromusculaire est maximisée avec ce type d’entrainement.
Références :
- Astrand, P. O., & Rodahl, K. (1977). Textbook for work physiology. New York, NY: McGraw-Hill.
- Rushall, B. S. (1967). The scientific bases of circulorespiratory training. Unpublished master’s thesis, Indiana University, Bloomington, Indiana.
- Rushall, B. S. (1970). An aspect of sprint training. Compete, 2(2), 1-2.
- Rushall, B. S., & Pyke, F. S. (1991). Training for sports and fitness. Melbourne, Australia: Macmillan of Australia.
- Tabata, I., Irisawa, K., Kouzaki, M., Nisimura, K., Ogita, F., & Miyachi, M. (1997). Metabolic profile of high intensity intermittent exercises. Medicine and Science in Sports and Exercise, 29, 390-395.