L’évaluation de la VO2max se déroule le plus souvent en laboratoire, même si des appareils portables existent et commencent tout doucement à se démocratiser.
On l’évalue au cours d’un test d’intensité croissante (ou test incrémental) durant lequel, les quantités de dioxygène (O2) et de dioxyde de carbone (CO2) inspirées et expirées sont mesurées.
De plus, nous allons observer l’évolution de ces deux paramètres vis-à-vis de l’augmentation de l’intensité paliers après paliers, jusqu’à l’atteinte des capacités cardiovasculaires et cardiorespiratoires maximales.
Problème, ces tests coutent parfois cher, sont souvent fait en plateau de médecine, avec des calibrations d’outils parfois approximatives, des interprétations médicales et non d’entraîneurs ou de sport scientists et des protocoles qui peuvent différer et engendrer des résultats différents.
Si vous m’avez suivi, l’augmentation de l’intensité de l’effort, donc de la puissance, est liée à l’augmentation de la consommation d’oxygène, ce qui de fait nous alerte sur la possibilité, à partir d’un test de puissance de calculer une consommation d’oxygène.
C’est précisément ce qu’a fait l’équipe de recherche de l’université de Saragosse et de Lleida en Espagne, en se demandant si un test simple, connu des cyclistes, pouvait permettre le calcul de VO2max.
En parcourant la littérature scientifique, on peut aisément trouver des études qui parlent de la mise en place d’efforts maximaux continus de 3 à 8 min permettant d’atteindre VO2max.
Sur le terrain, les entraîneurs utilisent souvent ce que l’on nomme les CP5, 8, 10, 20…. Soit la puissance maximale que les sportifs sont capables de maintenir respectivement durant 5, 8, 10, 20 min.
À l’heure actuelle la réalisation d’un CP5, semble être le test d’évaluation de la PMA le plus adapté et celui que cette équipe de chercheur espagnol a utilisé afin de prédire la VO2max.
Le public de l’étude :
Les 46 cyclistes réunis d’un niveau allant du sportif amateur au sportif World Tour ont réalisé 2 tests séparés de 72 h de récupération.
Le premier test consistait après la mesure de leur composition corporelle à effectuer un test incrémental avec 5 min d’échauffement à 100 W suivies d’un premier palier d’effort à 150 W avec incrément de 25 W toutes les 3 min.
Après 3 jours de repos chaque cycliste est revenu au laboratoire afin de réaliser après un échauffement un contre la montre de 5 min sur home trainer qu’ils ont achevé avec 10 min de récupération à 65% Fcmax.
Chaque participant a réalisé les tests sur son propre vélo monté sur un home trainer Tacx Neo Smart 2 T avec la visibilité en temps réel de leurs données de FC, cadence et puissance.
Lors de chaque test, les athlètes étaient équipés d’une ceinture de fréquence cardiaque (Polar) ainsi que d’un analyseur d’échanges gazeux.
Aisé donc pour les chercheurs de l’étude, de comparer les VO2max sur chacun des deux tests et de voir si des corrélations pouvait émerger afin de se servir du test de 5 min et d’estimer par calcul une VO2max sans appareil de mesure à partir de la puissance moyenne obtenue.
Il s’agit en termes plus « scientifique » d’une régression linéaire entre puissance et VO2.
Quels sont les résultats ?
Comparons les résultats obtenus du groupe vis-à-vis du test incrémental et du test de 5 min (Figure 1). Concernant la FC max rien de différent puisque dans les deux cas les sujets ont atteint une FCmax de 178 ± 10 batt/min. Les cadences de pédalage furent semblables également avec une valeur de 95 ± 9 revs/min.
Maintenant observons les différences de puissance.
La puissance à VO2max fut de 320 ± 46 W contre 355 ±56 W sur le test de 5 min. On le voit ici très clairement les résultats sont donc différents en laboratoire entre un test incrémental et un test de CLM de 5 min.
Conséquence lorsque vous faites un test pensez à toujours utiliser le même protocole… les différents tests et leurs résultats ne sont pas forcements comparables et les tests interchangeables.
Autre élément ici, les tests sont faits sur les vélos des sportifs mais sur home trainer. Si l’envie vous prends de comparer un 5 min sur home trainer et un 5 min en extérieur sur la route… oubliez vite la comparaison car pour la grande majorité des personnes les valeurs atteintes sur home trainer sont généralement plus faibles de 10 à 40 W comparativement à l’effort réalisé en extérieur.
C’est d’ailleurs pour cette raison que certains entraîneurs vous proposent de faire un test en intérieur sur home trainer qui sert de base à toutes les séances que vous ferez chez vous (en intérieur sur home trainer) et proposent ensuite un test en extérieur sur la route, pour les séances que vous effectuerez dehors.
L’autre élément intéressant qui ressort de cette différence de puissance, est que lors de l’effort incrémental, l’évolution des puissances est imposé, on est guidé, donc aucun effort de gestion d’allure est demandé, il suffit de suivre la résistance imposée, à la cadence ou l’on se sent le plus à l’aise.
Alors que sur le second test, même si les coureurs avaient accès aux données en cours de test, ils devaient quand même gérer leur effort. Un novice et même parfois des coureurs expérimentés peuvent totalement passer à côté d’un test car ils sont incapables de gérer correctement leur effort, pensez-y !
L’autre élément à prendre en compte, est la différence de 30 W à VO2max entre les deux tests qui est certainement lié à la durée des paliers lords du test incrémental. En effet, comme nous l’avons évoqué plus tôt, nous savons que la durée des paliers et l’augmentation de l’intensité va impacter le résultat final. Ici un début de tests à 150 W et un incrément de 25 W toutes les 3 min.
Deux points me font réagir à ces valeurs.
La première est la puissance sur le début de test. Démarrer à 150 W peut être une valeur proche du seuil aérobie pour certains coureurs peu expérimentés et de ce fait une fatigue prématurée peu s’installer et mener à une puissance à VO2max sous-estimée par rapport à ce qu’ils pourraient réaliser en ayant attaqué le test un ou deux paliers plus bas.
De plus, les paliers durent 3 min et de ce fait passer de 150 W aux environs de 320 W engendre une durée de test de plus de 22 min, or sur ce genre de protocole et afin de s’assurer d’atteindre les plus hautes puissances possibles, il est plutôt recommandé d’avoir une durée de test comprise entre 12 et 15 min…
Ils auraient du, notamment en tenant compte du plus grand nombre de coureurs amateurs, introduire des paliers de 2 min et non pas 3 min. Et on comprend bien qu’il y a un souci quelque part car malgré la présence de 11 professionnels, la puissance à VO2 max sur le test incrémental et la puissance sur le 5 min sont toutes deux très basses, or je vous l’assure, on ne passe pas professionnel sur route avec une PMA à 350 W et 5 W/kg par contre à 450 W et 6,8 à 7,2 W/kg on peut le devenir.
Tout cela pour vous dire que les valeurs des amateurs ont fait fléchir la moyenne de puissance et de ce fait il aurait mieux valu tenir compte de l’inexpérience des amateurs afin de créer un protocole de test avec paliers de 2 min qui aurait de fait duré moins de temps et aurait certainement permis d’obtenir des valeurs sur le test incrémental plus importantes et plus proches des valeurs du 5 min TT.
Bref après ces considérations méthodologiques continuons et allons expertiser les résultats obtenus car je vous le rappelle leur objectif était de voir s’il y avait une corrélation possible entre VO2max incrémental et formule de calcul afin de déterminer VO2max suite à un simple test de 5 min.
Les résultats lors du test incrémental
1er constat : Les cyclistes avec les plus grosses VO2max lors du test incrémental, ont les plus faibles poids et les plus hautes valeurs de puissance à VO2max, les plus hautes FC et les cadences les plus élevées. Ok, rien de forcément nouveau sous le soleil mais qui vient une fois de plus renforcer l’idée de la différence de niveau entre amateurs et pro.
2ème constat : A partir de ce constat et de l’utilisation unique de la puissance atteinte à VO2max, ces chercheurs ont établit une première équation de calcul de VO2max à partir de la puissance.
VO2max = β0 + β1 × VO2max RPO
avec β0 l’intercept de la droite de régression, c’est-à-dire la rencontre entre la droite et l’axe des ordonnées (droite verticale du graphique) égale à 12,16.
β1 correspond à la pente de la relation linéaire avec une valeur de 10,8
VO2max RPO correspond à la puissance maximale relative au poids de corps atteinte à VO2max.
Ainsi si vous avez atteint une Puissance relative (Prel) de 5 W/kg vous devriez selon leur équation avoir une VO2max de :
VO2max = 12,16+ 10,8 x 5 = 66,16 mL/min/kg.
Appliquons leur calcul aux valeurs trouvées lors du test incrémental. La Prel moyenne du groupe était de 4,5 W/kg et la VO2max moyenne mesurée de 61.13 mL /min/kg. On obtiendra après calcul la valeur de 60,76 mL/min/kg. Soit une différence d’environ 0,37 mL/min/kg ce qui me parait sur le terrain acceptable mais peut-être pas dans une logique de haute performance… À vous de voir.
Les résultats lors du test 5 min
1er constat : les cyclistes avec plus haute VO2max au test incrémental sont ceux qui ont obtenu les plus hautes valeurs de puissance au test de 5 min ainsi que le meilleur rapport Puissance/poids et les plus hautes cadences.
2ème constat : Les VO2max atteintes sur le 5 min et l’exercice incrémental furent semblables statistiquement ce qui signifierait une meilleure efficacité énergétique sur un test 5 min que sur un incrémental venant peut-être confirmer l’impact de paliers de 3 min de longueur sur la sous-estimation de la puissance à VO2max.
3ème constat : L’équation
VO2max = β0 + β1 × 5 min RPO
avec β0 est égale à 16,61 ; β1 à 8,87 et 5 min RPO correspond à la Prel moyenne sur le test de 5 min.
Ainsi si vous avez atteint une Prel de 5 W/Kg vous devriez selon leur équation avoir une VO2 max de :
VO2max = 16,61+ 8,87 x 5 = 60, 96 mL/min/kg.
Tout à l’heure pour une même P.rel sur le test incrémental, l’équation nous donnait une VO2max de 66 mL/min/kg soit 5 mL/Min/ kg… Que pensez que soit mon avis vis-à-vis de cet écart ?
Au cas où nous n’aurions pas compris le calcul et ne connaissions pas la priorité de la multiplication sur les additions, un tableau complémentaire vient nous aider à déterminer par simple lecture les VO2max en fonction de la puissance relative obtenue sur le test.
Concluons !
Selon eux effectivement la puissance relative au poids de corps serait la plus appropriée pour déterminer la VO2max, que la VO2max peut être prédite grâce à un test de 5 min sur home trainer grâce à la formule VO2max = 16,61 + 8,87 x 5min Prel.
Mais nous avons vu les écarts importants que cette formule de calcul pouvait avoir avec les VO2max évaluées (6 ml/min/kg) pour une puissance relative de 5W/kg. La cause à cela le public trop hétérogène, habituellement dans la recherche, chaque public cible est étudié indépendamment, pour ne pas avoir d’interférences de résultats.
Ces chercheurs auraient dû établir des équations dépendantes du niveau des personnes testées et il est à mon sens incohérent d’établir une équation de régression unique à la fois pour des pro et des amateurs.
Maintenant à la lecture de cette analyse, à vous de vous faire une idée de ce que vous allez faire mais voici mes recommandations.
Vous êtes un pratiquant amateur d’un niveau régional maximal vous pouvez utiliser cette approche via un test de 5 min sur home trainer.
Vous êtes un athlète plus performant, l’équation ne sera pas assez précise revenez à une évaluation avec analyseur d’échanges gazeux en laboratoire.
Mais d’un autre côté, se sert-on de la VO2max au quotidien dans l’entraînement et avons-nous l’occasion de faire des tests avec ce type de matériel fréquemment dans la saison ?
La réponse est bien entendue non et il est étonnant de voir que les athlètes veulent systématiquement connaitre cette valeur mais que va-t-on en faire au cours de nos sorties ?
Avez-vous acheté un analyseur d’échanges gazeux ? Ça coute un peu cher tout de même et faudra pas chuter.
Donc ami(e)s cyclistes, il faudra certainement se dire que la VO2max est un indicateur et le prendre comme tel et revenir à mon sens aux valeurs de puissance et de FC, qui elles vous serviront véritablement à définir vos zones de travail à l’entraînement et vous permettront de situer votre niveau de performance.
Comme d’habitude profitez de ces moments de printemps pour vous éclater sur votre monture sans trop penser ou se torturer avec toutes ces datas… le vélo est déjà assez compliqué sans cela.
Pour aller plus loin :
Sitko S, Cirer-Sastre R, Corbi F, López-Laval I. Five-Minute Power-Based Test to Predict Maximal Oxygen Consumption in Road Cycling. Int J Sports Physiol Perform. 2022 Jan 1;17(1):9–15. doi: 10.1123/ijspp.2020-0923. Epub 2021 Jul 5. PMID: 34225254.
Cyril GRANIER
Docteur en sciences du sport
Entraîneur Cyclisme
Bike Fitter, Level 2 IBFI
Facebook : @CyrilGranierPerformance
Instagram : cyrilgranierperformance