Pourquoi faudrait-il tourner les jambes sachant que différentes études auraient tendance à nous prouver le contraire ?

Dans un précédent article nommé « Pourquoi faut-il tourner les jambes à vélo ? » il est expliqué quels sont les différents intérêts de l’adoption d’une telle stratégie de pédalage. Cet article ayant fait réagir certains d’entre vous alors qu’ils avaient connaissance des quelques études scientifiques parues ces dernière années sur la fréquence de pédalage optimale, ont posé la question, suivante : « Pourquoi les conseils des entraîneurs tendent-ils à favoriser le développement de la vélocité tandis que les études scientifiques démontrent que le rendement énergétique est plus intéressant à faible cadence ?».

Pour commencer, il me semble important de préciser que l’article « Pourquoi faut-il tourner les jambes en cyclisme ? » s’adresse à un public de compétiteurs réguliers ou à des personnes s’inscrivants dans une démarche de recherche de performance.

Les différentes études parues sur le sujet, tel que celle de Chavaren et Calbet en 1999, ou plus récemment de Nimmerichter et ses collaborateurs en 2015, démontrent que le rendement mécanique est en effet plus intéressant à cadence faible qu’à cadence élevé. Ceci est assez simple à expliquer. En effet, à faible cadence, la coordination musculaire est plus efficace qu’à cadence élevé car la vitesse contraction-relâchement des muscles est plus lente et la gestuelle est donc beaucoup plus efficace. L’énergie métabolique est donc mieux retransmise sous forme de puissance au niveau de la pédale. Autre élément important à prendre en compte, ce phénomène s’atténue avec l’augmentation de la puissance.

Cadence élevée = Fréquence cardio-respiratoire élevée

L’augmentation de la cadence de pédalage nécessite une augmentation de la vitesse d’alternance contraction-relâchement des muscles actifs du pédalage ce qui explique une augmentation de la dépense énergétique à puissance égale et donc une consommation d’oxygène plus importante.

Ce phénomène explique l’utilisation de faible cadence par le cyclotouriste. En effet, il cherche, par cette stratégie, à éviter l’inconfort créé par des fréquences cardiaques et respiratoires élevées. Le sportif entrainé est quant à lui, bien moins gêné par ce phénomène, puisqu’il a habitué son organisme, grâce à son entraînement (PMA, seuil, hyper-vélocité, etc.) ainsi qu’à sa participation à des compétitions, à accepter cette modalité.

Une meilleure coordination musculaire chez le sportif entraîné

Ce qu’il est important de savoir, c’est qu’avec l’entraînement, le coureur cycliste va développer des qualités de coordination musculaire permettant d’augmenter le ratio « Force motrice (Ft) / Force totale (F) » pour une cadence donnée à une puissance donnée.

Pour une puissance donnée, l’écart de rendement entre le pédalage à basse fréquence et celui à haute fréquence sera donc atténué par l’entrainement, même s’il reste bien réel.

Cadence faible = Contraintes biomécaniques élevées

Même si l’écart est atténué, la majorité des études démontrent que même chez le cycliste de haut-niveau, le rendement énergétique reste moindre à cadence élevé alors pourquoi continuent-ils à pédaler de cette manière si véloce malgré la présence, à leurs côtés, d’entraineurs renseignés et compétents ? En fait, plusieurs éléments non-négligeables doivent être pris en compte.

Le premier de ces éléments, est l’impact qu’auront les contraintes mécaniques liées aux pédalages, sur le cycliste. En effet, à cadence faible, une tension musculaire plus importante entrainera davantage de traumatisme aux niveaux musculaires et articulaires qu’à cadence élevé. Il faut rajouter que plus la force produite, sera importante, et plus les traumatismes liée aux contractions musculaires le seront.

D’autre part, on sait que pour une puissance donnée, lorsque la cadence est faible et que par conséquence, la force est importante, davantage de fibres musculaires seront mobilisées. Les fibres rapides, économisées à haute fréquence de pédalage, lorsque la force produite est faible, risque alors d’être contrainte de fonctionner. Hors, ce type de fibre musculaire possède une fatigabilité importante.

En conclusion : l’intérêt que peut avoir le cycliste à tourner les jambes sera donc de préserver son capital musculaire et notamment ses fibres rapides afin de conserver sa capacité à produire des puissances importantes lors de relances, de phases de courses décisives, dans le final d’une compétition ou simplement à passer une bosse à la fin d’une sortie non-compétitive.

Chez le compétiteur, préserver le capital musculaire prend donc le dessus sur l’économie énergétique qui pourrait être faite en adoptant des cadences de pédalage faibles. D’où le choix stratégique de développer les qualités de vélocité. Je précise une dernière chose, il n’existe pas une mais bien « des » cadences optimales. Elles dépendent à la fois du niveau de puissance produit mais aussi des caractéristiques du coureur, celles du parcours, ou encore du temps de pratique, que celui-ci soit de loisir ou de compétition. Quoi qu’il en soit, pour un contexte donné, plus la puissance sera élevée, et plus la cadence optimale le sera. Les promeneurs peuvent donc bien évidemment, continuer à pédaler entre 50 et 70rpm tout en regardant voler les oiseaux puisque l’adoption de cadences élevées n’aura pas grand intérêt dans le cadre de leur pratique.