La puissance n’est que ce que vous produisez. Ça ne nous dit pas quelles filières énergétiques sont activées. On ne sait pas non plus si vous obtenez l’adaptation souhaitée. Vous ne savez pas si vous vous entrainez dans la bonne zone.
Ça ne vous est jamais arrivé de faire une séance où tous les efforts vous sont parus plus dur que prévu ? Où vous aviez l’impression que chaque intervalle était mal calibré ?
C’est probablement parce qu’il vous manquait un indicateur objectif, prenant en compte votre physiologie du moment…
Il est de plus en plus répandu chez les cyclistes, coureurs à pied et triathlètes professionnel ou amateur. On parle du lactate.
Le test avec mesure du lactate s’avère ainsi très utile.
L’individualisation de l’entraînement
Zones d’entraînement
Les seuils sont principalement utilisés pour prescrire des zones d’entraînement très spécifiques et individualisées. Les zones d’entraînement sont utiles car elles prescrivent une intensité d’exercice qui est conçue pour envoyer un certain signal et ainsi provoquer une adaptation dans un système énergétique particulier.
Par exemple en cyclisme, beaucoup font des tests 20 min où ils appliquent un coefficient entre 0,9 et 0,95 pour connaitre la FTP (théoriquement la plus haute puissance soutenable dans un état stable).
Ce test est souvent utilisé pour représenter la puissance au deuxième seuil. Les zones d’entrainement sont ensuite basé sur cette FTP (eg. zone 2, 56-75% FTP).
Le concept de FTP est dérivé d’études qui ont montré de fortes corrélations entre la puissance moyenne lors d’un contre-la-montre de 60 minutes et le deuxième seuil de lactate (Coyle, E F et al., 1988 ; Coyle, E F et al., 1991). En théorie, la FTP fait donc référence à la puissance maximale qui peut être soutenue pendant 60 min.
En raison de l’exigence d’un test contre-la-montre d’une heure, un test de 20 minutes a été proposé comme alternative, où 95% de la puissance moyenne sur les 20 minutes est considéré comme le FTP (Allen and Coggan, 2006).
Cependant, ce coefficient n’a pas été dérivé de la recherche, et récemment, 90 % de la puissance sur 20 minutes a été démontrée comme une meilleure estimation de la puissance sur 60 minutes (MacInnis, Martin J et al., 2018).
Des études récentes ont comparé le FTP aux mesures du deuxième seuil via le lactate, malheureusement l’accord est médiocre entre les mesures (Borszcz, Fernando Klitzke et al., 2018 ; Klitzke Borszcz, Fernando et al., 2019 ; Inglis, Erin Calaine et al., 2019 ; Jeffries, Owen et al., 2021 ; Lillo-Beviá, José Ramón et al., 2022 ; Morgan, Paul T et al.,2019).
Cela n’est pas surprenant étant donné que le test FTP de 20 minutes est une estimation de la puissance moyenne sur 60 minutes qui elle même est une estimation du deuxième seuil.
De plus, le lien entre seuil 2 et puissance moyenne sur 60 minutes peut être vrai à l’échelle de la moyenne d’un groupe, cependant à l’échelle individuelle, le temps de soutient au seuil 2 est très variable. Le temps de soutient est d’ailleurs un facteur entrainable et très important pour la plupart des disciplines d’endurance.
Les meilleurs athlètes ont un temps de soutient supérieur à 60 minutes, à l’inverse des athlètes débutant qui ont un temps de soutient souvent inférieur à 45 minutes. Par conséquent, selon les athlètes et le coefficient appliqué, il peut y avoir une marge d’erreur de 20% avec la FTP…
Enfin, il semblerait que la FTP puisse masquer les adaptations physiologiques en réponse à un cycle d’entrainement (Inglis, Erin Calaine et al., 2019).
Cette étude menée par le groupe du Dr Murias a montré que, à la suite d’un cycle d’entrainement, le deuxième seuil du lactate mesuré selon le protocole MLSS a progressé mais pas la FTP dérivée d’un test 20 minutes.
Étant donné que le test 20 minutes demande un effort maximal et par conséquent une motivation très élevé, il est possible que le facteur motivation influence les résultats, surtout si l’athlète doit faire des tests 20 minutes après chaque cycle.
C’est aussi valable pour les tests PMA ou puissance critique. À l’inverse, un test lactate ne demande pas un effort maximal, et par conséquent il peut être répété plus régulièrement, permettant ainsi
d’établir un suivi fiable des adaptations physiologiques en réponse à un cycle d’entrainement. De plus, le test 20 minutes peut aussi être influencé par la gestion de l’effort, contrairement au test lactate qui demande une puissance fixée à l’avance.
Aussi, pour garder l’exemple du cyclisme, la puissance maximale aérobie (PMA) peut être facilement faussée à partir du test 5 min. En effet, la PMA peut être la puissance entre 4 min et 6 min. Ainsi, la puissance sur 5 min peut plus ou moins bien estimer la PMA selon les athlètes.
Autre exemple : un grimpeur adepte de la position en danseuse peut faire un test 5 min exclusivement en danseuse, ce qui aura pour effet de considérablement surestimer la détermination des zones de puissances dérivées d’une PMA, surtout pour les zones inférieures à la PMA où l’entrainement est réalisé essentiellement assis.
Baser ensuite l’estimation de ses zones uniquement à partir d’un test FTP20 ou test 5min peut entrainer de grosses erreurs. Pour limiter ces erreurs, les tests de lactatémie sont de bonnes solutions pour déterminer les seuils.
Ils ne sont pas affectés par des calculs approximatifs et fournissent donc un marqueur plus fiable de votre profil, indépendamment de votre forme physique et mental le jour du test. Comparée aux données maximales, la méthode de prescription des intensités à partir des seuils physiologiques est plus efficace (Wolpern, Ali E et al., 2015).
Les mesures de puissances ne sont que la résultante du travail de différentes filières énergétiques dans le corps et elles ne permettent pas de dresser le profil du sportif. C’est un peu comme si on mesurait la vitesse d’un cycliste pour en déduire une puissance (cela va dépendre de la pente, du vent, des frottements…).
Bien calibrer ses séances
À l’entrainement, aller plus vite n’est pas forcément mieux.
Pour progresser au mieux, il sera important de passer une majorité du temps d’entrainement sous le premier seuil (Muñoz et al., 2014; Stöggl and Sperlich, 2014, 2019; Bourgois et al., 2019; Casado et al., 2019). Plus de 75% du temps (Seiler, Stephen and Espen Tønnessen., 2009 ; Stöggl, Thomas, and Billy Sperlich., 2014).
Le premier seuil est essentiel dans les sports d’endurance car il définit la limite supérieure des séances d’entraînement d’intensité modérée conçues pour travailler l’endurance fondamentale et permettre une récupération rapide (Seiler and Kjerland, 2006 ; Seiler, Stephen and Espen Tønnessen., 2009 ; Sylta, Oystein et al., 2014).
En effet, chez les athlètes bien entraînés, le seuil 1 semble délimiter l’intensité en dessous de laquelle la perturbation du système nerveux autonome (SNA) post-exercice, mesurée par la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC), est minimale (Seiler, Stephen et al., 2007). La perturbation du SNA place l’organisme dans un état de stress. De ce fait, la réponse physiologique est différente entre un effort sous ou au-dessus du seuil 1.
Un entraînement au-dessus du seuil 1 impactera l’équilibre du SNA, la fatigue et le temps de récupération nécessaire après l’entraînement sera augmenté. Ainsi, lorsque l’entraînement en dessous du seuil 1, est programmé avec précision, des volumes d’entraînement globaux plus importants peuvent être atteints.
Quand un athlète est débutant, ses fibres musculaires de type 1 ne sont pas encore bien entrainés. Il recycle mal le lactate. Sa lactatemie s’élèvera très rapidement. En travaillant en endurance il va développer ses fibres de type 1 et mieux utiliser le lactate, le premier seuil va donc se décaler et se rapprocher du deuxième seuil (qui s’améliorera aussi chez un débutant même en faisant de la basse intensité). Ainsi mesurer le seuil 1 objectivement sera très important pour prescrire la bonne intensité d’endurance. Sans mesure objective, il s’entrainera probablement trop fort.
La zone sous le seuil 1 est probablement la zone la plus importante. Et c’est la plus difficile à calibrer seulement avec des tests de puissance.
Cela ne veut pas dire que tous les entraînements doivent se dérouler en dessous de ce seuil, juste qu’il faut être très précis sur le temps passé au-delà, de sorte que le stress, la récupération et l’adaptation puissent être gérés avec succès.
Mesures autonomes de la lactatémie, en extérieur ou sur home trainer.
Le modèle norvégien implique une surveillance constante du lactate. En travaillant juste en dessous du deuxième seuil, les athlètes peuvent faire un plus grand nombre d’intervalles et ainsi plus de volume. Ils travaillent plus efficacement sur le mécanisme de navette lactate par exemple. Une des clés de la performance, peu importe la distance.
Un athlète qui suit assidûment le modèle norvégien pourrait presque toujours faire ses intervalles plus rapidement. Mais en allant plus vite, il réduirait le volume d’entrainement et augmenterait son risque de blessure sur le long terme.
Suivi de progression
Vous ne pouvez pas améliorer ce que vous ne mesurez pas. Comment savoir si on progresse sans indicateurs objectifs ?
L’emplacement des seuils 1 et 2 sont des facteurs de performances incontestables dans les sports d’endurances (Laursen et al., 2003 ; Coyle, E F et al., 1988). Certainement les plus importants.
Pour certaines disciplines (eg. Ironman), le seuil 1 sera le rythme de course. Pour ces athlètes, un seuil 1 très élevé est une priorité. Pour les athlètes d’épreuves plus courte, un seuil 1 très élevé sera toujours intéressant car les athlètes pour qui le seuil 1 apparait tardivement sont ceux qui utilisent généralement mieux les lipides et qui ont une plus grande répartition de fibre oxydative de type I. Mieux utiliser les lipides permet d’économiser les glucides, ressource précieuse car limitée dans le corps, et utilisés en priorité à intensité supérieure.
Avec un test FTP, on ne peut pas déterminer de manière fiable si le deuxième seuil progresse (Inglis, Erin Calaine et al., 2019).
De plus, la puissance ne permet pas de déterminer le système énergétique responsable de l’amélioration, et donc les changements physiologiques qui se sont produits.
Par exemple, alors que le test d’une minute est souvent interprété comme représentant la puissance anaérobie (ou plutôt la puissance glycolytique), il y a toujours une contribution considérable du système d’énergie aérobie (ou plutôt système oxydatif). Ainsi, une amélioration de la puissance sur une minute pourrait être due à une amélioration des systèmes glycolytiques (anaérobie) ou oxydatifs (aérobie). Définir le profil de l’athlète grâce à ces types de tests est donc impossible.
Suivi de la fatigue
Lorsqu’un athlète est surentrainé, fatigué, nous verrons des mesures de lactate sanguin pour une charge de travail donnée plus faible qu’a l’habitude et une incapacité d’élever le lactate à des charges de travail plus élevées.
En règle générale, l’incapacité à faire monter la lactatémie est un drapeau rouge (Meeusen, Romain et al., 2013; Flockhart et al., 2021; Costello, Sarah E et al., 2022; Jurov, Iva et al, 2022).
Ainsi la mesure de lactatémie en routine peut être un bon outil pour objectiver la fatigue. Souvent, en rétablissant une bonne disponibilité énergétique, la forme et la lactatémie reviennent à des niveaux normaux (Achten, J et al., 2004).
Manger suffisamment, et en particulier des glucides, devrait être une des priorités des athlètes d’endurance avec une grosse charge d’entrainement. Ils limiteront ainsi les phases de fatigue (Kirwan, J P et al., 1988; Stellingwerff, Trent et al., 2021).
Lactate testing : la méthode complète
Cyclisme Performance a créé un programme complet dans lequel ils vous partagent toute la méthode pour faire des tests lactate.
Une méthode pour comprendre concrètement ce qu’est le lactate et pour mettre en place vos premières sessions testing.
Vous allez enfin pouvoir savoir si vous vous entrainez à la bonne intensité. Vous allez être capable de déterminer votre profil.
Et vous pourrez être autonome.
Tout est expliqué de manière accessible dans la formation.
Bibliographie
Allen H, Coggan AR. Training and racing with a power meter. Boulder, CO: Velopress, 2006.
4 réactions à cet article
Alexis
Merci pour cet article Mathieu 🙂
J’hésite encore à tester essentiellement à cause du prix de l’équipement et de la fiabilité de la mesure (liée au matériel et humain). Quel appareil recommandes tu ? Je vois sur la photo le Lactate Scout 4, le Lactate Pro 2 semble fiable également, et les avis divergent sur le Edge et Lacto Spark (moins cher). Qu’en penses tu ?
Mathieu
Scout 4 et pro 2 c’est top. Sinon le Edge. Et le lacto spark clairement à éviter.
Raph
Le edge est top mais il faut une goutte de sang de volume plus importante pour une bonne mesure et être plus patient, 45sec pour le résultat, c’est le moins chère du marché en achat et en consommables… Le lacto à éviter
Ben
Que Pensez vous du Lactate plus de chez Nova?