Le cyclo-cross la discipline de préparation hivernale pour les routiers ambitieux

Loisir autrefois utilisé en préparation physique général par les routiers de haut-niveau, le cyclo-cross est aujourd’hui devenu une pratique de compétition cadrée et ouverte à tous. Ces dernières années de nombreuses compétitions ont vu le jour. Les pelotons sont donc de plus en plus denses et depuis quelques dizaines d’année on voit même éclore des spécialistes de la discipline. Dans cet article, David Giraud, notre expert cyclisme, vous explique en quoi le cyclo-cross est une discipline idéale pour la préparation physique des routiers et vététistes ambitieux.

Très objectivement, le cyclo-cross est une des disciplines les plus spectaculaires du cyclisme moderne. Encore méconnu en France, l’Union Cycliste Internationale (UCI) aimerait le voir intégrer le programme des Jeux Olympique. Mais le cyclo-cross c’est quoi exactement ?

Brièvement, le cyclo-cross est une épreuve en circuit qui dure approximativement, entre 30mn en cadet et 1h en Elite. Le circuit long de 2 à 4km permet de voir les coureurs à plusieurs reprises. Il est composé de passages en prairies, de chemins, de routes goudronnées, de bacs à sable et de sous-bois. Les changements de rythmes liés aux virages et aux divers obstacles tels que les dévers périlleux ou les descentes abruptes, sont nombreux. Certains d’entre eux, comme les planches, les escaliers, ou les buttes raides obligent même le crossman à descendre du vélo pour les franchir en portant sa machine. En cyclo-cross comme en VTT et en route, l’objectif est de franchir la ligne d’arrivée en premier.

En termes de puissance, les intensités produites dans un cyclo-cross sont extrêmement variées allant de l’Intensité légère (I1) (lire Cyclisme : Apprenez à calibrer l’intensité de vos séances d’entraînement) à l’approche de certains obstacles à l’intensité maximal (I7) lors d’une arrivée au sprint. La fréquence cardiaque quant à elle, est constamment élevée durant une épreuve. Elle n’a jamais réellement le temps de redescendre entre deux efforts. Les qualités développées en cyclo-cross sont donc nombreuses.

  • Développement des qualités physiologiques

cyclocrossConcernant son impact sur les qualités physiques du cycliste, le cyclo-cross va permettre de développer, entre autres, les qualités de puissance aérobies. Les efforts produits au seuil ou à PMA seront nombreux. Comme on le sait, développer la puissance aura forcément une répercussion sur la capacité. Il permettra donc d’accroitre indirectement les qualités d’endurance du cycliste.

Du fait des nombreux changements de rythmes liés aux obstacles, aux changements de directions ou à l’aspect tactique de ce type d’épreuve (attaque, sprint, départ), il permettra également le développement des qualités de puissance anaérobie lactique et alactique.

De plus, comme en VTT, les forces produites en cyclo-cross pour franchir certains obstacles atteignent des valeurs supérieures à celles retrouvées en cyclisme sur route. Il contribuera donc au développement des qualités de force du cycliste.

Il va également contribuer à un renforcement musculaire assez global, lié d’une part aux zones de portages parcourues en course à pied à grandes vitesses en portant le vélo de diverses façons. D’autre part aux importants niveaux de force produits dans certaines bosses comme nous venons d’en parler. En course à pied, une posture anatomique différente à celle adoptée sur le vélo ainsi que la multiplication des impacts aux sols liés à la foulée permettront de renforcer de façon homogène le bas mais aussi le haut du corps. Certaines actions de portages rajouteront même certaines contraintes musculaires.

Le niveau de force produit dans certain secteur durant une épreuve ou sur une séance d’entrainement spécifique, est aussi très important. Cette particularité, jouera un rôle dans le renforcement musculaire du haut du corps. Tantôt obligé de rester assis, imposant de fortes contraintes musculaires à ses ceintures dorsale, lombaire et abdominale, tantôt obligé de se lever droit sur les pédales, imposant un travail différent à ses avant-bras, ses triceps et sa ceinture pectorale, la pratique du « cross » chez le cycliste jouera donc un rôle important dans son athlétisation. De plus, ce type de renforcement musculaire n’entrainera pas chez lui de prise de masse excessive. Un phénomène qui serait peu adapté à sa pratique.

  • Développements des qualités psychologiques

Le cyclo-cross permet de développer différentes aptitudes mentales telle que la concentration. Le fait de franchir certains obstacles ou passages techniques à des hauts niveaux de fréquence cardiaque obligera le crossman à rester le plus lucide possible. Ce haut niveau d’intensité ressenti durant une épreuve lui permettra également de repousser son seuil limite d’acceptation de la douleur. Ces deux qualités seront très utiles en VTT et sur route, d’autant plus sur les épreuves tels que le contre-la-montre. Les spécialistes du cross ont d’ailleurs l’habitude de s’exprimer sur ce type d’effort surtout en terrain accidenté.

shutterstock_21740620D’autre part, compte tenu de l’importance du départ, des risques de chute existants ou des possibilités de problèmes liés au matériel, le cyclo-cross est un bon outil pour apprendre à gérer la pression. La tension y est bien plus importante que sur une épreuve sur route où les problèmes liées au matériel sont rares et sont comme la plupart des erreurs rattrapés rapidement.

Comme il requière un engagement important moins problématique que sur route car une chute dans cette discipline est souvent moins violente que sur le goudron, sa pratique devrait décomplexer le routier ce qui lui permettra de se lâcher davantage dans certaines phases de courses et notamment en descente.

Toujours d’un point de vue psychologique, il a un réel effet bienfaiteur sur le cycliste routier en préparation. En effet, même si la plupart reste des compétiteurs acharnés, ils ne vont pas sur ce type d’épreuve avec les mêmes ambitions. Un loupé n’aura donc pas le même impact sur leur moral. Cela peut permettre à certain de retrouver le plaisir de la compétition, plaisir qu’ils peuvent des fois oubliés compte tenu de la pression qu’ils se mettent au jour le jour. De plus, il permettra de rythmer la période hivernale car celle-ci est parfois languissante. En effet, la plupart des compétiteurs sur route n’enfile pas de dossard entre fin septembre et début Mars soit 6 mois sans compétitions.

  • Développement des qualités technico-tactiques

Au niveau technique, la pratique du cyclo-cross va permettre de développer chez le coureur de très nombreuses qualités tel que le sens de la trajectoire ou celui du freinage. Les dévers aideront à progresser en équilibre, les descentes et les virages sur la technique de pilotage et le franchissement de marches, de rondins voir même de planche chez les meilleurs joueront sur son agilité. De plus, le milieu de pratique permet un engagement plus important que la route puisqu’une chute ne causera que très rarement des dégâts et sera donc moins appréhendée. Le cycliste pourra ainsi prendre des risques qui lui permettront de progresser rapidement dans tous les facteurs de performances liés à la technique et de retranscrire ça durant les épreuves sur route.

Il va également permettre au coureur de développer ses aptitudes à frotter. Non seulement  les départs de cyclo-cross sont souvent décisifs et obligent les coureurs à jouer des coudes afin de faire leur place mais cette discipline offre de belle bataille entre coureurs que l’on voit parfois se doubler de façon spectaculaire, dans des passages techniques très étroits à plusieurs reprises en l’espace de quelques instants.

D’un point de vue technico-tactique, la pratique du cyclo-cross va permettre au coureur de travailler sur sa gestion de l’effort, la longueur des épreuves étant approximativement toujours la même puisque le nombre de tour de course est déterminé en fonction du temps réalisé par la tête de course sur le premier tour afin de se rapprocher au maximum du temps d’épreuve référence de la catégorie concernée. L’intensité extrême de l’épreuve, obligera les coureurs à ne pas s’emballer, au risque de s’éteindre à quelques minutes de l’arrivée.

En ce qui concerne purement la tactique, la pratique du cyclo-cross va obliger le coureur à analyser ses adversaires avant et pendant l’épreuve afin de connaitre leurs points forts et leurs points faibles. Elle va également l’obliger à prendre des décisions. En cyclo-cross, il faut parfois passer en tête dans certains secteurs, attaquer, lancer son sprint, bluffer pour ne pas rouler. Tout est question de timing. Des qualités tactiques que l’on retrouve également sur route.

2014-cyclocross-world-champs-hoogerheide-081-rcukEnfin, le cyclo-cross, va contribuer à développer l’esprit collectif. La course d’équipe y est beaucoup plus rare que sur route mais elle existe dans certain cas. Le crossman devra parfois jouer la carte d’un coéquipier. Ils devront communiquer de façon discrète durant l’épreuve, parfois respecter une stratégie décidée en amont, parfois même, prendre la décision de ne pas la respecter car la forme d’un des deux coureurs n’est pas celle que l’on prévoyait. Quoi qu’il arrive, deux équipiers ne devront pas se mettre de bâtons dans les roues au risque de perdre tous les deux une course qui semblait promise à l’équipe.

  • Quelques autres bonnes raisons pour s’y essayer

D’un point de vue ludique, le cyclo-cross est ce qui se fait sans doute de mieux dans les disciplines du cyclisme. Un sport qui explore l’ensemble des filières énergétiques, stratégique et riche techniquement avec notamment différents gestes acrobatiques tel que la remontée sur le vélo, les franchissements de planches ou d’escaliers, les dévers glissants, les buttes abruptes et j’en passe. Composé de terrains très variés comme je l’ai présenté en introduction et pratiqué en milieu naturel, le cyclo-cross est un excellent outil pour la préparation physique générale (PPG). Il permet de progresser tout en s’amusant. Concept très utile chez certains cyclistes cherchant à éviter la lassitude hivernale qui les rattrape chaque année.

D’un point de vue pratique, le cyclo-cross est plus adapté aux météos extrêmes telles que la pluie, le froid voir même la neige. Le fait de rouler sur des terrains offrants plus de résistance à l’avancement et les secousses créées par celui-ci permettent de garder le corps à des températures raisonnables, et même parfois élevées durant le travail intensif ou les compétitions.

4ZACantiBrakeSi on s’intéresse au calendrier, le cyclo-cross se pratique de septembre à mi-janvier sur notre joli territoire. Il peut donc, une fois de plus, être parfaitement intégré à la PPG. Même si bien évidemment, les routiers auront tendance à en commencer la pratique entre mi-octobre et mi-novembre après une bonne coupure pour terminer leur cycle au moment des fêtes de fin d’année

Enfin, le cyclo-cross se pratique sur un vélo dont les caractéristiques sont proches de celui du routier. Hormis les pneus crantés et le système de freinage à disque ou cantilever rien n’est différent. Le cycliste pourra donc adopter une position très proche d’un vélo à l’autre, ce qui lui permettra d’éviter toute blessure liés à un changement de matériel, ainsi que de travailler le geste de pédalage de manière extrêmement spécifique.

  • Intégrer le cyclo-cross dans la préparation hivernale

Personnellement, je vous conseille de limiter votre programme de compétition à un calendrier comprenant 5 à 8 dates. Un minimum pour obtenir une réelle progression et un maximum pour éviter toute lassitude qui serait synonyme d’une saison mal engagée.

Durant les 7-10 semaines de votre cycle « cyclo-cross » réalisez dans cette disciplines, deux séances par semaine en plus des compétitions et pratiquez la course à pied entre 30 et 45’ une fois par semaine afin de vous habituer au geste et d’éviter toute blessure qui pourrait survenir lors d’une descente de vélo.

Durant les premières semaines, suite à votre coupure, travaillez principalement la technique puis rapidement, afin de retrouver une bonne condition intégrez quelques exercices d’interval-training à PMA ou au Seuil. Après 2-3 semaines contentez-vous des compétitions pour le travail intensif et mettez l’accent sur le travail de force qui sera d’une grande utilité à long terme pour performer sur la route.

Essayez de planifier un cyclo-cross qui vous tient à cœur en fin de cycle est faites-en un petit sous-objectif. Vous pouvez charger un peu plus à S-3 (3 semaines avant l’objectif) ou à S-2 avant de récupérer à S-1 pour essayer d’être performant le jour de cette épreuve. Travailler de cette façon, vous permettra de calibrer votre modèle de « tapering » en vue de la saison route. C’est-à-dire la façon dont vous gérer la récupération de façon à surcompenser de vos semaines charger afin d’arriver dans une bonne forme le jour J.

Nous sommes encore loin de la saison route ou même VTT qui est plus importante à vos yeux, accordez-vous pas mal de repos dans la semaine. Le cyclo-cross ne doit vous aider qu’à « reprendre la caisse » et non à atteindre un pic de forme à un moment inadapté. Aussi, suite à ce cycle accordez-vous 5 à 7 jours de repos afin de récupérer et de surcompenser. La période de travail foncier peut débuter. Vous êtes dans une excellente condition physique.

 

 

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