Le coureur que nous allons étudier et que nous appellerons Tom, est un vététiste cross-country de haut niveau possédant une puissance maximale aérobie (PMA) de 440 W pour un poids de 69 kg, ce qui représente 6,4 W.kg-1 et s’entraînant environ 15h/semaine. Que ce soit à l’entraînement ou en compétition, Tom roule avec un capteur de puissance nous permettant d’avoir un retour très précis sur ce qui est fait.
Avec l’analyse de ses données de test et de compétition, on observe qu’il doit améliorer sa PMA notamment rapportée au poids de corps ainsi que ses départs en course.
Comme l’entraînement est une histoire de priorité et que son point faible le plus important demeure le départ en course dans une activité ou ce dernier joue un rôle important, nous avons décidé ensemble de développer la qualité physique qui fera de lui un meilleur « starter », on parlera ici de puissance et plus précisément de puissance maximale.
C’est quoi la puissance ?
La puissance est la résultante de la force et de la vélocité, donc si vous me suivez, on peut améliorer sa puissance en faisant du travail de force ou de vélocité. Ici, l’entraîneur doit faire un choix et le mien au regard de la période de l’année et du travail accompli auparavant, s’est porté sur la force.
Il existe plusieurs façons de travailler la force, elle peut se faire en salle de musculation, sur le vélo, dans d’autres sports… Le coureur aujourd’hui étudié n’est pas un grand adepte des lieux clos et préfère pratiquer au grand air. Alors, qu’il en soit ainsi.
Mais quand on parle de force, en existe-t-il qu’une seule ? Bien entendu NON. On parle de Force endurance, maximale, force vitesse, parfois même d’explosivité…. Traditionnellement les cyclistes qui veulent améliorer leur force vont assez spontanément sur du travail en vélo de route dans des montées de 3 à 7 minutes voire davantage, mettant un gros braquet (faible cadence : 50 à 70 Rpm). Ce travail bien qu’intéressant appelé « force endurance » permet de jouer sur la résistance des fibres musculaires en prolongeant leur capacité à produire un effort. Ici c’est n’est pas ce que nous recherchons, pour nous l’objectif serait plutôt un gain de puissance par une meilleure coordination musculaire. Vous allez me dire que le départ est aussi la capacité à produire le plus rapidement possible, la plus haute force. Vous avez raison, mais notre athlète a des problèmes assez généraux de puissance et aussi des capacités de cadence perfectibles…. Cela est le signe d’un manque de coordination musculaire et il se trouve qu’une bonne méthode de travail pour améliorer ce paramètre s’appelle la force maximale (Fmax).
La Fmax, en quoi cela consiste ?
Le travail de la force maximale consiste à proposer des séries de sprints très courts (< 15s) entrecoupés de grands temps de récupération (3 à 8 min entre les répétitions et 8 à 20 min entre les séries). Ce travail de Fmax sur le vélo peut se faire sur le plat ou en montée, de préférence avec un gros braquet (52×18 voire davantage) en départ arrêté ou lancé.
Quel est l’avantage de ce travail ?
Cette Fmax à vélo à de nombreux avantages et le premier est la fatigue engendrée qui est assez faible et qui permettra d’enchaîner au besoin une deuxième séance dans la journée ou le lendemain. Attention toutefois à proposer ce travail sur un organisme reposé. Les séances de Fmax permettent également d’améliorer sa puissance sans prise de poids car elles font appel à cette fameuse notion de coordination ou recrutement nerveux. La fibre musculaire ne va pas grossir, on va simplement apprendre à l’ensemble des fibres d’un muscle à mieux travailler ensemble. Les muscles vont recruter davantage de fibres musculaires et mieux synchroniser leur travail pour un même effort, ce qui en toute logique devrait augmenter la puissance développée.
Et notre coureur, il a fait quoi lui ?
Tom s’est vu proposé 6 séances entre janvier et février, composées de 2 séries de 5 répétitions, sur le plat, en 52 X 18, départ lancé. Au fil des séances les efforts furent proposés en bosse (5% de pente) avec des départs arrêtés, le braquet est resté semblable tout le long du cycle et le nombre de répétitions a augmenté. Nous avons donc rendu la tâche de plus en plus difficile au fil du cycle d’entraînement.
Alors, a-t-il progressé ?
La réponse est… « Oui ». Tom était capable de développer lors de sa première séance aux alentours de 1270 W ce qui est déjà une très bonne valeur mais après 6 séances, il fut capable de produire une puissance maximale de 1356 W. Pour comprendre cela, il faut se pencher sur le graphique présenté, qui met en avant les puissances développées sur chaque sprint de nos 6 séances.
L’interprétation ou la science de l’entraînement.
De manière générale la puissance maximale (Traits pointillés noirs) et la puissance moyenne ont augmenté au fil des séances. En y regardant de plus près, on voit que les progrès n’ont pas été constants. En effet, nous aurions pu croire à une progression rapide dès le début avec un ralentissement par la suite, ce qui arrive souvent quand on découvre un nouvel exercice mais ce ne fut pas le cas. Allons voir cela de plus près :
- On peut se poser la question de l’enchainement des séances, certainement trop rapprochées (entre la 2ème et la 4ème) ne permettant pas à Tom d’avoir le temps de générer les adaptations suffisantes. Il faudra veiller à ajuster les temps de récupération, mais également à voir si d’autres entraînements proposés entre temps non pas un effet parasitaire.
- On observe que 3 jours séparent le 3ème et le 4ème entraînement et c’est visiblement le delta de temps minimum nécessaire pour proposer une nouvelle séance à notre coureur car les progrès apparaissent. L’individualisation est donc primordiale, deux athlètes peuvent réagir complètement différemment.
- On observe sur les séances 1, 2, 3 et 5 un décrochement des valeurs basses de puissance. Cela correspond aux premières répétitions de chaque séance. Que penser de ce que l’on observe ? Que l’échauffement n’a peut-être pas été conduit comme il le fallait et qu’il a fallu à notre coureur un ou deux efforts pour « débloquer » l’organisme. Souvent trop négligé, l’échauffement doit être spécifique à la séance qui l’accompagne.
- Les deux dernières séances mettent en avant ce que l’on appelle un « effet rebond ». Pour Tom, quatre séances consécutives suivi de 10 jours sans retravailler la Fmax, lui permettent de progresser encore. Les adaptations de l’organisme suite à un travail spécifique prennent parfois du temps et pour certaines qualités encore plus. Il n’est donc pas rare d’observer des progrès non pas de suite après son cycle de travail mais une, deux, voire trois semaines plus tard….
- Dernier point allant dans le sens de la littérature scientifique. Afin d’entretenir ses qualités de Fmax, un rappel tous les 7 à 10 jours semble nécessaire et suffisant. Donc ami(e)s cyclistes ne vous contentez pas de faire ce travail l’hiver et de ne plus en faire durant le reste de l’année car tous vos efforts n’auront servi à rien.
Nous l’avons vu dans cette présentation le choix de passer par un travail de Fmax pour développer la puissance maximale semble fonctionner. Vous rappellez vous de ce que sont les composantes de la Puissance ? Force et Vélocité. Nous avons travaillé la force mais autre information non donnée dans cet article, c’est que pour un même braquet, dans la même montée ou le travail a été fait, notre cycliste a amélioré sa vélocité.
Incompréhensible ? Pas tant que ça en fait. L’intérêt du travail de Fmax est de jouer sur la capacité du muscle à mieux se contracter, grâce à un meilleur recrutement nerveux impactant directement la coordination. Une meilleure coordination permet de facto de développer ses qualités de vélocité. Donc pour améliorer ses qualités de vélocité, la Fmax peut être une solution.
Il est fondamental dans un choix de développement de la force à vélo, de commencer par ce travail avant la force endurance (Exemple en première partie). Si je ne vous ai pas convaincu et que vous débuter par de la force endurance (Fend), seules les fibres musculaires habituées à cet effort vont travailler correctement. Or si vous débuter par de la Fmax et que vous basculez ensuite sur de la F end, l’ensemble des fibres pourront travailler de concert et vous progresserez encore plus. Comme toujours gardez en tête les notions de progressivité dans ce que vous faites et surtout de récupération car là est le secret du progrès.
Cyril Granier (Expert Cyclisme)
4 réactions à cet article
DeeDee
J’espère que ce cycliste (Tom) n’est qu’une hypothèse car tout le monde aujourd’hui sait qu’une puissance au delà de 6Watts/Kg ce n’est pas naturel .
DeeDee
A oui , j’oubliais de préciser que ce n’est donc pas sa PMA qu’il faut développer , 440 watts pour 69 kgs , bien des Pros aimeraient une telle Puissance aérobie !
Sébastien DI STEFANO
C’est très naturel, y’a un moment faut ouvrir les yeux et arrêter de croire que les gens meilleur que soit sont tous doppés. 7W/kg oui ça peut être douteux mais 6W/kg à PMA est « à peine » l’entrée du niveau élite amateur français. Merci de se renseigner avant de parler.
Les articles de LEPAPE sont souvent très bien fait et concrets en s’appuyant sur des données réelle, avec des études scientifiques poussées, c’est une source fiable dans le milieu de l’entraînement physique.
Merci de garder votre jalousie pour vous !
Quentin
Bonjour,
Ces sprints doivent-ils être réalisés assis ou en danseuse?
Merci
Quentin