Déconfinement oui, mais d’autres règles subsistent. En effet hormis ce rayon de 100 km qui vous l’avoueraient sera difficile à franchir, il faudra conserver une distance d’au moins 10 m entre vous afin de réduire les risques de contamination au maximum. Certaines simulations ont même montré que l’idéal serait de rouler côte à cote ce qui génèrerait moins de risques mais si comme moi vous êtes adepte de single, vous n’aurez d’autres choix que de rouler en file indienne.
Règle supplémentaire, il n’est pas possible de constituer des groupes de plus de 10 personnes lors de vos sorties et dans la mesure de la distanciation imposée, difficile de discuter avec vos compagnons d’aventure.
Vous le savez notre rôle ici est de vous conseiller afin de vous permettre une pratique dans un contexte favorable à l’épanouissement personnel. J’en viens donc aux raisons qui me poussent à écrire ces quelques lignes.
Depuis la mi-mars et le début du confinement certains et certaines parmi vous ont peut-être eu la chance de pouvoir faire du vélo sur home trainer, ou de vous adonner à de nouvelles pratiques sportives telles que la course à pied ou la musculation.
Aujourd’hui l’heure est à la reprise en extérieur mais comme toute reprise, il va de soi que certains fondements liés à la préparation physique et l’entraînement sont à respecter si vous souhaitez pouvoir profiter au maximum de cette « liberté » retrouvée.
Qui dit confinement dit certainement moins de pratique sportive ou une pratique sportive modifiée voire pour certains totalement interrompue. L’arrêt de la pratique engendre une diminution transitoire des capacités physiques telles que la force, l’explosivité, l’endurance, la vélocité…. Ce que l’on retient généralement est que plus vite une qualité physique est acquise, plus vite elle est perdue. Généralement pour les qualités d’endurance on estime qu’à partir de 2 semaines sans pratique la qualité commence à faiblir et qu’à 3 semaines notre potentiel aérobie s’effondre.
Vous comprenez dès lors que reprendre dès cette semaine, n’est donc pas reprendre notre pratique favorite là où on l’avait laissée. Je m’explique.
Avant le confinement vous effectuiez 2, 3 peut être 4 sorties par semaine. Vous alliez rouler dans les chemins durant 2, 3 voire 4 h en vous éclatant sur des trails que vous aviez vous même construits ou ouvert. En faisant cela vous développiez vos capacités physiques d’endurance notamment et musculaires (je vous jure manipuler la pelle et la pioche des heures contribue grandement au développement musculaire).
L’arrêt ou la diminution de pratique durant le confinement aura forcément eu des conséquences négatives sur votre forme physique et la capacité que vous aviez à rouler 3h d’affilée sera aujourd’hui certainement plus difficile, de même que votre capacité à franchir des obstacles en bougeant votre vtt comme vous le faisiez auparavant. Il va donc falloir adapter votre nouveau planning de pratique.
Finalement ce confinement sera pour nous entraîneur une espèce d’intermède, de parenthèse qui va nous obliger à vous préconiser un retour à la pratique progressif. Voyez ce déconfinement comme la reprise de votre saison sportive et comme toute reprise vous n’allez pas foncer bille en tête sur votre engin durant des heures ou à une intensité maximale.
Voici donc quelques conseils pour vous guider :
1. Le nombre de sorties dans la semaine. Le meilleur conseil que je puisse vous donner se résume en un mot qui reviendra par la suite et qui est « progressivité ». Si vous faisiez 4 sorties par semaine de 2 h chacune, recommencez par 2 à 3 sorties de 1h30 ou si vous tenez à en faire 4, faites-en une d’une heure pour voir ou vous en êtes et allongez progressivement la durée des sorties au cours de la ou des semaines qui viennent. En gros ne refaites pas de suite 4h de vtt mais laissez vous un mois pour revenir à ce volume d’entraînement.
2.L’intensité de l’effort. Si durant ce confinement vous avez eu accès à un home trainer peut-être avez-vous fait du travail intensif sur de courtes durées. Je vous rappelle cependant un élément fondamental qui est que le déconfinement ne rime pas avec fin de l’épidémie. Les sportifs de haut niveau peuvent s’adonner sans trop de problèmes à des efforts intenses même durant cette période de confinement car ils y sont habitués et sont capable de s’adapter plus facilement à de très grosses charges d’entraînement. Mais pour 97% des pratiquant(e)s, je préfère vous orienter vers les recommandations que j’ai pu donner lors de mes précédents articles, à savoir ne pas dépasser les 80% FCmax. Pourquoi cela ? Parce que ce « cut » est un moyen de s’assurer que l’on ne va pas jusqu’à épuisement, jusqu’à la limite de ses capacités physiques (dans la mesure ou l’on ne cherche pas à battre le record de temps passé à 80% FCmax). En effet, pratiquer une activité physique à trop haute intensité ou trop haut volume, engendre une baisse transitoire du statut immunitaire. En gros, si vous vous découvrez une âme de vététiste professionnel alors qu’habituellement vous faites une sortie de 1h30 par semaine, vous allez fragiliser grandement vos défenses immunitaires et allez être potentiellement plus vulnérable aux virus, microbes…. Et inévitablement plus facilement affecté par le coronavirus.
3. Les aspects musculaires. Durant cette période, vous avez réduit votre pratique et de ce fait les stimulations musculaires. N’oubliez pas qu’en vtt on « pilote » son engin, cela veut dire qu’il faut s’assurer d’un renforcement musculaire suffisant pour ne pas ressentir de douleurs lors des premières sorties en extérieur. Pour cela rien de mieux qu’un petit rappel de renforcement musculaire ou gainage à raison de 2 à 3 x 20 min par semaine et vous vous assurerez ainsi de prendre un maximum de plaisir.
4.La technique. C’est un conseil que je donne systématiquement à mes athlètes, après une période de coupure, le retour dans les chemins se fait avec la capacité technique du moment. Si durant le confinement vous en avez profité pour regarder en boucles les Red Bull Rampage, Danny MacAskill, Brandon Semeniuk ou autres techniciens hors pair, ne vous dites pas que vous allez pouvoir franchir les obstacles comme vous le faisiez ou comme ces champions le font.
Comme pour le volume d’entraînement, révisez vos fondamentaux, refaites vos gammes techniques et montez progressivement en difficulté. Le gap de 2 m de haut que vous passiez facilement avant le confinement, n’allez pas le tenter de suite sinon cela pourrait vous amener tout droit à la case hôpital. Et puis dites-vous que la dernière difficulté technique que vous preniez en fin de sortie pour rentrer à la maison, mais si, vous savez, celle où l’on finit par terre ou pas loin quasi systématiquement… en se disant que c’est la dernière fois qu’on la tente et ensuite on rentre… ! Oubliez-la et rebosser la technique sur un état de fraicheur physique.
5. Le dernier point concerne un constat plutôt évoqué dans les sports collectifs mais qui peut aussi avoir du sens en cyclisme. On observe souvent dans les pratiques ou l’explosivité, les changements de rythmes, de direction… sont monnaie courante, que des ruptures tendineuses ou ligamentaires se produisent. Cela doit évoquer quelque chose de clair en vous, après une coupure d’entraînement votre système ostéoarticulaire est « mal adapté » à une reprise de l’entraînement telle que vous l’avez laissé avant le confinement. On va de ce fait, éviter tous les exercices ou l’on fait de grosses accélérations comme sur les travails de départ, les prises d’élan rapides pour franchir un obstacle, les montées raides de quelques mètres, les courses avec les copains… Tous ces exercices sont une excellente idée si vous souhaitez obtenir une déchirure musculaire, voire pire en reprise de pratique. Vous allez pouvoir le faire d’ici peu mais laissez le temps à votre organisme de s’adapter de nouveau aux contraintes d’un retour à la pratique.
Vous l’aurez compris, l’idée générale est un retour à la pratique progressif pour revenir à ce que nous étions capable de faire avant le confinement. Je sais bien qu’à l’heure du tout Strava ou du tout Zwift certains continueront de tenter des records de durée d’effort ou d’intensité mais n’oublions pas que l’épidémie de COVID-19 est toujours présente et qu’il faut à tout prix éviter l’exercice engendrant une fatigue importante.
Si toutefois vous avez une envie irrépressible de refaire du travail à PMA ou au-delà, aménagez-vous des périodes de récupération entre les répétitions plus longue que ce que vous faisiez à l’accoutumée et réduisez le nombre de séries et de répétitions tout en vous assurant de vous hydrater et de vous alimenter correctement durant l’effort.
Mais en attendant profitez bien en roulant vos « singles » préférés.
Cyril GRANIER
Docteur en sciences du sport
Société CG PERFORMANCE
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