Généralement comment réagit-on ? Certains se diront que le retard ne se rattrape pas et qu’ils verront bien ce qui arrivera. D’autres se disent qu’il n’est pas trop tard et qu’ils vont rattraper le temps perdu en faisant davantage de séances dans les deux dernières semaines avant l’échéance… Malheureusement c’est une erreur. Le temps perdu ne se rattrape jamais, il suffit juste de l‘accepter et mieux vaut arriver sur une échéance, trop reposé plutôt que fatigué. Mais finalement lorsque l’on parle de préparation terminale tout se résume-t-il à nos capacités physiques ?
Comment cette préparation terminale, afin d’être performant(e) le jour « J », se passe t’elle et quels bénéfices peut-on en tirer ? Afin de mieux appréhender tout ce processus, nous allons croiser théorie scientifique et terrain, via la rencontre et les échanges que nous avons eu avec une récente vainqueure de coupe du monde de Vtt descente et son manager à savoir Marine Cabirou et Patrice Afflatet, tous deux membres du Team Scott DH Factory.
Soyons clair, les sportifs suivis par un professionnel de l’entraînement font généralement moins d’erreurs dans l’atteinte de leurs objectifs, que le sportif lambda se débrouillant seul. Mais qu’est ce qui explique ce phénomène ?
Tout d’abord un mot qui revient souvent mais que l’on appréhende mal à savoir l’objectif. Tout le processus de planification passe par les définitions même que l’on accorde au concept d’objectif.
Un objectif est une décision partagée avec son entraineur et/ou préparateur mental, qui va tenir compte de plusieurs facteurs comme : le lieu de la compétition, la période de l’année, la difficulté physique ou technique du parcours, votre emploi du temps professionnel, vos points forts et faibles…. Et qui va également définir le plan de route à suivre pour les atteindre. Une chose est certaine, c’est que cette définition doit être objectivée car elle est la pierre angulaire de toute votre planification d’entraînement.
Autre élément crucial mais trop souvent entendu, croire que toutes les courses sont un objectif est un non-sens en planification de l’entraînement ou en physiologie du sport. En effet, la recette du succès est dans l’alternance de cycles d’entraînement et de repos. Vouloir être performant tous les weekends revient à renier ce principe et donc très souvent à diminuer la part du temps accordée à la régénération. Or, la clé du succès en sport se trouve dans la capacité à écouter son corps et à trouver des solutions pour récupérer. Ne courrez donc pas tous les lièvres à la fois cela ne rimerait à rien, il faut au contraire trouver les deux ou trois objectifs majeurs qui vont marquer l’apogée de votre préparation au cours de la saison.
Dans le discours commun des sportifs et sportives, la préparation d’objectif est souvent perçue au regard des aspects d’entrainement et de performance physique. En cyclisme, notamment en vtt cross-country, les capacités aérobies « son reines » et tout se résume parfois un peu rapidement, en mesurant ses performances grâce à un indice bien connu de tous et toutes, qui est la Puissance Maximale Aérobie ou PMA.
« L’atteinte de la performance passe nécessairement par l’alternance de cycles d’entraînement et de régénération »
C’est effectivement un des aspects de la performance aérobie à prendre en compte mais ce n’est pas le seul facteur. Réduire l’entraînement au développement unique de cet aspect, c’est oublier la quasi-totalité de ce qu’un athlète doit faire pour être performant au niveau physique. La performance est multifactorielle et on ne peut pas exclure de l’équation les autres qualités physiques que sont la force, l’endurance, la vitesse, la souplesse ou la coordination. Mais ce n’est pas tout, on peut également rajouter la préparation physique communément nommée musculation, la préparation mentale, la reconnaissance des parcours, le choix et le réglage du matériel et les aspects de planification, la nutrition, le réglage des suspensions, le choix des pneumatiques…. Un bon entraîneur tiendra compte de tous ces aspects pour vous faire progresser.
Prenons l’exemple de Marine Cabirou et de son entraîneur Nicolas Fillippi. Ils avaient établi ensemble, que la meilleure performance de Marine soit un podium (TOP 3) sur la coupe du monde de Val Di Sole ou de Vallnord. La raison à cela ? Ces deux parcours de coupe du monde demandent un gros engagement technique, qui correspond bien aux qualités de Marine. Son entraîneur et elle-même savaient donc que ces pistes lui permettraient d’exprimer pleinement tout son potentiel afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles.
A la lumière de cet éclairage, on comprend tout de suite que se limiter à l’entraînement physique comme seul facteur de performance pour être prêt le moment voulu, s’est louper tout un pan de sa préparation.
Pour mieux comprendre, prenons un exemple précis. Vous êtes sur une compétition de vtt marathon ou xco nécessitant des passages à pied et votre entraînement comprend en grande partie des séances d’endurance de base (foncier), du travail de PMA et de la technique. Lors des portions à pied, les sollicitations musculaires sont telles que si vous n’êtes pas préparé (e), il est fort à parier qu’une fatigue musculaire prématurée apparaisse voire même des crampes, alors que cela ne vous arrive habituellement jamais. Il aurait fallu prévoir dans le programme d’entraînement des sorties de course à pied ou de la musculation. Autre exemple, souvent les athlètes à l’arrivée d’une course dans la boue se plaignent de douleurs lombaires…. Ce type de compétitions demande des braquets un peu plus importants qu’habituellement pour trouver de l’adhérence, donc un travail plus en force. Chez un entraîneur cette information devrait éveiller sa curiosité sur deux aspects à savoir, le réglage de la position sur le vélo et le recours à un travail musculaire préparatoire afin de parer à de futurs problèmes.
Lorsque nous avons posé la question à Marine Cabirou sur la prise en compte du parcours des Mondiaux dans son entraînement au quotidien, sa réponse fut directe. Adaptation des séances d’entraînement avec davantage de travail lactique (efforts compris entre 15 et 45s à intensité maximale) car au Mont Sainte Anne, la piste demande des relances plus longues qu’à l’accoutumée. Ils ont également avec son entraîneur modifié leur planning de musculation avec davantage de travail plyométrique, recréant les multi-sollicitations musculaires. CQFD.
Comme cité précédemment, ne nous limitons pas aux seuls facteurs physiques afin de préparer un objectif. Ces aspects sont bien entendu primordiaux mais viennent en complément d’autres éléments tels que le travail technique. Au vu de l’évolution des parcours de vtt xco ou de vtt de descente, une part importante de l’entraînement doit nécessairement être prise en compte sur ce paramètre.
La planification d’un objectif se fait également via la connaissance du parcours de compétition et ses aspects techniques. En effet, déterminer un pic de forme sur un parcours qui met en avant une qualité technique que vous ne maitrisez pas ne serait pas une bonne idée car vous ne pourriez pas exprimer pleinement vos capacités physiques. Choisissez un parcours dont la technique mise en avant est maitrisée et vous plait. Si en plus de la maitrise, l’aspect ludique rentre en jeu c’est tout gagné pour vous.
Quand nous avons posé la question à Marine Cabirou, sa lucidité a rapidement parlé. Elle nous a expliqué que l’engagement technique, les gros sauts et autres difficultés rencontrées en vtt descente sont très clairement ce qui lui permet de performer et de tutoyer les sommets. Même si le parcours de Mont Sante Anne demandait d’avoir ces qualités techniques, la part de physique était clairement importante et pouvait impacter négativement sa performance.
La planification d’objectif passe par cette lucidité qui fait la marque des grand(e)s athlètes qui connaissent leurs points forts et leurs points faibles. Outre l’importance de se connaitre pour le choix de son objectif, cette lucidité demeure au cours de l’effort. On parle dans ce cas, d’un autre paramètre de la performance à savoir la tactique de course.
Cet aspect est très souvent mis de côté mais il est important d’y prêter attention car il va être au plus proche de la compétition. La tactique c’est finalement mettre en place un « plan de match ».
Qu’est-ce qu’un plan de match ? C’est une feuille de route qui va donner à l’athlète les grandes lignes à suivre afin d’atteindre l’objectif de performance fixé. Si tous ces points sont pris en compte, la performance en découlera et nous pourrons par la même, objectiver ce qui a été ou non réalisé au cours de l’effort.
Dans ma carrière passée avec un coureur en sélection régionale sur un championnat de France de vtt xco, nous avions fixé un objectif de résultat : atteindre le Top 30 de sa catégorie. Petite aparté, un objectif de résultat n’est pas gage de performance. Il est un élément de la fixation d’objectifs, d’où la nécessité de formaliser les étapes afin d’atteindre ce résultat. Pour ce faire le recours à la préparation mentale est souvent une idée intéressante.
Mais revenons à notre idée originale. Au final, roulement de tambours… Objectif non attei, le coureur termine 31ème. Dans le cas d’un objectif de résultat et non de performance, il est difficile de comprendre quelles sont les raisons qui ont conduit à cette « contre » performance. Mais nous avions avec mon assistant proposé autre chose au coureur, à savoir une feuille de route individualisée. Dix points la composait, on retrouvait pêle-mêle, la gestion de son hydratation en course, de son alimentation, de son braquet en fonction du profil de parcours, du dépassement des adversaires, les options de trajectoires en fonction de l’état de fraicheur…. Ces différents points notés sur papier, donnaient au coureur un plan de course à réaliser en fonction des circonstances qu’il rencontrait et permettaient de faire une « check list » des objectifs de performance atteints ou non et ainsi pouvoir réorienter la planification et le contenu d’entraînement pour la suite de la saison. Bilan de tout cela, notre coureur catastrophé s’est finalement rendu compte que sa 31ème place était liée à 3 objectifs non réalisés. Tout n’était donc pas raté puisqu’il avait réussi à en atteindre 7 soit 70% de réussite.
Autre élément et non des moindres, la connaissance des adversaires que vous allez rencontrer en compétition. Ce qui fait la force des grands champions et championnes est cette capacité à se connaître et surtout à connaître ses adversaires sur le bout des doigts. Leurs points forts, leurs points faibles, leurs stratégies de course habituelles….
Si l’on prend le duel actuel entre Van Der Poel et Schurter en coupe du monde ce vtt xco que voit-on ? Un Nino qui tente de semer le néerlandais en descente technique ou en lui faisant des accélérations récurrentes disséminées sur le parcours. On voit également d’autres concurrents qui tentent de faire vaciller ces duettistes. La réaction de Mathieu Van Der Poel ? Il se contente de descendre sans commettre d’erreurs revient sur son ou ses adversaires. Lors des accélérations de Nino, il reste dans les roues, le laisse s’épuiser et dans l’avant dernier tour mets à son tour une grosse attaque sur du faux plat montant ou une pente plus raide qui vont réduire tout espoir pour le Suisse ou tout autre coureur. Pourquoi Mathieu procède-t-il de cette façon ? Parce qu’il sait comment gagner une course de Vtt xco, ce n’est pas en descente que l’on gagne mais on peut tout y perdre. C’est en bosse qu’une course vtt se gagne et dans la gestion de son effort qui doit être régulier pour « économiser des cartouches ». Ce coureur connaît aussi très bien les points forts et faible de son adversaire ainsi que les siens propres et sait que s’il veut battre le Suisse, il faut le piéger lorsque ses capacités physiques ne lui permettront plus de répondre à une attaque et pour cela il faut le laisser se fatiguer au maximum dans les tours précédents.
Vous l’aurez compris être très lucide par rapport à ses capacités et celles de nos adversaires directs est un élément fondamental de la performance. Si en plus de ça vous construisez avec votre entraîneur un schéma tactique à appliquer en course, il est fort à parier que la performance soit au rendez-vous.
Maintenant que nous avons fait le tour de ce qui peut être mis en place accompagné de son entraîneur voyons maintenant ce que l’on peut faire avec son mécanicien.
Un des éléments moteurs du vtt pour être performant le Jour J est l’aspect matériel. Combien de coureurs auraient eu un meilleur résultat en course « Si… ils n’avaient pas crevé, déraillé, casser le cintre, tordu la pâte de dérailleur….». Dans le pays de la défaillance technique, le « Si » est roi. Le « Si » en compétition est la constante de la non préparation ou de la non optimisation de tout ce qui vous permettra d’être performant. Rien n’arrive en course sans raison. En vtt de descente ou les coureurs sont généralement très attentifs à leur matériel et au réglage de leurs suspensions, un temps spécifique est accordé à tout ce travail durant les reconnaissances des parcours. Marine Cabirou et Patrice Afflatet nous apportent des éléments de fonctionnement qu’ils opèrent lors des compétitions. Pour eux tout le travail de réglage du vélo et l’optimisation des suspensions se passe en avant saison. Cette année ils sont allés sur le tracé de la coupe du monde de Slovénie en avance afin de tester leur matériel dans différentes configurations. La grande discussion actuelle en Vtt de descente étant le choix de la dimension des roues, ils ont opté pour des tests chronométriques afin de savoir quelles configurations de tailles étaient le plus opportunes pour la pilote. Il semblerait qu’actuellement Marine soit plus à l’aise avec de meilleurs chronos 29’’ à l’avant et 27,5’’ à l’arrière. De l’aveu de Patrice Afflatet son manager de Team, du tout 29’’ aurait pu être une solution pour le mondial vtt mais ils ont préféré rester sur quelque chose que Marine connaissait bien sans modifier son pilotage. Autre élément d’information que nous apportent les membres du Team Scott DH Factory concerne l’optimisation du fonctionnement des suspensions. Même si l’on parle énormément de télémétrie en vtt de descente, toutes les équipes n’ont accès à cette technologie et il reste à l’heure actuelle une grande part laissée au ressenti du vététiste et sa capacité à expliquer ce qu’il désire à ses mécanos. Sur ce point précis Marine a progressé au fil des ans nous précise Patrice Afflatet. A Marine d’ajouter qu’elle se sent désormais pleinement capable de trouver les mots pour expliquer son ressenti sur le travail des amortisseurs aux mécaniciens de l’équipe ou de chez Fox et ainsi opter pour les bons réglages lors de la course.
Les objectifs sont désormais fixés, vous avez travaillé durant l’hiver et tout au long de la saison la technique. Votre tactique est au point et vous vous êtes renseigné sur vos adversaires. Votre matériel est réglé aux petits oignons mais il manque encore un élément afin d’être fort le jour souhaité.
On appelle ce paramètre, le sacro-saint « Affûtage ». Ne vous méprenez pas, il ne s’agit pas ici de perdre du poids qui est aussi un des leitmotivs de nombreux sporti(ve)fs. Nous entendons par « affutage », l’adaptation de la planification d’entraînement dans les semaines précédant l’objectif. C’est un des aspects de la recherche en entraînement qui a été longuement étudié ces dernières années et dont des spécialistes comme le chercheur français Laurent Bosquet ou le basque Inigo Mujika sont à la pointe de la connaissance.
La notion d’affutage renvoie à la gestion de la charge d’entraînement. Elle est la combinaison de la durée ou du nombre de vos séances en fonction de l’intensité des efforts que vous faites. Cela signifie que durant la période d’affutage nous allons pouvoir moduler ces indicateurs. Plus précisément, nous allons réduire la durée des sorties tout en conservant leur nombre sur la semaine et maintenir l’intensité des fractions d’effort. Au final la charge d’entraînement diminuera grâce à une réduction des durées de vos sorties.
Attention toutefois car un modus operandi est à mettre en place afin de baisser le volume d’entraînement, on parle de réduction linéaire, exponentielle ou par palier (Figure 3).
La linéarité consiste à diminuer progressivement la charge d’entraînement au fil des jours. La méthode exponentielle consiste à faire chuter d’un coup la charge d’entrainement en passant par exemple de 15 h/semaine d’entraînement à 8 h puis de diminuer progressivement de jours en jours. La méthode par palier quant à elle, consiste à diminuer la charge d’entraînement de 50 à 60% en une seule fois sur le volume total de la semaine.
Il semblerait, d’après les différentes études publiées sur le sujet, que la méthode consistant à diminuer la charge d’entraînement et donc le volume au fur et à mesure des jours obtienne les meilleurs résultats, tout en sachant que la méthode par palier fonctionne également très bien.
Un élément demeure manquant dans cette analyse il s’agit de la durée de la période d’affutage. Une période comprise entre 7 et 21 jours semble optimale. Ce temps rend possible la mise en place du phénomène dit de surcompensation permettant au sportif de récupérer des efforts passés et d’améliorer son niveau de forme au-delà de ce qu’il est capable de faire habituellement. Il en découle une individualisation de cette période d’affûtage au même titre que la planification d’entraînement. Nous pouvons même aller plus loin en précisant qu’en raison des 3 objectifs majeurs de la saison que nous avons la modulation de la période d’affutage peut prendre différentes formes ou durées pour un seul et même athlète. Mais la réussite de ce processus dépendra essentiellement de la connaissance que vous avez de vos capacités ou de votre coureur si vous êtes éducateur.
Mais soyons lucide, l’affutage est la cerise sur votre gâteau de votre préparation d’objectif, mais bien effectué, il peut mener à des gains de performance de l’ordre de 2 à 5%. Dernier élément, ne comptez pas sur l’efficacité d’un affutage si votre volume d’entraînement hebdomadaire ne dépasse pas les 10h. Ce que je veux dire par la, c’est que pour des catégories cadets voire juniors, l’intérêt de l’affutage est de leur faire comprendre le processus mis en place plutôt que de vouloir en tirer un bénéfice physique à court terme. On est ici dans de la formation, de l’apprentissage et de l’individualisation. Gardez à l’esprit que sur votre période d’affutage, on diminue le volume d’entraînement tout en conservant l’intensité des séances, on propose à l’athlète du travail technique qui se rapproche de ce que l’on retrouve en compétition mais surtout que ce dernier maitrise parfaitement afin de le mettre en confiance. Cette méthodologie est bien entendu valable dans toutes les disciplines sportives.
Comme nous l’avons vu au cours de cette analyse, être prêt le jour J est l’association de différents paramètres mais tout débute toujours par la définition et la planification de vos objectifs en fonction de vos capacités et de la demande du parcours de compétition. Suivre la logique de la figure 4 vous permettra de baliser votre saison et de consacrer des temps particuliers en hiérarchisant les procéder vous menant à la performance. Mais comme tout voyage que l’on entreprend parfois ce n’est pas l’atteinte de la destination ou le résultat qui comptent mais le chemin que l’on a parcouru et l’apprentissage qui en découle. Marine Cabirou accompagnée de son manager, son entraineur et ses mécanos, ont réussi à parcourir ce chemin en posant des jalons sur lesquels ils s’appuient afin d’optimiser leur performance et d’avancer ensemble.
Article écrit par Cyril Granier