Créer ses séances d’entrainement par intervalle

Article écrit par Cyril Granier

L’entraînement par intervalle (EPI) consiste à alterner des temps d’effort à une intensité élevée et des temps de récupération à intensité plus basse. Ce genre de séance lorsqu’elle vient dans le plan d’entraînement, est souvent très payante et peut même en partie remplacer les séances d’entraînement longues.

Souvent des sportifs viennent me questionner sur l’entraînement et me disent qu’ils manquent de temps pour pouvoir s’entraîner.

Quand je poursuis la discussion, notamment en cyclisme, l’entraînement se résume très souvent au volume, c’est-à-dire à la durée ou le nombre de kilomètres effectués.

Je réponds souvent dans tel cas, qu’il ne faut pas oublier les bienfaits de l’entraînement par intervalle, qui va permettre de rendre les séances beaucoup plus ludiques et plus courtes dans le temps, sans compter les progrès qu’elles nous permettent de faire. Ces séances sont parfois également une alternative à nos vies familiales et professionnelles chargées.

 

L’entraînement par intervalle c’est quoi ? 

La plupart du temps les gens parlent de fractionné et mélangent les concepts. Ici, nous parlons bien d’entraînement par intervalle qui consiste à effectuer un certain nombre de répétitions d’effort entrecoupées de temps de récupération.

 

fractionne

 

Le fractionné traditionnellement correspond à un temps de compétition et une intensité de course, le sportif choisira alors de faire des répétitions d’effort à la même intensité que celle de la compétition mais sur un temps plus court. Par exemple un coureur cycliste avec une puissance moyenne en course de 230 W pour 2h30 d’effort, pourra mettre en place une séance d’entraînement de 10 fois 15 min à 230 – 240 W avec 2 min de récupération entre chaque effort. Ici on est bien d’accord, il s’agit de théorie et finalement peu de monde propose ce genre de travail en cyclisme.

L’entrainement par intervalle quant à lui, ne se base pas sur les durées ou intensités de course mais sur la capacité du sportif. Plus précisément sur ce que l’on nomme le temps limite. Je m’explique.

Le concept de temps limite est une notion qui renvoi aux fondements même de l’endurance. Quelle durée d’effort je peux accomplir, si je pédale à une fréquence cardiaque de 155 Batt/min, ou si je pédale à 180 W ? Les chercheurs en science du sport et plus précisément en cyclisme ont baptisé cela le profil de puissance record. Au final, on va établir une courbe de puissance en fonction du temps, pour des efforts de 1s, 5s, 10s, 30s, 1 min, 3 min, 5 min, 10 min…. (Cf graphique) jusqu’à la durée maximale que l’on souhaite. Chacune de ces puissances évaluées permet de définir le temps maximum pendant lequel on peut rouler. Ainsi, le graphique que nous voyons nous montre que le cycliste en question sera capable de tenir 5 min à 420 W ou encore 10 min à 373 W. Nous allons alors nous servir de ces données de temps et de puissance ou de fréquence cardiaque pour prescrire les séances d’entraînement par intervalle.

 

Quelles intensités d’effort et de récupération lors d’une séance ?

Traditionnellement les séances d’EPI se caractérises par un effort au-delà de la puissance critique et une récupération en deçà. Je ne vais pas ici expliquer le concept de puissance critique mais simplement vous dire dans les grandes lignes que cela correspond à une intensité d’effort comprise entre 78 et 82% PMA (Puissance Maximale Aérobie) ou environ 88 à 92% FCmax (Fréquence Cardiaque Maximale).

Nous proposerons des efforts à cette intensité minimale et des temps de récupération à des intensités en dessous de cette puissance critique. Oui oui, l’organisme est capable de récupérer à une intensité à peine plus faible que 78% de PMA et je prendrais le temps d’écrire un article sur la définition du concept de puissance critique pour vous expliquer cela.

 

Combien de répétitions ou de séries ou de répétitions dois-je faire ?

Encore une fois revenons à notre intensité d’effort puisque le modèle de l’EPI se base sur le temps maximal que nous somme capable de tenir à une intensité donnée.

L’exemple de l’athlète de tout à l’heure va vous éclairer. Si cette personne me demande de lui proposer une séance d’entraînement pour développer sa capacité maximale aérobie, je vais aller voir la puissance développée pour un effort de 5 min. Cela correspond à 420 W exactement.

L’objectif de ma séance pour développer la qualité demandée sera de passer à minima 5 min à 420W mais au lieu de le faire en une seule et unique fois, on lui proposera de faire des répétitions d’effort plus courtes entrecoupées de temps de récupérations. Une première séance pourrait se composer de 10 répétitions de 30s à 420 W, ce qui nous donne bien 5 min passées à 420 W, si l’on additionne le temps des fractions d’effort.

Si vous avez peur de ne pas réussir à enchainer 10 efforts de 30s, on peut commencer par 2 séries de 5 répétitions de 30s d’effort, ou bien même faire des efforts de 15s.

Gardez en tête que l’intérêt de l’EPI est de permettre de passer le plus de temps possible à une intensité donnée, supérieure à la puissance critique, afin de maximiser le travail des filières énergétiques et donc de progresser.

Si vous n’avez aucune idée de votre puissance en fonction du temps. Lancez vous autrement. Mettez vous au pied d’une montée en pente douce et effectuez 6 répétitions de 30s d’effort à une intensité que vous seriez capable de tenir 5 min. Observez l’endroit ou vous arrivez à la fin de votre premier effort et observez exactement la même chose sur toutes les répétitions.

Si la distance parcourue diminue au fil des répétitions de plus de 12 à 15% cela veut dire que vous avez effectué une répétition de trop. Vous pourrez de ce fait mieux calibrer la séance à votre capacité physique.

 

Quelle alternance temps de travail / temps de récupération ?

Cette question revient également souvent, la réponse est « Ça dépend ». Les gens qui me connaissent, en on marre de m’entendre toujours répéter cela mais c’est pourtant la meilleure des réponses.

Si vous débutez et afin de ne pas vous écœurer ou de ne pas en faire trop, partez sur un ratio de 1 : 2 c’est-à-dire que pour un effort de 30 s vous prenez une minute de récupération. C’est d’ailleurs le modèle de fonctionnement que j’ai adopté avec mes athlètes lors du confinement, afin d’avoir une sollicitation énergétique et cardiorespiratoire minimum et conserver le potentiel acquis. Un débutant avec l’utilisation d’un tel ratio progressera de manière certaine. Au fil, des séances ce ratio pourra évoluer pour passer à 1 : 1 puis 2 : 1, 3 : 1 voire 4 : 1. Les sportifs de bon niveau quant à eux, vont parfois jusqu’à faire du travail de 60 s d’effort avec des récupérations de 15 s afin d’améliorer encore davantage leurs capacités physiques.

 

Une séance d’entraînement par intervalle doit-elle être longue ?

Selon les écoles de recherche, certains vous disent sans parler de durée finale qu’une bonne séance d’EPI doit aller jusqu’à épuisement, d’autres vous diront que le simple fait de pratique de l’EPI sera suffisant. Pour ma part, je reviens toujours aux fondements physiologiques. Si je sais que je peux tenir 20 min à 250 W, je vais faire en sorte de proposer à minima des durées de répétitions qui une fois cumulées vont m’amener à 20 min de travail.

N’ayant moi-même pas trop le temps de m’entraîner mes séances d’EPI durent en moyenne, échauffement et récupération comprise, entre 30 et 50 min. Eviter les formules extrémistes comme on le voit souvent sur internet ou dans les magazines avec des plans d’entraînement clé en main ou de copier les professionnels. Un coureur de haut niveau sera capable d’enchainer du 30 s d’effort à PMA avec 30 s de récupération, durant 30 à 45 min et cela en une seule série. J’ai déjà entendu des amateurs me dire qu’ils avaient essayé ce genre de chose…

 

L’entraînement par intervalle correspond à du travail de PMA ?

Raisonner de cette manière est trop réducteur mais c’est souvent malheureusement ce que les sportifs font car on nous bassine depuis des années avec le fameux 30/30. N’oubliez pas qu’il s’agit de proposer des efforts (répétition et séries) effectués à une intensité supérieure à un certain seuil. Donc ce seuil liminaire va participer au développement de la PMA mais on n’est pas obligé de faire chaque fois du 30 s d’effort à PMA entrecoupé de 30 s de récupération.

Etant adepte du travail pyramidal que je trouve très ludique, je m’amuse à faire varier les durées d’effort entre 15 s et 5 min (voire davantage), ou les intensités entre 80 et 140% PMA en fonction de la filière énergétique que je souhaite solliciter, de la fatigue liée à ma journée de travail ou plus simplement de mon envie. Rien ne m’empêche de faire 2 séries de 6 répétitions de 45 s à 80% PMA avec 1 min de récupération à 55% PMA. Dans mon cas précis, n’étant un sportif de très bon niveau, cela me permet d’entretenir mes qualités physiques voire même de les développer. Par contre il est clair que pour un sportif entraîné cela ne représente pas une sollicitation importante.

 

Peut-on faire une séance d’entraînement par intervalle sur home trainer ou doit-on la faire en extérieur ?

L’avantage de faire une séance sur home trainer c’est le gain de temps et surtout la capacité à mieux gérer son effort. On n’est pas soumis au trafic routier ainsi qu’aux perturbations environnementales. Par contre, attention sur home trainer et dans une pièce fermée, le refroidissement éolien n’a pas lieu hormis si vous avez un ventilateur, mais de fait nous transpirons davantage afin de refroidir l’organisme au maximum et donc nous avons une perte en électrolytes supérieures à ce que nous aurions en extérieur.

La stratégie alimentaire sera alors différente et le nombre de séries et de répétitions est généralement vu à la baisse. L’intensité de l’effort est également revue à la baisse sur home trainer par rapport à un effort effectué à l’extérieur.

Si vous allez en extérieur, assurez-vous que le parcours choisi vous permette d’enchainer facilement les efforts demandés. Rien de mieux pour cela qu’une section de route plate ou montante sans carrefour ni rond-point qui vous permette de faire votre série sans devoir vous arrêter.

 

Le nombre de séances dans la semaine.

Soyez vigilant(e) au nombre de séances et de toute manière si vous les réalisez correctement vous verrez qu’un temps de repos est nécessaire avant d’en faire une deuxième. Certes on récupère souvent plus vite avec l’EPI qu’avec la traditionnelle sortie d’endurance de 3h effectuée à une intensité beaucoup trop haute mais ce n’est pas pour autant qu’il faut aller vers 4 ou 5 séances d’EPI par semaine. A un tel rythme, vous foncez droit dans le mur, oubliez donc le « No Pain, No Gain » cher à certains entraîneurs.

En entraînement, le maitre mot est progressivité et enchainement logique. Si vous n’avez jamais fait ce genre de séance commencez par 1 par semaine puis passer au bout d’un mois à 2 par semaine et essayer de maintenir ce rythme avec votre séance d’endurance du weekend et vous observerez déjà une belle progression. N’allez pas copier certains professionnels qui peuvent aller jusqu’à 4 voire 5 séances par semaine. N’oubliez pas qu’il s’agit de leur métier et qu’ils sont des pro de la récupération. Vous ne l’êtes pas…

 

Une séance réussie passe par la fixation d’un objectif.

Evitez à tout prix les séances d’EPI fourre-tout. Je veux dire par la que certains sportifs vont faire par exemple 5 répétitions, certaines à 80% PMA, d’autres à 130% PMA puis revenir à 100 % PMA…. Dans ce cas de figure que souhaite-t-on travailler exactement ?

Si votre objectif est de vous défouler allez y mais ne faite pas ça plus de deux fois dans la semaine sinon votre niveau de fatigue sera très important.

Je vous parlais précédemment de l’amusement que j’aime à mettre dans mes séances. Vous pouvez par exemple figer la durée et les intensités d’effort et de récupération mais d’un autre coté jouer sur les cadences… Par exemple faire 2 séries de 4 répétitions de 3 min à 80% PMA en passant de 70 Rpm sur la première répétition à 80 puis 90 puis 100 Rpm sur la dernière répétition. Et pourquoi pas attaquer la deuxième série à 90 Rpm et continuer à monter de 10 en 10 pour finir à 120 Rpm.

 

L’échauffement.

Autant on peut se permettre de raccourcir la durée du retour au calme de fin de séance, autant il est primordial de faire un échauffement spécifique à une séance d’EPI.

Le but de l’échauffement est de préparer l’organisme à l’effort qu’il va devoir fournir lors du corps de séance. Préparer l’effort veut dire mettre en fonctionnement tous les systèmes énergétiques ainsi que les muscles et les articulations.

Un autre élément est de se mettre dans sa bulle car ce genre de séance, nécessite une préparation mentale, une concentration, que vous activez dès le début de l’échauffement ne serait-ce que par le respect des premiers efforts à effectuer.

Ensuite et surtout si vous faites les séances en extérieur, il y a les automatismes à affiner. Rouler à basse intensité avec du trafic routier et rouler à haute intensité avec de la fatigue qui s’accumule n’est pas la même chose au niveau ressenti, pilotage et technique cycliste. Donc un conseil échauffez-vous correctement.

 

 

Au final les séances d’entraînement par intervalle sont souvent des séances clés qui vous permettront de franchir un cap et amèneront des progrès.

L’important reste tout de même de les réaliser en ayant à l’esprit qu’il faut être progressif dans la difficulté de l’effort demandé, que l’échauffement spécifique est un prérequis à ce type de séance. Que l’alimentation (entendez hydratation et apports énergétiques) est un facteur clé de la réussite de l’EPI donc oubliez ce travail là à jeun….

Puis faites comme moi, amenez de la diversité dans votre entraînement et vous verrez que vous vous amuserez et que la séance passera toute seule même si vous n’avez devant vous que 30 min à 1h à consacrer à votre sport.

 

Cyril GRANIER

Docteur en sciences du sport

Entraîneur Cyclisme, Trail, Triathlon

Bike Fitter, Level 2 IBFI

www.cgperformance.fr

Facebook : @CyrilGranierPerformance

Instagram : cyrilgranierperformance

 

1 réaction à cet article

  1. Merci de vos précieux conseils cela me guidera dans mes prochains mois d’entrainement car ici au Québec l’hiver est parfois terrible pour les cyclistes. Suite ä vos conseils je prévois faire au moins une séance d’ÉPI par semaine sur trainer et rouler en Fatbike en extérieur 2-3 fois par semaine pour un maximum de 2 heures par séances !!! encore merci.

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