Clairement depuis un an pouvoir s’entraîner, se fixer des objectifs, faire des choix de développement ou tout simplement se motiver a parfois pu être compliqué.
Pourtant si vous avez toujours l’ambition d’être performant lorsqu’il sera possible de remettre un dossard, il est important de se poser les bonnes questions.
Chaque cas sera différent en fonction de vos distances de prédilection, de votre historique d’entraînement et de cette dernière année souvent passée à bricoler.
Malgré tout, courir restera toujours courir. À savoir, trouver le compromis idéal vous rendant le plus performant selon votre profil en développant isolément ou conjointement 4 axes principaux :
- l’efficacité de mouvement
- les capacités musculaires
- les capacités énergétiques (VO2max, capacité et puissance des filières énergétiques suivant votre distance compétitive)
- l’endurance spécifique correspondant à vos objectifs.
Vous aurez par exemple peut-être laissé tomber vos entraînements techniques sans l’accès à votre groupe et à l’encadrement, le travail avec charges rendu compliqué sans salle de musculation, voir même les basiques comme le fractionné sur la piste ou les fartleks et sorties longues en groupe.
Suivant votre passif d’entraînement, votre âge, vos objectifs et les contenus des derniers mois les priorités ne seront pas les mêmes.
État des lieux
On sait par exemple que le travail de fond, la base aérobie, la caisse essentielle à n’importe quelle distance de la course à pied prend toute son importance dans les axes de travail lors de la post-puberté et au début de l’âge adulte.
Il va donc falloir s’y remettre si vous appartenez à cette catégorie d’âge afin de maximiser votre développement sportif comme votre santé cardiovasculaire et votre tolérance aux charges physiques de la vie.
Si vous êtes déjà d’un âge plus avancé et possédez des années d’expérience derrière vous, que vous vous connaissez par cœur sur les séances de long jusqu’aux séances de VMA, il faudra surtout entretenir ces qualités si elles ont été développées en amont.
En revanche qu’en est-il des qualités athlétiques ?
Si vous avez lu certains de nos derniers articles vous avez pu lire que ce qui différencie les meilleurs athlètes internationaux de leurs concurrents sera souvent due à l’efficience de leur geste. A savoir qu’ils seront plus efficaces mécaniquement et musculairement (en se projetant vers l’avant avec le moins d’énergie possible .
La comparaison entre le haut-niveau et les amateurs sera souvent encore plus criante dans le domaine technique et l’efficacité de course.
Bonne nouvelle : Cet axe de travail peut apporter des résultats très rapides avec des séances peu coûteuses en temps investi.
Mauvaise nouvelle : Il faudra y être régulier. Mais cela n’impactera pas vos séances de course à pied spécifique, une séance par semaine apportant déjà de réels bénéfices si elle est récurrente. D’autant plus que si vous devenez plus efficace vous devriez pouvoir courir plus vite pour la même intensité de course et également durer plus longtemps. Donc courir un peu moins ne sera pas du temps perdu, mais du temps investi sur le long terme pour devenir un(e) meilleur(e) coureur(se).
Une récente étude d’une équipe Franco-canadienne a voulu explorer en relation avec les différents confinements, quelle est la durée, suite à un arrêt du travail musculaire, sans répercussion négative sur les performances en course à pied.
La population, certes petite (8 sujets hommes) comprenait des amateurs entraînés non élite d’un niveau départemental à inter-régional. Ce travail de recherche montre comme la quasi-totalité de ceux réalisés ces dernières années une baisse du coût de locomotion pour différentes intensités de course, à partir du moment où ce travail est inclus de façon régulière dans le programme d’entraînement.
La nouveauté réside dans le fait qu’un mois d’arrêt de leur pratique de préparation physique n’a pas eu de conséquence sur leurs performances lors d’un test de 3000 m et surtout la majorité a pu maintenir ses acquis au niveau du coût énergétique, principalement illustré par une diminution du temps de contact au sol et une meilleure restitution de l’énergie élastique emmagasinée par le couple muscles-tendons.
Malgré tout deux éléments intéressants pour l’entraînement sont à noter. Le premier reste que nous nous appuyons ici sur la moyennes du groupe et que comme souvent une certaine hétérogénéité existe dans les résultats si l’on zoome sur chaque participant.
Il sera donc nécessaire d’adapter ce discours à vos réponses aux différents stimuli d’entraînement et de tester par vous-même ce qui semble le mieux vous réussir.
Par ailleurs une précédente étude, britannique cette fois-ci, avait pour sa part montré un retour à un niveau de base des acquis développés par un travail spécifique de force avec charges à la suite d’un arrêt de ce dernier de 6 semaines cette fois-ci, notamment sur les performances à un 5 km.
Que faut-il en retenir pour notre entraînement ?
Trois choses essentielles :
1 / Les preuves ne sont plus à faire qu’il ne suffit pas de courir. Il est utopique d’imaginer exploiter son plein potentiel en ne se concentrant que sur les aspects énergétiques sans développer ses qualités athlétiques, musculaires et de pied. Donc avant de se poser la question d’une durée maximale sur l’arrêt total de ce type de travail, encore faut-il déjà s’y investir (nous y reviendrons par la suite).
2/ La musculation et le travail avec charges ont été souvent présentés ces dernières années comme un axe de travail à fort potentiel. Il le sera clairement pour développer vos qualités neuromusculaires et donc votre économie de course, notamment via un meilleur recrutement de vos fibres musculaires avant chaque passage du pied au sol et en augmentant conjointement vos niveaux de force, de résistance musculaire à la fatigue ou encore en diminuant le risque de blessures…
3/ Cependant il faut avoir accès à une salle de musculation, ce qui n’était déjà pas simple avant le Covid. Pour autant si cet accès vous est compliqué, cela ne doit pas être une excuse. D’autres moyens de développer ces qualités existeront :
- Un travail de gammes athlétique qui permettra une meilleure restitution de l’énergie par le couple muscles-tendons associé à une amélioration de votre technique réduisant le coût énergétique et augmentant la marge d’efficacité gestuelle.
- Un travail de pliométrie (sauts en contrebas, passage de haies, etc.) mettant l’accent sur le recrutement neuromusculaire. C’est assez simple à comprendre : à chaque fois que mon pied sera sur le point de toucher le sol, une pré-activation neuromusculaire, comme une phase d’anticipation de l’action motrice nécessaire à mon mouvement de course s’activera. Plus elle sera efficace, plus mes muscles des quadriceps et des mollets seront pré-activés, ce qui permettra de passer moins de temps au sol, donc d’améliorer sa qualité de pied et ainsi consommer moins d’énergie à une vitesse donnée.
- Un travail de sprints courts : 5 à 30 secondes d’effort maximal, sans grande sollicitation cardio. Cela permettra de travailler à la fois au maximum des qualités neuromusculaires, techniques et gestuelles pour au fil des séances gagner en qualité de pied, en recrutement musculaire et en technique de course. On pourrait au premier abord se poser la question de l’intérêt de courir en sprint pour préparer des distances d’endurance qui ne demandent pas du tout les mêmes qualités énergétiques. Pourtant, passé quelques séances, vous ressentirez ce qu’on appelle une nouvelle réserve de vitesse, permettant de « se sentir plus facile » aux allures de course habituelles. Si la technique est plus économique et l’efficacité plus grande, vous devriez progresser sur vos distances de prédilection. N’hésitez pas si vous débutez sur ce type de travail à réaliser dans un premier temps des sprints très courts pour vous assurer d’être propre techniquement à plein régime. Après quoi vous pourrez augmenter les distances, réduire les temps d’effort, amener un apport technique (diminution/augmentation de la fréquence de pas et/ou d’amplitude), courir en côte ou descente pour accentuer le travail musculaire, de pied et technique.
- Un travail de proprioception et de pied : l’objectif étant de renforcer les muscles de vos pieds et chevilles et de rendre vos pieds plus « intelligents ». On les oublie trop souvent et pourtant ils sont à la base de votre transmission de force. Même à 10 km/h, si votre pied est faible et/ou instable et/ou perturbable dans l’espace, vous aurez beau avoir la plus grosse caisse et être fort en salle de musculation, ce sera à chaque passage du pied au sol une perte d’énergie à rapporter au total de votre nombre de pas.
Que vous fassiez du 800 m ou la perte d’efficacité sur un seul pas impactera votre performance à l’addition de tous vos « petits » pas sur marathon ou plus extrême encore le trail où il faudra additionner répétitions et sols instables et changeant, dans les trois cas ce sera de l’énergie perdue en route un peu comme si vous acceptiez de partir sur une course de vélo avec des pneus dégonflés qui vous obliger à appuyer plus fort sur les pédales.
Sur ce type de travail acceptez de partir sur quelque chose de simple avec le seul objectif d’arriver à la fatigue maximale des muscles du pied ou de la cheville ( ces derniers récupérant très vite il faudra les stresser assez intensément) pour au fil des séances et de votre habituation aux exercices , devenir inventif et trouver de nouveaux exercices en augmentant le niveau de difficulté.
Les possibilités sont infinies : sauts droite/gauche-avant/arrière, avec chaussure, pieds nus, yeux fermés, avec une charge, sur un sol instable, marche sur talon/avant-pied, tranche interne/externe, etc.
- Vous renforcer musculairement pour mieux encaisser vos entraînements et diminuer le risque de blessures. Il est difficilement entendable que de nombreux compétiteurs n’atteignent pas leurs objectifs sur marathon ou trail car cuits musculairement à l’approche de l’objectif final. Si c’est votre cas, votre corps vous envoie certainement l’information qu’il faut enlever un peu de travail cardio/kilométrique au profit d’un travail musculaire…
- Le travail de force, avec une charge limitant le nombre de répétitions (disons 8 maximum à moins) malgré une implication maximale a fait ses preuves dans les sports d’endurance. Il est finalement un assez bon compromis entre le travail nerveux maximal et le renforcement musculaire sans prise de masse. On le réduit souvent à un travail avec des charges lourdes et donc à l’accès à une salle de musculation.
Pourtant, si l’on prend un peu de recul on peut imaginer trouver des palliatifs plutôt que de ne rien faire . Par exemple si vous êtes adepte des ½ ou ¼ de squats. Il est envisageable de les réaliser sur une seule jambe. Alors la jambe sollicitée devra supporter seule tout votre poids de corps.
Si vous pesez 70 kg vous devrez pousser 70 kg (votre poids de corps) à la force d’une seule jambe (70 x 2 = 140 kg rapporté aux 2 jambes). Vous pouvez imaginer descendre plus bas dans le mouvement (squats complets) et/ou ajoutez de petites charges présentes à la maison ou par l’achat de petit matériel peu coûteux ou encore ajouter à la réalisation de l’exercice un caractère instable.
De plus, le travail unipodal aura un grand intérêt car vous ne courez pas sur deux pieds. Si l’on réfléchit bien cet exemple est transposable à un travail sur les mollets, les ischio-jambiers, les releveurs de pied, etc.
Encore une fois, les conditions d’entraînement ne doivent pas être une excuse. Si vous considérez que ce travail peut avoir un grand intérêt pour votre profil, alors devenez acteurs de sa construction et de son inclusion dans vos plans d’entraînement.
Un passage obligé
Si vous avez un peu lâché la course à pied ces derniers mois mais que le retour des beaux jours et nous l’espérons des compétitions vous donnent envie de vous réinvestir, alors prendre le temps d’améliorer vos qualités athlétiques et mécaniques devrait vous être profitable.
Vous pourrez ré-encaisser plus vite vos entraînements de course à pied et donc logiquement redevenir compétitifs plus rapidement et voir même à terme battre vos précédents records.
Si vous avez reconnu l’un ou plusieurs de vos points faibles dans la précédente description et que vous ne travaillez toujours pas dans cette direction alors cela signifierait l’acceptation de ne pas vous donner les moyens d’atteindre vos objectifs.
Prendre le temps de travailler ces axes devrait vous permettre de progresser chronométriquement sans engendrer plus de fatigue sur la charge énergétique habituelle, bien au contraire et même diminuer le risque de vous blesser en course à pied. D’autre part, cela permet d’amener un peu de nouveauté à vos contenus et casser la monotonie de vos semaines de préparation.
Les conseils de l’expert
Comment planifier ces séances ? Déjà si vous êtes néophyte ou si vous présentez un déficit sur ces aspects, le simple fait de s’y engager vous fera progresser.
Accepter de partir sur des choses simples et faisables pour un débutant ou quelqu’un reprenant l’activité avec peu de volume total de séance mais une bonne exécution en priorité pour au final augmenter le volume et la difficulté au fil des semaines par la validation technique des contenus et de la charge.
Pour la charge c’est la méthode essais-erreurs. Il faudra que les exercices engendrent des traces le lendemain ou au plus sûrement le surlendemain, ce qui sera signe d’un travail musculaire ayant engendré du stress. Mais cela ne doit pas impacter votre programme de course, donc un jour ou deux de courbatures, pas plus.
Il sera normal à la reprise que cela puisse être un peu plus long pour récupérer mais cela devra assez vite s’estomper une fois passé 3-4 semaines d’implication, dans le cas contraire c’est que vous y aller certainement trop fort.
Pour des sportifs non élite, il est maintenant clair que des effets seront visibles à partir d’une séance par semaine mais aussi qu’ils le seront encore plus à deux séances par semaine.
Mais, si vous réalisez des séances complètement dédiées à cet entraînement spécifique cela devra se faire au détriment d’une séance de course. Si vous considérez en avoir vraiment besoin il faudra prendre cette décision forte. Tout est une question de choix et c’est bien là le rôle d’un entraîneur.
Vous pouvez aussi envisager travailler ces aspects de façon moins aigue et de les introduire en routine avant ou après vos entraînements de course.
Le stress spécifique sera moins fort, mais à choisir entre ne rien faire et un peu chaque jour, il vaudra évidemment mieux prendre la seconde option. Cette programmation aura plus de sens pour le travail de pied, de proprioception et de gammes athlétiques qui demanderont plus de répétitions pour amener des gains.
Enfin, par rapport aux dernières études citées en début d’article, voici ce que nous pouvons retenir. Il semble possible de couper ce travail en pleine saison lorsque l’on souhaite mettre l’accent sur d’autres développements ou faciliter la récupération.
Mais, encore faut-il avoir travaillé en amont ce secteur pendant plusieurs mois. Malgré tout, il a été clairement démontré depuis de nombreuses années que le meilleur moyen de ne pas tout perdre pour repartir de zéro, surtout si ce ne sont pas vos qualités premières, sera de réaliser des piqures de rappels avec des séances de mêmes intensité mais à très faible volume (de 30 à 60% seulement) comme vous pourriez le faire lors de vos phases d’affûtage.
L’entraînement ne doit pas simplement être l’addition de séances au carton, mais un dosage intelligent des différents leviers de développement en fonction de votre profil, du moment de la saison, de vos disponibilités, envies, etc.
Par ailleurs, lors de vos prochaines coupures volontaires (l’été par exemple) ou involontaires (ne parlons plus de confinement mais de blessure), ce type de travail qui peut être réalisé sans matériel et en peu de temps pourra être un bon moyen de réattaquer certes avec un petit manque de cardio (sauf s’il est également entretenu par une activité autre que la course à pied) mais avec tout de suite la capacité à être efficace dans votre activité : COURIR !