Bilan des championnats du monde de natation 2017

Article écrit par Anaël Aubry et Robin Pla

Nos experts Robin Pla et Anaël AUBRY nous livrent une analyse sur les 17èmes championnats du monde de natation qui se sont achevés le 30 juillet 2017. Retour en quelques points clefs, sur des mondiaux qui nous donnent quelques enseignements clefs pour cette nouvelle Olympiade.

Source : KMSP/S.Kempinaire

 

Niveau de performance général 

 

Budapest vs Rio

 

Contrairement à l’idée générale selon laquelle l’année post-olympique serait synonyme de résultats médiocres, ces mondiaux montrent que cette affirmation est de moins en moins réelle, voire battue en brèche ! Ce tableau nous montre que plus d’une épreuve sur 2 (performance en jaune) a été nagée plus rapidement qu’à Rio ! Il semble donc que les athlètes de haut niveau s’autorisent de moins en moins de « temps mort » après une préparation olympique. Professionnalisation, meilleure gestion des charges d’entraînement et de la récupération, les raisons sont multiples. Quoi qu’il en soit, nous savons que les performances de pointes sont souvent le fruit d’un travail quotidien et long de plusieurs de nombreuses années de formation et de perfectionnement de nombreux détails. Devant l’augmentation de la densité des courses, il n’y a donc plus la place au temps mort. Chez les garçons, ce constat est encore plus fort (10/14 chronos Rio battus aux mondiaux de Budapest !) et laisse entrevoir un rapprochement vers les records du monde datant de l’époque des combinaisons en polyuréthane. Faisons donc un point sur les records du monde actuels…

 

Source : USA Swimming

 

Records du monde

 

Comme le montre le tableau ci-dessous, la grande majorité des records du monde femmes a surpassé l’époque des combinaisons polyuréthane. Seulement 3 records subsistent de cette époque. Durant les championnats du monde, 5 records du monde sont tombés, dont 3 des 4 épreuves de 100m (dos, brasse et crawl).

Chez les hommes, la tendance est différente, la majorité des records du monde date encore de la période des combinaisons polyuréthane. Toutefois, de nombreux records du monde officieux effectués en tissu sont régulièrement battus. D’ailleurs, dans certaines épreuves (notamment celles de sprint), nous voyons que les temps effectués en tissu viennent se rapprocher des records du monde réalisés en combinaison. Pour les épreuves plus longues l’écart peut rester assez important. Un élément de réponse possible, malgré l’interdiction des combinaisons, les femmes continuent à avoir un maillot comprenant une grande partie du corps (arrêt du maillot au-dessus des genoux), quand les hommes sont en simple shorty.  


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Eclosion jeunes et confirmation des anciens

 

Ces améliorations de performances peuvent sans doute s’expliquer par 2 aspects : l’éclosion de jeunes talents associés ou non au retrait des figures de proue de la natation mondiale. En effet, outre l’arrêt de Michael Phelps ou de Florent Manaudou, la majorité des grands leaders de la natation à Rio ont continué leur carrière et ont performé à Budapest (Peaty, Le Clos, Paltrinieri, Ledecky, Hosszu, Sjostrom, Belmonte, tous champions Olympiques en 2016). Puis, nous avons vu arriver une nouvelle génération de nageurs, avec notamment les américains Dressel (20 ans), Kalisz (23 ans) et les russes Rylov (20 ans) et Chupkov (20 ans). Enfin, notons aussi le retour au plus haut niveau de certains nageurs de retour de suspension, bien que présents à Rio (Yang et Efimova).

 

 

Perspectives Tokyo 2020 

 

Prédiction Temps pour 2020

image2USA Swimming a actualisé ses prédictions de temps pour gagner l’or à Tokyo. Ce type de présentation s’appuie sur des méthodes statistiques prédictives s’appuyant sur l’évolution des chronos de ces dernières années. Par exemple, une épreuve avec un plateau de performance depuis plusieurs années aura proportionnellement moins de marge de progression sur 3 ans qu’une autre voyant une explosion des chronos. Evidemment, le sport de haut niveau est beaucoup plus complexe et difficile à cerner que la météo par exemple. Malgré cela, cette méthode va pouvoir nous informer sur une tendance. De plus, au regard de leurs prédictions pour Rio où les erreurs étaient minimes, il semble que nous pouvons leur faire confiance. Ces perspectives nous montrent que l’ensemble des disciplines de la natation bassin continue de progresser. Contrairement à ce que nous pensions après les mondiaux de Rome en 2009 (arrêt des combinaisons), l’ère des combinaisons intégrales sera rapidement effacée. Avec ces temps, seuls quelques records en combinaison polyuréthane devraient persister. Pour les amateurs de chiffres, quelques performances qui nous en mettraient plein les yeux au pays du soleil levant :

  • Un 100m hommes sous les 47’’
  • Un 100 pap femmes sous les 55’’
  • Un 100m pap messieurs proche des 49’’
  • Le 400m femmes titillant les 3’56
  • Un 100m brasse messieurs sous les 57’’

 

Age champions olympiques, médaillés et finalistes

Source : USA Swimming

Quel sera l’âge des futurs champions olympiques à Tokyo ? Ce tableau nous résume l’âge des champions olympiques à Rio. A quelques exceptions près, nous voyons que la grande majorité des nageurs avaient entre 16 et 22 ans. Les autres étant des stars mondiales de la natation qui ont su durer dans le temps (Phelps, Ervin, Belmonte et Hosszu). Ainsi, selon un schéma similaire, on peut penser que les futurs champions olympiques à Tokyo seront principalement nés entre 1998 et 2004. Ce constat laisse encore beaucoup d’espoirs à la nouvelle génération. En effet, seulement 50% des médaillés à Rio se trouvaient en finale mondiale 3 ans auparavant. Il reste alors encore une moitié de jeunes nageurs à découvrir pour le grand public !

 

Les mêmes qu’à Rio ?

 

En 2016 à Rio, seuls 2 nageurs ont réussi à conserver le titre olympique acquis en 2012, et pas des moindres puisqu’il s’agissait de Michael Phelps sur le 200m 4n et Katie Ledecky sur le 800m nl. Dans toutes les autres épreuves, nous avons vu arriver de nouveaux champions olympiques. La tendance actuelle montre qu’il est désormais de plus en plus difficile de conserver son titre olympique. Toutefois, nous avons observé que peu de nageurs stars se sont retirés après Rio et qu’ils ont encore performé à Budapest. Sauront- ils résister aux assauts des nouveaux talents pendant encore 3 ans ? D’autant que Budapest nous a montré l’émergence de nombreux jeunes talents (18-22 ans) déjà extrêmement performants ! L’avenir nous le dira… Quoi qu’il en soit, que ce soit les « vieux » où les « jeunes » sur la plus haute marche, cela laisse présager une Olympiade très intéressante, mais surtout l’assurance de finales très denses et indécises.

 

Et l’eau libre dans tout ça ?

 

Et oui ! La natation ce n’est pas que du bassin. Nous sommes bien placés pour le savoir, puisque la France termine 4ème au tableau des médailles malgré la fait qu’elle n’engrange que deux médailles dans le bassin Hongrois. Les raisons ? Des équipes de France hors bassin très performantes. Comme à Rio les synchros vont en finale ce qui est une performance de pointe par rapport aux  années précédentes. Leurs résultats montrant une montée en puissance au fil des années. De la même façon le water-polo ne fait que progresser. Les filles se sont qualifiées aux mondiaux, ce qui est nouveau et y ont remporté un match. De bon augure dans l’optique de l’Olympiade. Les garçons qui avaient acquis une qualification historique aux Jeux de Rio, se sont encore distingués avec plusieurs victoires. Pour le plongeon après la rageante 4ème place de Benjamin Auffret sur le plongeoir auriverde, la paire Laura Marino-Matthieu Rosset a conquis l’or mondial, un titre historique pour les plongeurs français qui vient récompenser des performances d’équipe de plus en plus solides et au coude à coude avec des nations, il y a quelques années encore inaccessibles.

Pour l’eau libre, discipline de plus en plus mise en lumière dans les médias français par les performances et le côté  sympathique de ses athlètes c’est une semaine de rêve. Le premier titre mondial acquis par Aurélie Muller en 2015 à Kazan (Russie) sur le 10km a été suivi d’une 3ème place Olympique de son partenaire Marc-Antoine Olivier et bien évidemment de la seconde place de cette même Aurélie, malheureusement déclassée suite à une décision arbitrale difficile à comprendre. Derrière ces deux têtes d’affiches, une politique mise en place depuis 4 ans porte ses fruits de façon de plus en plus forte. Des sélections très élitistes ont emmené 7 nageurs pour…7 courses. Une préparation commune en altitude (Font-Romeu (1750m) pour les nageurs de 25km, Sierra Nevada (Espagne, 2320m) pour les nageurs de 5-10km)  a été effectuée avant leur départ pour le lac Balaton situé à 1h de Budapest.

Première épreuve le 5km messieurs. Les Français après 1km de course ont pris les commandes pour ne plus les quitter. Personne ne pourra passer Marc-Antoine qui va chercher son premier titre mondial à 21 ans. Son jeune partenaire Logan Fontaine (18 ans) verra quelques adversaires lui griller la priorité au sprint mais garde une place de finaliste (8ème) dans une course de grande densité pour sa première chez les grands.

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KMSP/S.Kempinaire

Le lendemain, la marseillaise retentit à nouveau. Aurélie Muller fait main basse sur l’épreuve Olympique du 10km en ayant mené la course dans son intégralité, hormis un bref passage en tête de l’italienne au 7ème km. Elle lâchera ses adversaires au train, la seconde place et tous les accessits se jouant au sprint et à la touche, près de 10 secondes après son arrivée. Sa jeune partenaire d’entraînement, Océane Cassignol (17 ans) a montré une grande compétitivité avec sa présence  dans le groupe de tête, mais une friction avec une autre nageuse à 1 tour de la plaque d’arrivée la fera rétrograder.

Après une journée de repos, place aux hommes. Encore une fois l’équipe de France prend les commandes. Marc-Antoine étant toujours parmi les 3 premiers d’un groupe de tête de 30 éléments. Celui-ci chercha sans arrêt à durcir la course. Mais la fin de course déboucha sur un nouveau sprint où il prit la 3ème place derrière deux nageurs n’ayant pas nagé le 5 km 3 jours plus tôt. Son coéquipier David Aubry va chercher une très belle 6ème place à seulement 2 secondes du vainqueur après 10km de bagarre. En effet les 30 premiers se tiennent en 40 secondes, ce qui montre la densité toujours grandissante de cette distance encore jeune aux Jeux Olympiques. Cela laisse peu de place à l’erreur et demande en plus d’être prêt physiquement, à une très grande maîtrise de la course. Trajectoires, choix d’allures, adversaires à suivre, ravitaillements, coups, il ne suffit donc pas de nager.

Le lendemain, Aurélie prenait à son tour le départ du 5km. Elle faisait le choix de partir très fort et de mener tout du long avec l’objectif de lâcher sa principale adversaire, une américaine très rapide au sprint. Celle-ci a tenu bon et réussi à passer Aurélie au sprint. C’est donc une 4ème médaille, cette fois d’argent.

5ème jour de compétition le relais 4*1250m. 2 femmes et 2 hommes, ordre de départ au choix. Choix français : Océane, Logan, Aurélie et enfin Marc-Antoine. Les nations étrangères faisant des choix hétérogènes. Océane effectua un relais « monstrueux », 11ème, 5’’ devant Rachele Bruni, vice-championne Olympique. Elle s’accrocha un maximum aux garçons d’équipes plus « faibles » puis ne lâcha rien. Ensuite Logan devait remonter un maximum les équipes avec filles-garçons ou garçons-filles pour placer idéalement Aurélie. Passage parfait en 4ème position (derrière des équipes à 2 garçons en 1 et 2) et surtout 17’’ devant les Etats-Unis principal adversaire. Aurélie remonte à la seconde place derrière la Grande-Bretagne partie avec 2 garçons et toujours avec la même avance sur les américains. Marc-Antoine boucla le travail : 1. France, 2. Etats-Unis, 3. Italie !!! La consécration pour cette équipe de 7 guerrier(re)s !! Avec deux juniors de 17 et 18 ans au départ!!

Pour terminer, la distance longue : le 25 km. Avec enfin la consécration mondiale pour Axel Reymond double champion d’Europe. Il imprima son rythme une grande partie de la course pour se retrouver dans une guerre des nerfs à 4 nageurs à 2km du but. Impossible de lâcher ses adversaires… Il fit le choix d’un cap différent à l’approche de la dernière bouée produisant un effort violent. Il se rabattit quelques mètres devant ces concurrents pour réussir à taper la plaque juste devant eux ! Pour les filles après une première moitié de course toujours aux avant-postes, différents éléments les firent rétrograder. Aurélie, encore elle, prit cette course comme un bonus. Sa coéquipière Lara Grangeon, Olympienne en bassin faisait son galop d’essai en eau libre à ce niveau et en a donc engrangé de nombreux enseignements pour la suite.

L’équipe de France récolte donc 6 médailles en 7 courses, dont 4 titres. L’objectif pour la suite sera de construire sur ces acquis afin d’aborder le 10km des JO de Pékin 2020 avec toutes les armes nécessaires pour jouer les titres hommes et femmes.

 

Par Robin PLA et Anaël AUBRY.

Twitter : @RobiinRoad & @AUBRYANAEL        

 

 

1 réaction à cet article

  1. Belle analyse et très complète. A vérifier en 2020

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