Yohan Durand : « C’est la première et peut-être la dernière fois que l’on fera un marathon aussi difficile. »

Le parcours du marathon des Jeux olympiques de Paris 2024 a été officiellement dévoilé ce mercredi à l'Hôtel de Ville de Paris.
Un tracé très technique, atypique et historique qui consistera en un aller-retour exigeant et complexe à gérer entre Paris et le château de Versailles avec notamment le Pavé des Gardes et sa pente redoutable.
Le Français Yohan Durand notamment 15ème du marathon de Paris 2021 en 2h09'21 nous livre ses impressions. Entretien.

Lepape-info : Yohan, le parcours du marathon Paris 2024 est vraiment atypique

Yohan Durand : Pour la première fois dans un marathon de grand championnat, nous allons avoir un dénivelé de plus de 430 mètres concentré sur presque 17 km avec avant une première partie roulante mais ensuite une partie très compliquée avec quelques murs à passer avec de forts pourcentages en descente ou en montée allant jusqu’à 13,5% avant un retour sur le plat.

D’habitude nous avons à faire à des marathons plats, c’est tout le temps le même style de préparation, là il va falloir travailler différemment. Je pense que des athlètes qui ont des références de fous pourraient ne pas passer sur ce genre de parcours s’ils n’ont pas travaillé un peu de dénivelés.

 

Lepape-info : Quel fut votre premier sentiment lorsque vous avez pris connaissance du parcours  ? 

Y.D : La première fois que je l’ai vu sur le papier, je me suis dit que cela avait l’air de monter pas mal en regardant les dénivelés, les courbes. Quand je suis allé voir le parcours sur le terrain je me suis vraiment rendu compte de la difficulté du tracé, je ne pensais pas qu’en région parisienne tout près de Paris on pouvait avoir de telles côtes ! Cela fait un peu peur mais c’est un marathon de championnat, peu importe le chrono cela peut se gagner en 2h16, 2h18… ce n’est pas grave. Il y a 3 médailles à l’arrivée, le temps est anecdotique. J’ai été surpris en découvrant par le parcours, on n’a jamais vu cela, certains vont aimer, d’autres non, cela va être assez clivant. Moi j’aime bien, cela change des marathons plus simples parfois même sur des boucles à répéter. L’avantage que nous avons en tant que Français c’est que nous allons pouvoir voir le parcours, le repérer, on va pouvoir s’entraîner dessus, c’est une plus-value par rapport aux autres athlètes.

 

Yohan Durand : « Il va falloir se préparer à pouvoir encaisser les côtes, les descentes, les relances et ensuite il va falloir le subir le jour de la course. On ne sait pas comment nous allons encaisser cela et il pourrait y avoir des surprises. Il faudra que les entraîneurs soient aussi très intelligents dans la préparation et ne rien laisser au hasard. » 

 

Lepape-info : Vous l’avez déjà testé en courant ? 

Y.D : Non juste vu en voiture pour le moment, je sais que Nicolas Navarro l’a vraiment testé, d’autres ont trottiné dessus mais il faudra le faire. Nous avons cet avantage, nous sommes en France il faut en profiter parce que le parcours est atypique et je ne sais pas comment musculairement l’on peut sortir d’un marathon comme celui-là. On ne se rapproche pas quand même d’une course en montagne ou d’un trail mais d’un point de vue excentrique, de travailler et d’enchaîner les descentes et les côtes pendant plus de 15 km cela va être difficile. On dit souvent que le marathon commence au 30ème kilomètre et c’est à ce moment là qui nous ont mis une belle descente de 2 km à 13% de dénivelé histoire de bien être face au mur du marathon. Je pense que cela sera le moment clé de la course, je pense que celui ou ceux qui sortiront à peu près frais musculairement de la partie très difficile au 32ème kilomètre pourront ambitionner quelque chose.

 

CARTE MAR OLY

TOPO MARATHON JO
Profil du marathon olympique Paris 2024

 

Lepape-info : La descente du 30ème kilomètre pourrait faire très mal…

Y.D : Oui car en course à pied, les descentes sont ce qu’il y a de plus difficile, c’est là que vous travaillez vos muscles de façon excentrique, vous chargez énormément musculairement en étant sur « les freins » tout en étant capable ensuite de relancer sur du plat, dans les descentes vous ne relâchez pas comme en cyclisme. Si vous êtes crispé en descente vous pouvez attraper des points de côté, si vous êtes tendu vous vous chargez musculairement, c’est compliqué de vous ravitaillez parce que vous allez très vite, la vraie difficulté sera de bien travailler ces fameuses descentes.

 

Lepape-info : La préparation aussi sera atypique 

Y.D : En 2023 nous allons devoir nous entraîner et participer à des marathons sur des parcours très plats pour faire les minima, aller chercher le meilleur chrono possible et être parmi les 3 meilleurs Français. Ensuite nous aurons 8-9 mois pour changer de stratégie, oublier le travail d’allure et peut-être plus se concentrer sur le travail de sensations, de cardio au lieu de courir à 3 minutes au kilomètre sur 42 km. La préparation sera différente, vous ne pourrez pas vous tromper, d’habitude on s’entraîne sur des parcours plats pour toujours avoir la même allure, être le plus régulier possible. C’est comme cela que l’on se prépare pour des marathons classiques où il y a en plus des lièvres qui vous amènent sur un tempo précis, d’une manière générale si tout va bien vous courez à la même allure du début à la fin. Là il va falloir se préparer à pouvoir encaisser les côtes, les descentes, les relances et ensuite il va falloir le subir le jour de la course. On ne sait pas comment nous allons encaisser cela et il pourrait y avoir des surprises. Il faudra que les entraîneurs soient aussi très intelligents dans la préparation et ne rien laisser au hasard.

 

Lepape-info : Eliud Kipchoge habitué aux parcours rapides et qui vise un 3ème titre olympique historique va t-il aimer ? 

Y.D : Bonne question après je ne suis pas spécialement inquiet pour les Kenyans parce que chez eux à Iten c’est assez vallonné et ils ont cette faculté à être bons en cross mais sur un parcours comme celui-là s’il y’en a un qui qui part vite, il va exploser cela va être compliqué. Le vainqueur sera un coureur non pas forcément intelligent mais qui aura bien géré sa préparation et son marathon le jour J. Pour moi les compteurs seront remis à zéro le jour de la course, ce n’est pas parce qu’Eliud Kipchoge a fait 2h01 qu’il sera plus fort sur ce parcours qu’un athlète qui a couru en 2h10. Eliud Kipchoge est habitué à courir sur des parcours plats avec des meneurs d’allure réguliers, là cela va changer, ce sera dur pour tout le monde pour nous comme pour les amateurs lors du Marathon pour Tous. C’est la première et peut-être la dernière fois que l’on fera un marathon aussi difficile. Aller à Versailles pour moi en tant que Français cela a du sens, ça sera dur mais ça sera chouette.

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