Lepape-info : Yann, les championnats de France en salle s’annoncent haletants notamment sur 3000 m
Yann Schrub : Cette année, l’approche est un peu spéciale parce que cela reste des France pour aller chercher la médaille mais aussi c’est aussi une compétition pour se qualifier pour les Championnats d’Europe en salle. C’est assez rare on ne court même plus pour les minima mais pour avoir une place parmi les 3 premiers Français.
Nous sommes 5 (Jimmy Gressier, Djilali Bedrani, Hugo Hay, Louis Gilavert et moi-même) sur 3000 m à avoir déjà fait le niveau de performance requis, j’ai réalisé le 4ème chrono des 5 et il n’y aura que 3 places pour Toruń. Rien n’est acquis même si l’on a fait les minima et bien peut-être que cela ne suffira pas pour être du voyage en Pologne. C’est une chance parce que cela nous oblige à nous surpasser, à donner le maximum à chaque entraînement et cela promet un beau combat ce vendredi même si je pense que Jimmy Gressier va peut-être plutôt choisir le 1500 m.
Lepape-info : L’explication entre vous tous sur 3000 m s’annonce de toute beauté
Y.S : Je vais donner le meilleur de moi-même, si je n’arrive pas à valider ma qualification pour les Europe en salle ce n’est pas grave je sais très bien qu’en face de moi je n’ai pas des inconnus, ils ont pour certains un palmarès conséquent, ils sont tous là pour aller à Toruń aussi. Si je fais une mauvaise course tactique tant pis pour moi, si je perds à la loyale c’est qu’ils auront été plus forts que moi et il faut que je l’accepte. Le niveau est dingue même si avec les nouvelles chaussures les performances sont forcément améliorées. Il y’a 3 ans je gagne les Championnats de France en salle en 8’16 et là je ne sais pas si avec ce chrono vous êtes dans la finale A. Mon coach m’a dit profite, c’est tellement bien cette adrénaline et de se dire sur la ligne de départ qu’il y’a quelque chose à jouer.
Lepape-info : Le 3000 m à Metz où vous avez réalisé les minima est une course référence cette saison pour vous ?
Y.S : Cela fait longtemps que je fais le 3000 m lors du meeting de Metz, cette année c’était d’autant plus important de réussir à faire un chrono car il n’y a pas de cross. Là maintenant potentiellement j’ai réalisé le niveau de performance requis pour les Europe en salle, nous verrons la suite.
Yann Schrub : « Mon rêve ultime c’est d’être aux Jeux Olympiques 2024 à Paris. J’espère que l’émulation au sein de notre génération va nous forcer à nous pousser mutuellement, à nous entraîner plus dur et d’être aux Jeux pour ne pas faire de la figuration. Tokyo pour moi arrive trop vite, je ne me vois pas aller aux Jeux l’été prochain il faut être réaliste. »
Lepape-info : Vous avez un emploi du temps chargé aussi vos études de médecine en plus de votre carrière d’athlète
Y.S : Actuellement je suis en stage aux urgences de l’hôpital de Metz avec des gardes de nuit et tout ce qui a rapport avec mes études de médecine. Je suis en 7ème année à la faculté de médecine Lorraine, il me reste 3 ans si je veux devenir généraliste ou 4 ans pour être médecin du sport comme je l’envisage avec peut-être une coupure en vue des JO 2024 de Paris où je vais sans doute me consacrer pendant 2 ans au sport. Dans mon cursus, j’ai des stages de 6 mois et les urgences c’est un passage obligatoire pour valider ma thèse. Mon stage est très formateur mais très prenant aussi notamment avec la COVID-19.
Lepape-info : Comment arrivez-vous à vous organiser ?
Y.S : J’essaye de m’adapter comme je peux avec ma carrière d’athlète et mes performances sur la piste. Là je m’entraine moins qu’avant, j’arrive à faire quand même 5-6 séances par semaine avec les chronos au rendez-vous donc je ne m’inquiète pas plus que cela, j’intensifierai tout cela d’ici mars-avril pour préparer la saison d’été avec mon tout premier stage en avril. Le but est d’augmenter crescendo le nombre d’entraînements. Pour l’instant je fais plus d’entraînements à la sensation qu’au chrono lorsque je dois composer parfois avec mes gardes de nuit.
Lepape-info : La situation est particulière avec la crise sanitaire que vous vivez aux urgences et la précaution que vous devez avoir en vue des compétitions
Y.S : Je le vis bien parce que je me dis que cela ne va durer qu’un temps. Je sais que mon stage va durer seulement 6 mois, tu serres les dents, tu ne penses pas à autre chose. C’est compliqué quand tu rentres le soir, il fait nuit, il fait froid faire une séance tout seul c’est dur. Je me dis que j’ai la chance de pouvoir participer à des compétitions, que je peux faire des performances de haut-niveau, qu’il y’en a plein qui aimeraient pouvoir s’entraîner après 18h. Vivement les beaux jours et mon stage en avril. Alors c’est sûr que c’est un risque d’être en contact régulièrement avec des personnes atteintes par le virus d’autant qu’avant les compétitions nous devons passer un test, par exemple là je me dis on ne sait jamais je ne suis pas encore sûr de pouvoir faire les Championnats de France. Pareil si je suis qualifié pour les Europe en salle, je ne crierai pas victoire tant que mon test PCR pour la Pologne n’aura pas été négatif.
Lepape-info : D’être aux urgences avec des patients atteints du COVID-19 vous endurcit encore un peu plus ?
Y.S : Je me crée ma petite carapace et c’est vrai que cela m’aide à mieux gérer mes petits coups de mou dans la vie de tous les jours. Quand je vois un patient vraiment mal en point dans son lit, je me dis que je n’ai pas de raison de me plaindre, je vais bien et tout se passe bien dans ma vie.
Lepape-info : Vos années de médecine vous aident dans votre pratique de sportif de haut-niveau ?
Y.S : Oui je suis plus préventif mais si parfois je pense que je devrais faire plus attention et être moins dans l’excès. J’ai encore des progrès à faire pour tout ce qui est du sommeil et de la nutrition. Je sais ce qui est bien et pas bien avant une compétition, la médecine m’aide dans ce sens là mais je ne fais pas forcément plus attention pour autant. Par contre je suis plus à l’écoute de mon corps, quand j’ai une petite douleur. Par exemple j’ai fait récemment 2 séances en salle de suite, j’ai ressenti un point au niveau du dos, j’ai directement fait le lien entre mon trapèze et mes paravertébraux contractés du coté droit et le fait que l’on tourne plus souvent en salle. Il y’a un déséquilibre qui se crée et il faut vite y remédier. J’ai fait une pause avec les séances en salle pendant une semaine. Cela m’évite de forcer et d’aller à la rupture, aux tendinites et blessures musculaires.
Yann Schrub : L’athlétisme reste un loisir pour moi, les 5-6 derniers mois j’ai reçu zéro euro de l’athlétisme. Je n’ai pas d’équipementier par contre mon club, des partenaires locaux au niveau de Sarreguemines m’aident au niveau du matériel, des voyages tout est pris en charge mais je ne touche rien. »
Lepape-info : « Si on veut, on peut » c’est votre devise
Y.S : C’est vrai on m’a souvent dit en parlant de moi « lui l’année prochaine il s’arrête », il y’a encore beaucoup de personnes même maintenant qui ne croient pas en moi pensant qu’avec mes études je ne pourrais pas faire une grande carrière, que j’aurais forcément des limites pour être performant. Je me dis que même si des personnes te mettent des bâtons dans les roues, il faut avoir envie de faire ce dont tu as envie, de croire en toi, de foncer et de ne pas écouter les autres .
Lepape-info : Quel est ton rêve ultime en tant qu’athlète de haut-niveau ?
Y.S : Mon rêve ultime c’est d’être aux Jeux Olympiques 2024 à Paris. J’espère que l’émulation au sein de notre génération va nous forcer à nous pousser mutuellement, à nous entraîner plus dur et d’être aux Jeux pour ne pas faire de la figuration. Tokyo pour moi arrive trop vite, je ne me vois pas aller aux Jeux l’été prochain il faut être réaliste, je sais que les minima olympiques sur 5 000 m ou 10 000 m ne sont pas accessibles pour moi pour l’instant. Je préfère prendre mon temps n’en déplaise aux gens soi-disant bienveillants mais qui finalement ne croient pas en moi. Je vais faire le maximum pour aller aux Jeux.
Lepape-info : Dans quel état d’esprit avancez-vous dans votre carrière ?
Y.S : L’athlétisme reste un loisir pour moi, les 5-6 derniers mois j’ai reçu zéro euro de l’athlétisme. Je n’ai pas d’équipementier par contre mon club, des partenaires locaux au niveau de Sarreguemines m’aident au niveau du matériel, des voyages tout est pris en charge mais je ne touche rien. Cela veut dire que si j’arrête mon rôle d’interne aux urgences je n’ai plus de véritables ressources. Le fait de ne rien recevoir me permet aussi de me dire aussi que je n’ai rien à perdre en allant aux Championnats de France. D’ailleurs dès que je vais dans une école je dis aux jeunes qu’ils peuvent être athlètes de haut-niveau mais qu’il faut penser aux études. C’est la triste réalité même avec mon niveau il faut avoir quelque chose à côté. J’ai plein de copains blessés trop longtemps et qui ont fait des dépressions et j’essaye d’éviter de me retrouver dans cette situation et je dis aux jeunes de penser aux études.