UTMB 2017 : D’Haene, le Maître de l’Ultra

Lorsque vendredi 1er septembre à 18h30 le départ de cette incroyable édition de l’Utmb est donné, on sent déjà que ce sera la bataille du siècle tel ce parterre de favoris encore inégalé fait frétiller la foule très nombreuse. On retiendra quelques prières à 100m de l’Eglise de Chamonix pour les aider à traverser une météo qui ne s’annonce pas vraiment clémente.

Podium à l'arrivée

Mais en cette soirée de début septembre, le soleil est généreux pour offrir aux milliers de spectateurs jonchés sur les premiers kilomètres un spectacle haut en couleurs. François D’Haene se sait en forme et impose d’entrée de jeu une cadence effrénée. Killian Jornet qui filme avec son portable en direct va vite le ranger pour suivre le rythme imposé par la tête de course. Très vite le groupe des grands favoris prend forme. D’Haene, Walmsley, Jornet et Thévenard sont aux avant-postes. L’américain Jim Walmsley est sans doute le coureur le plus rapide du peloton sur les formats courts et il déroule sa foulée incroyable. Mais à St Gervais il attend les autres pour éviter de se battre seul et préfère rester d’abord au contact de ses concurrents suivant sagement les bons conseils prodigués par Christophe Aubonnet, en assistant de luxe. Le Responsable Recherche et Développement Hoka est aussi un érudit des courses au long cours, spécialiste de raids aventures.  Le quatuor de luxe fait alors route ensemble et partage quelques conviviaux échanges. « Cette nuit partagée avec Killian et Jim a été sympathique et cela aura permis de faire mieux connaissance avec Jim » commentera François D’Haene. Mais la bonne ambiance qui semble encore régnée à la Balme ne va durer.  Le jurassien double vainqueur de l’épreuve en 2013 et 2015 n’est pas au mieux et au col du bonhomme (km48) il accuse déjà 9min de retard sur ses partenaires de début de course.

C’est alors un trio de choc qui traverse ce début de nuit plutôt apaisante et les trois mousquetaires pointent encore ensemble au col de la Seigne. Walmsley a vraiment des fourmis dans les jambes et il prend la poudre d’escampette pour faire cavalier seul. En pleine nuit au Mt Favre puis au col Checrouit il compte même 5min d’avance sur le duo D’Haene – Jornet. Au ravitaillement de Courmayeur km78, environ à mi-course, il préfère de nouveau jouer la carte de la sagesse, attendre et repartir avec les autres. Mais grosse surprise c’est alors l’icône du team Salomon Killian Jornet qui présente des signes de faiblesse. Pas au mieux à son tour, il prend alors son temps, laissant ses deux adversaires directs prendre un peu d’avance. On imagine alors un nouveau combat D’Haene/Walmsley se dessiner. Mais c’était sans compter les pièges de la montagne, le froid, le vent, l’altitude, les conditions rendues compliquées avec le mauvais temps qui s’empare du massif alpin.

Au ravitaillement de la Fouly km109,  Jim Walmsley le jeune américain de 27ans qui écume les victoires US depuis 3 ans (JFK50Mile, Lake Sonoma, Tarawera Ultramarathon cette année) n’est pas bien du tout et il prend le temps de s’arrêter pus d’un quart d’heure, contre seulement 2minutes pour D’Haene et Jornet. Il est prêt à jeter l’éponge comme sur la Hard Rock cet été. Mais Aubonnet n’envisage pas cette hypothèse et trouve les mots qui vont bien, ceux qui réveillent l’égo du jeune américain et parvient à le remettre en selle pour finir cette terrible épopée de 167km autour du toit de l’Europe. Devant, depuis la Fouly,  le viticulteur du beaujolais François D’Haene est alors seul maître à bord et ne relâche pas la pression car il sait que tout reste possible. « Sur des longues descentes, des garçons comme Killian et Jim peuvent me reprendre 5min dans une seule portion et on n’est jamais à l’abri d’un coup de moins bien » commentera le kiné de formation.

François d'Haene
François d’Haene

Quelques instants plus tard, le jour s’est levé depuis longtemps et le chouchou des français le grand François D’Haene poursuit du haut de son mètre quatre vingt onze sa longue échappée solitaire, concentré plus que jamais sur un parcours qu’il connait parfaitement et qu’il a encore reconnu cet été avec ses partenaires du team Salomon.  Le regard planté sur chaque nouveau sommet à franchir, les bâtons comme solides amis, il fait vibrer le cœur des spectateurs plus nombreux que jamais sur les pentes du col des Montets. Peu avant le sommet il compte 15min d’avance sur Jornet. A ce moment la foule sait qu’une victoire historique lui tend les bras sauf coup du sort, et l’encourage à foncer tête baissée. Poussé par son assistance, par ses fans, il passe avec 16min d’avance à la Flégère. Mais derrière Jornet ne lâche rien non plus, puisant au plus profond de lui. Mais dans un coin de sa tête, il sait que cette fois il ne franchira pas la ligne à Cham en vainqueur. Et c’est ainsi que D’Haene écrit l’histoire resplendissant de bonheur et de grandeur lorsqu’il passe la ligne après 19h01’ de course.

Cet Utmb il l’avait préparé plus que tout et il avait opté peut être malgré lui pour une option fraicheur. Forfait au Lavaredo pour cause de blessure, il s’est rassuré avec une victoire au Verbier, puis enchaine avec un bon bloc début août de 3 semaines sur cette terre de prédilection. Il avait ainsi toutes les cartes en main pour réaliser cet exploit, et ce fut fait.

Toujours humble dans ses commentaires il avoue tout de même que « ce ne fut pas une course facile mais ça reste fabuleux. J’ai apprécié partagé l’aventure avec Jim et Killian mais au petit matin la fatigue était là et il fallait bien rentrer. C’est devenu plus compliqué. Aujourd’hui on m’applaudit en vainqueur mais il y a encore beaucoup de monde qui court et j’espère qu’eux aussi auront la chance d’arriver et d’être acclamé de la même manière. En 2014 il y a avait du monde mais aujourd’hui et malgré les conditions météo c’était énorme, il y avait du monde partout. Les gens nous ont poussés et quelle arrivée,  c’est de la folie ! J’espère qu’on vous a fait plaisir car on s’en est donné la peine. »

Quant à Killian Jornet, le monstre de l’ultra-trail, du ski alpinisme et de l’alpinisme tout court, il vient se consoler avec cette 2ème place, une position qu’il semble avoir du mal à digérer même si retrouvant son équipier de team devant la horde de photographes, il tient de sa main droite celle de François et avec son index gauche il pointe le nouveau Géant du Mt Blanc, celui que la foule doit désormais acclamer et tenir comme son champion. Jornet reste un phénomène en son genre car même dans le dur, il sait trouver les ressources pour rester au contact, ne rien lâcher et tenir son rang. Mais avec un enchainement de victoires en juillet (80km du Mt Blanc, Hard Rock – dans des conditions compliquées- et Zierre Zinal n’a-t-il pas décalé malgré lui le pic de forme qu’il espérait encore conserver ce samedi 2 septembre ? Compétiteur dans l’âme, il salue la grandeur de son ami avec lequel il envisage déjà la belle pour l’an prochain. « François, que fais-tu l’an prochain ? Nous sommes à 3 victoires chacun alors qu’en penses-tu ? Mais François préfère ne pas relever le défi pour le moment et lui rétorque avec humour et courtoisie « j’attendrai de revenir comme toi dans 4 ou 5 ans. Mais Jornet ne lâche pas. « On va récupérer et on fera une petite course lundi.»

Pour compléter le podium l’américain Tim Tollefson du team Hoka sort une très belle course bien gérée et sera récompensé de  ses efforts avec cette 3ème place obtenue en 19h53’. Malade depuis quelques jours, Xavier Thevenard s’est lui aussi battu comme un rustre sur la fin de parcours et parvient à reprendre Jim Walmlsey pour terminer 4ème. L’américain est quant à lui revenu de l’enfer car pointé 7ème après sa baisse de régime il retrouve sa foulée supersonique et termine en boulet de canon pour compléter ce magnifique quatuor. S’il franchit la ligne à bout de force, il trouve réconfort assis du côté des journalistes et il aura droit à son verre de vin rouge et son morceau de fromage offert par Aubonnet, le plaisir dont il rêvait tant s’il parvenait à franchir la ligne.

François et Kilian à l'arrivée
François et Kilian à l’arrivée

 

Chez les féminines, l’espagnole Nuria Picas à très vite pris les commandes, libéré de toute pression. Elle est suivie de peu par les deux françaises Emilie Lecomte et la favorite Caroline Chaverot. Mais c’est une journée noire pour les françaises car Emile terminera sa course à Courmayeur alors que pas mieux Caroline Chaverot la grande favorite devra elle aussi se faire une raison et « pas au mieux » s’arrête au ravitaillement d’Arnuva. Avec deux prétendantes au titre en moins, Picas compte alors une belle avance et la seule qui peut encore venir contrecarrer ses projets de victoire reste la suissesse Andrea Husser. Pourtant bien partie, l’ancienne athlète, vététiste et triathlète qui compte entre autres bon nombre de podiums de 2006 à 2013 en triathlon notamment à l’Inferno Triathlon, comptait près de 45min de retard à Courmayeur sur l’espagnole. Mais après s’être refait une santé elle ne fera que grappiller son retard.  Et sur la ligne si la victoire finale revient bien à l’athlète catalane qui fêtera ses 41 ans le 2 novembre prochain, l’écart avec sa dauphine est minime. Si heureuse de remporter pour la première fois le graal de l’ultra trail elle ne prend même pas le temps de venir jusqu’à la ligne d’arrivée préférant saluer ses proches et les supporters encore nombreux en cette fraîche soirée. Il faudra presque la pousser sous l’arche pour enregistrer son chrono officiel de 25h46’43. C’est ainsi que la Suissesse d’une année son ainée rentre à la seconde position pins de 3min derrière. S’ensuit une explosion de joies et de congratulations entre les deux femmes.

En 26h39 Christelle Bard crée la surprise du jour pour compléter ce podium inattendu. Néophyte sur ce type de format aussi long, la briançonnaise  compte déjà à son actif une 3ème place sur la TDS 2016. Peut être la reverrons-nous sur d’autres ultras à l’avenir ?

 


 

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