Jeff Lastennet
Jeff Lastennet juste avant l'ironman d'Hawaï.

On peut résumer le parcours de Jeff Lastennet lors de la dernière décennie en deux dates. Entre le 21 août 2009 et le 13 octobre 2018, soit un peu plus de neuf ans, le spécialiste du double tour de piste est passé d’une demi-finale mondiale sur 800 m à Berlin à une place dans le Top 100 des Championnats du monde d’Ironman d’Hawaï.

Demi-finaliste mondial sur 800 m en 2009

Soit un grand écart peu vu à ce niveau mais qui tient au départ à une blessure tenace au genou. « J’ai arrêté l’athlétisme en 2012 sur blessure, explique-t-il. Pendant deux ans, on ne savait pas ce que j’avais puis un médecin a finalement trouvé. J’avais un syndrome de l’essuie-glace qui avait dégénéré. Je me suis fait opérer en 2014 car j’avais comme une grosse clémentine sous le genou. »

C’est d’ailleurs sur son lit d’hôpital que l’ex-international prend rendez-vous avec Hawaï. « J’étais las de l’athlétisme. En 2012, j’avais tout fait pour aller aux JO de Londres (record à 1’45″56, 12e performeur français de tous les temps) mais je me suis blessé à un mois de l’échéance. A partir de ce moment-là, je n’existais plus. Personne ne pouvait me soigner, personne ne prenait de mes nouvelles. J’en ai eu marre et j’ai lancé à ma femme que je ferai un jour Hawaï ! »

Plus professionnel qu’avant

Des paroles suivies d’actes puisqu’à partir du moment où il a pu recourir (2015), le Français s’est muté en triathlète, mettant notamment ses premiers pieds dans l’eau. « Lors du premier entrainement en natation, j’ai failli me noyer, plaisante-t-il. C’est vraiment hyper ingrat comme sport. » Pour le reste, il a pu se reposer sur le savoir-faire de ses potes cyclistes et triathlètes. « J’ai été bien aiguillé. Je m’y suis collé comme un taré. J’ai été beaucoup plus professionnel que lorsque j’étais pro en athlétisme. Parce que là, en plus de mes 20 heures d’entrainements par semaine, je bosse 35 h (il est kinésithérapeute). »

L’année dernière, il boucle son premier ironman en 9h12 (du côté de Vichy), obtenant son sésame pour la référence du triathlon longue distance avant de terminer ce dimanche l’épreuve hawaïenne en 8h58’01 (58’03, 4h46’17, 3h07’07), objectif rempli ! « J’ai eu de la chance en natation car personne ne m’a touché et j’ai eu l’impression de nager en piscine. Par contre, à vélo, j’ai été dégoutté par le drafting. Mais heureusement, j’ai eu un problème mécanique et j’ai pu repartir entre deux groupes, pour rouler seul. Sur la course à pied, j’ai tout de suite senti que j’avais de bonnes jambes et que ç’allait le faire. »

A la découverte du 3 000 m steeple

De quoi valider un cycle et de revenir à son premier amour. « Cette année, je me suis beaucoup donné notamment sur la natation pour faire moins d’une heure lors de l’ironman (sur 3,8 km). Mais même si je faisais 8h30 un jour à l’ironman, ça ne va pas changer ma vie. J’ai l’impression d’avoir fait le tour. Surtout que je me suis refait un physique assez solide. Je préfère me lancer dans d’autres choses et je vais essayer de revenir sur la piste. »

Spécialiste du 800 m, Jeff Lastennet a surtout envie de goûter au 3 000 m steeple, même si l’appel de la vitesse est toujours présent. « A Bordeaux, je m’entraine avec Paul Renaudie (international sur 800 m monté aujourd’hui sur 1 500 m) et j’ai déjà fait quelques séances avec lui. J’ai vu que j’en avais encore sous le semelle. Par exemple, lors de l’une de mes dernières séances avant Hawaï, j’ai fait 3h30 de vélo enchainé avec 6×1000 m. J’ai commencé en 3’20 et j’ai fini en 2’44. Donc je pense qu’il y a quelque chose à faire ! »

Tout en gardant à l’esprit que le principal est de prendre du plaisir et de surtout se faire mal aux pattes, la devise du Forain Rider Crew, groupe d’entrainement auquel appartient Lastennet sur Bordeaux. « On ne se prend pas la tête mais on s’éclate les jambes, sourit-il. C’est une notion que j’avais rarement vu dans un groupe. Si on n’est pas à 110 % à l’entrainement, ce n’est pas la peine d’y aller. »

Membre du Forain Rider Crew

D’ailleurs, le Français aimerait aller jusqu’aux Championnats de France Elite 2019 d’athlétisme, histoire de boucler la boucle. « Ca serait vraiment cool de me qualifier pour revoir les gens que j’ai fréquentés toutes ces années. Ca va être compliqué mais je suis déjà pressé de faire des footings avec des barrières et des séances de 250 m en pointes ! »

Le virus athlétique semble l’avoir déjà bien repiqué, mais on ne l’y reprendra pas. « Sur mes dernières années d’athlétisme, je jouais quelque chose d’important. J’étais toujours à la limite de la blessure. J’ai vu la bêtise qu’était de ne faire que courir. Mais en faisant du triathlon, j’ai découvert qu’on pouvait facilement remplacer des footings par de la natation ou des fartleks par de l’intermittent sur home-trainer. »

Une expérience qui fait de lui, à plus de 30 ans, un nouvel athlète. « Me relancer dans un nouveau sport, après ma blessure, c’est ce qui m’est arrivé de mieux. J’ai vu qu’en faisant les efforts, ça fonctionnait. J’encourage les jeunes à le faire même si on se croit toujours invincible. Si j’avais l’expérience d’aujourd’hui avec mes jambes d’avant, ça serait pas mal (rires).« 

Mais même avec ses jambes actuelles, ça devrait déjà être pas mal, entre une saison de duathlon au Stade français Triathlon et la piste avec le Bordeaux Athlé, le forain rider Jeff Lastennet est parti pour un nouveau tour de manège.

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