Charles-Antoine Kouakou à l'entraînement

Tokyo 2020 : Charles-Antoine Kouakou en quête de médaille paralympique sur 400 m

Lepape-info : Vincent, comment en êtes vous arrivé à entraîner Charles-Antoine Kouakou ?  

Vincent Clarico : En tant qu’entraîneur sur le club d’Antony (Hauts-de-Seine), nous avons une section de sport adapté où j’entraînais Rodrigue Massianga un athlète que j’ai accompagné quasiment jusqu’aux Jeux 2016 de Rio. La Fédération française du sport adapté m’a sollicité en m’expliquant qu’elle avait un jeune athlète à me confier. On m’a présenté Charles-Antoine et j’ai découvert un jeune athlète du club Abdo 93 qui travaillait dans l’ESAT du Bourget (Seine-Saint-Denis).

J’ai commencé à l’intégrer à raison d’une séance par semaine. Au bout de notre premier semestre de collaboration il a souhaité définitivement venir dans notre club et rejoindre le groupe que j’entraînais. Nous bouclons notre deuxième année et demie d’entraînement.

 

Lepape-info : Beaucoup d’excitation avant votre entrée en lice Charles-Antoine ? 

Charles-Antoine Kouakou : Je me sens bien et je vise clairement une médaille à ces Jeux sur 400 m en catégorie T20. Mon record du monde en salle sur 200 m (21″86) l’hiver dernier lors des Championnats d’Europe a lancé ma saison. Après il y’a eu ma médaille d’argent aux Championnats d’europe sur 400 m en juin, mon titre mondial sur 200 m et celui de vice-champion du monde sur 100 m. Je me sens prêt pour mes premiers Jeux.

 

Vincent Clarico : « Charles-Antoine est un garçon extrêmement engagé, très très courageux qui ne rechigne pas au travail, qui ne se plaint jamais, qui est super solide. J’essaye de faire très attention mais il a une condition physique et des caractéristiques naturelles qui font qu’il est particulièrement fort. »

 

Lepape-info : Vincent, il y’a de vrais bons indicateurs dans la saison de Charles-Antoine 

V.C : Oui ils correspondent aux résultats du travail réalisé, Charles-Antoine est un jeune athlète avec cette particularité qu’il n’y a pas de 100 m et 200 m en catégorie T20 aux Jeux. Dans son registre de sprinter, il n’a que le 400 m du coup nous avons intégré des séances de résistance dans sa préparation pour qu’il soit aux Jeux sur 400 m tout en essayant de le ménager, de le préserver, l’objectif étant d’aller chercher la médaille d’or à Paris en 2024. En attendant on espère que Charles-Antoine va tutoyer le TOP Ranking s’il y a une médaille à prendre on ne se gênera pas pour la prendre malgré la concurrence. Actuellement il est 6ème au bilan mondial mais avec la 3ème performance mondiale parmi ceux qui ont couru cette saison, on ne sait pas dans quelles conditions certains para-athlètes ont pu s’entraîner notamment les Sud-Américains. Nous allons découvrir les vrais niveaux de chacun dès les séries.

INSEP

 

Lepape-info : Comment est Charles-Antoine au quotidien ? 

V.C : Charles-Antoine est un garçon extrêmement engagé, très très courageux qui ne rechigne pas au travail, qui ne se plaint jamais, qui est super solide. J’essaye de faire très attention mais il a une condition physique et des caractéristiques naturelles qui font qu’il est particulièrement fort. On souhaite que tout ceci aboutisse sur quelque chose de concret.

 

Vincent Clarico : « Au début c’était un peu compliqué parce qu’il fallait répéter les choses, il avait du mal à mémoriser les situations heureusement il peut compter sur le soutien des autres athlètes du groupe qui sont valides et bienveillants avec lui. Nous avons une chance, Charles-Antoine a très très grande intelligence motrice, dès que je lui transmets une consigne il sait parfaitement l’appliquer. »

 

Lepape-info : Charles-Antoine, vous passez beaucoup de temps à l’entraînement ?  

C-A.K : Oui je m’entraîne quasiment tous les jours, je me repose que le dimanche. J’ai deux séances le jeudi soit 7 entraînements par semaine qui représentent environ 14 à 18 heures hebdomadaires. Je travaille aussi le matin à l’ESAT des Muguets au service des espaces verts, je me lève à 6h du matin pour arriver au travail à 8h. J’y suis jusqu’à 13h ensuite je rentre chez moi je déjeune, je me repose un peu de temps en temps et je vais à l’entraînement.

 

Lepape-info : Comment se passent les séances d’entraînement vu son handicap ? 

V.C : Au début c’était un peu compliqué parce qu’il fallait répéter les choses, il avait du mal à mémoriser les situations heureusement il peut compter sur le soutien des autres athlètes du groupe qui sont valides et bienveillants avec lui. En cas d’incompréhension, Charles-Antoine se rapprochait d’eux qui lui expliquait avec leurs mots la situation. Pour la musculation c’est impressionnant je peux lui envoyer les programmes, il sait les lire et les décrypter, maintenant il arrive à comprendre à quoi correspondent les choses. Au début j’étais obligé de tout détailler point par point quand je ne pouvais pas être présent à certaines séances. Ensuite je me suis fait à l’idée d’être présent à toutes les séances jusqu’à ce qu’il intègre et comprenne les séances avec des photos à l’appui pour qu’il voit d’où il doit partir sur la piste pour certains exercices. Nous avons une chance, Charles-Antoine a très très grande intelligence motrice, dès que je lui transmets une consigne il sait parfaitement l’appliquer.

CEREMONIE OUVERTURE

 

Lepape-info : Vous l’avez vu évoluer de quelle façon cette saison ?  

V.C : Une évolution positive, il est en progrès constants, je sais que c’est un athlète plutôt rapide. On a fait le choix de développer la vitesse pour lui permettre d’accéder à un niveau sous les 48″ sur 400 m. Il était impératif de progresser en vitesse mais on a pris un peu de retard sur la résistance ce qui ne l’empêche pas de réaliser des temps autour de 48″60 mais ce chrono sera juste pour aller chercher une médaille. Si on veut espérer mieux il faut se rapprocher des 48″ voire passer en dessous. ll évolue aussi au niveau de sa personnalité c’est à dire son épanouissement, son éveil, sa capacité à pouvoir s’intégrer dans un groupe, sa volonté de pouvoir progresser en écriture, sur les fondamentaux éducatifs de base : le calcul etc… sans oublier sa capacité d’expression. Il écrit très très bien avec un beau graphisme, quand on lui montre des choses à rédiger et à écrire il sait très bien les reproduire maintenant il faudrait développer une forme d’autonomie sociale qui lui permette d’être en capacité de régler les choses de la vie courante sans se faire arnaquer. L’écriture et l’apprentissage lui demandent beaucoup d’efforts et il a fait une pause de quelques semaines pour que cela ne soit pas préjudiciable à sa préparation pour les Jeux. Comme il y met beaucoup de cœur on ne voulait pas qu’il s’investisse trop dans quelque chose qui est lourd pur lui. On a privilégié le sportif et à la rentrée il sera en relation avec une enseignante spécialisée pour les retards dans les écoles primaires qui correspond à son niveau à partir de septembre / octobre. On va le mettre aussi en lien avec une orthophoniste qui visiblement obtient de bons résultats.

 

Lepape-info : Un autre entraîneur Frédéric Drieu est aussi en charge de Charles-Antoine ? 

V.C : En temps normal Frédéric accompagne Charles-Antoine sur les stages nationaux et toutes les compétitions internationales. J’aurais très bien pu ne pas faire le déplacement à Tokyo mais à la demande de ses parents je suis aux Jeux vu que j’entraîne à longueur d’année leur fils. J’étais déjà avec lui aux Championnats d’europe en Pologne avec lui en juin et cela permet d’ajuster certains détails en direct, d’être plus réactif et de voir l’évolution de son comportement. Quand je ne suis pas là, Frédéric suit le programme que je lui donne, en étant avec lui je peux m’adapter plus finement. Vu les enjeux importants on a décidé que c’était moi qui accompagnait Charles-Antoine à Tokyo.