Quels sports avez-vous pratiqués et pratiquez-vous en dehors du trail ?
Thomas Lorblanchet : J’ai toujours été très sportif. Mes deux parents sont professeurs d’EPS et nous ont inculqué très tôt, à ma sœur et moi, les valeurs véhiculées par une pratique sportive. J’ai commencé par la natation puis la suite la course à pied avec le cross notamment. Au lycée, j’ai intégré un sport études athlétisme. Parallèlement, je pratiquais le triathlon. J’ai d’ailleurs été en équipe de France junior et espoir. Actuellement je fais du vélo de route et du ski de fond autour de chez moi quand les conditions le permettent.
Comment êtes-vous arrivé au trail ?
TL. : Le trail correspondait mieux à ma vision de l’effort physique et était beaucoup plus compatible avec ma profession. J’aime le fait que le trail se pratique en pleine nature avec cette composante de défi personnel face aux éléments. Mon premier trail a été la Sancy-Puy de Dôme en 2001, à deux pas de la maison. J’adore pouvoir découvrir de nouveaux paysages à l’entraînement ou en compétition. Mais si je mets un dossard, j’ai du mal à ne me focaliser uniquement sur l’aspect découverte et touristique !
Quelles sont vos préférences en termes de distances et de terrains ?
TL. : Ma préférence va vers les épreuves d’au minimum 50 km et en terrain typé plutôt montagne. J’affectionne les longues distances et je trouve dans les terrains montagneux tous les éléments qui m’ont fait venir au trail running, à savoir l’aspect technique des sentiers et le fait de gravir des montagnes. Pour l’heure ma distance de prédilection est le 50 miles, mais je fais et ferai tout ce qui est mon possible pour devenir un 100 miler. Mes sentiers préférés sont ceux qui alternent des portions avec des passages en single, secs, rocailleux, puis des passages plus roulants.
Vos points forts et faibles ?
TL. : Bonne question… Je dirais que je suis quelqu’un de volontaire, un peu trop parfois, organisé et généreux. J’ai un peu tendance à m’investir dans beaucoup et peut-être trop de projets, ce qui me joue des tours…mais je me soigne !
Quel est le plus beau chemin sur lequel vous avez eu l’occasion de courir, vos grandes joies et déceptions ?
TL. : Le plus beau chemin se situe en balcon sud à Chamonix ou sur les hauteurs de Veyrier du Lac avec un hélico au-dessus et un UTMBiste à J + 1. Mon meilleur souvenir reste ma première victoire sur la course des Templiers en 2007 et ma plus grande joie est de pouvoir m’épanouir en trail et de continuer à vivre ma passion au sein de ma famille. Grande déception lors de mon abandon à la CCC en 2009 et mes blessures récurrentes en 2011 qui m’ont contraint à de nombreux forfaits. Je gère un échec en fonction du contexte et de mon investissement personnel pour arriver au résultat. Si j’estime être passé à côté, je suis déçu. Je m’efforce tout de même de rebondir en cherchant l’élément positif car on apprend davantage de ses échecs que de ses réussites.
Quel bilan tirez-vous de 2011 ?
TL. : J’avais deux objectifs prioritaires : les championnats du monde IAU en Irlande et l’UTMB. Je ne peux pas être satisfait de cette saison dans la mesure où je n’ai pas pu y participer en raison de gros soucis physiques.
Quel sera votre calendrier 2012 ?
TL. : Mon programme devrait être le suivant : 25 mars : Verticausse, 12 mai : Transvulcania, 19 mai : Zegama, 27 mai : trail du Colorado, 4 juillet : 4 trails, 15 juillet : Ice Trail Tarentaise, 28 juillet : SpeedGoat, 18 août : Leadville 100 miles, 6 octobre : Cavalls Del Vent et 28 octobre : Templiers.
Comment s’organise votre entraînement ?
TL. : Je m’entraîne tous les jours en jonglant avec mes contraintes familiales (marié, deux enfants en bas âge) et professionnelles. Mais cette année, j’ai fini ma maison et je vais avoir plus de temps pour mieux me préparer et pouvoir partir en montagne. Je privilégie en semaine plutôt des sorties type qualitatif et plus volumineuses et montagneuses le week-end. Rien ne remplace les sorties spécifiques. J’ai appris au cours de ma formation professionnelle que tout système neuro-musculaire se renforce uniquement dans des domaines qu’il a l’habitude de faire fonctionner, en terme de type de sollicitations et mode d’exercice. En d’autres termes pour être bon en montagne, il faut faire des kilomètres en milieu montagneux !
J’aime m’entraîner seul mais aussi pouvoir partager les longues sorties avec des copains. J’échange énormément et depuis l’an passé, je me suis rapproché de personnes plus compétentes que moi dans la planification. De plus cela me permet d’avoir en quelque sorte des gardes fous pour éviter les blessures. Je reste motivé en me fixant des objectifs et en construisant autour de moi un cadre familial qui m’épaule, me soutient et me motive quand il y a des baisses de moral.
Parlez-nous de votre diététique…
TL. : Même si cela reste une des composantes de la réussite, il est illusoire de croire qu’il existe une diététique miracle qui changera un âne en cheval de course ! Je suis un peu adepte du principe de la chrono-nutrition pour ce qui est de mon alimentation hors course. C’est un concept que je trouve intéressant et qui repose sur des bases physiologiques simples et objectivables. En mode course, j’adopte des règles plus ou moins simples à savoir en gros 500 ml d’eau par heure en moyenne et 1g de glucide par heure et par kg. En ultra, je pars en plus avec une « part d’improvisation » et d’envie culinaire.
Quel regard portez-vous sur l’essor du trail et son organisation ?
TL. : L’essor des trails est la suite sportive logique d’une tendance sociale à un retour vers la nature et à une prise de conscience sur l’environnement. Il y a, à l’heure actuelle, beaucoup trop de courses en France. Je pense que l’on va arriver à une auto régulation dans les prochaines années. Malheureusement, il est clair que toutes les petites courses qui survivaient jusque-là disparaîtront et les plus importantes le deviendront encore plus. Je pense que vont se développer les courses avec une identité forte et un petit plus qui les dénote par rapport aux autres : le parcours, ou le plateau de coureurs, l’organisation, ou d’autres critères.
L’organisation du trail doit évoluer. Tous les acteurs du trail y gagneraient en lisibilité et crédibilité par rapport aux autres disciplines. Le trail représente à l’heure actuelle un fort attrait. L’originalité de cette discipline est le fait qu’elle joue sur plusieurs tableaux. Et c’est cette complémentarité qui fait que cette discipline est en plein essor. Il est donc illusoire de croire qu’une fédération quelconque puisse régenter le trail sous prétexte qu’elle a une légitimité dans une des facettes.
Que diriez-vous du trail running en discipline olympique ?
TL. : Je n’aimerais pas du tout. Je viens du triathlon. J’ai vu ce qu’a engendré le fait que cette discipline devienne olympique, en créant une pratique à deux vitesses, en scindant l’élite de la masse et en aseptisant au maximum les épreuves. Je pense que pour devenir discipline olympique, le trail perdrait toute originalité et son essence même.
TL. : Que pensez-vous des primes de courses, de la professionnalisation ?
TL. : A ce jour, une victoire sur une épreuve majeure en trail nécessite des concessions professionnelles et familiales. Il est donc normal et tout à fait compréhensible que les meilleurs puissent s’y retrouver. J’ai la chance de pouvoir aller faire des courses à l’étranger et par conséquent de me rendre compte que les Français ont un réel tabou avec l’argent…
Quels conseils adresseriez-vous à un traileur ?
TL. : De mettre le trail au service de sa vie et non l’inverse, comme j’ai de plus en plus tendance à le voir autour de moi et dans ma pratique professionnelle.
Comment occupez-vous votre temps libre ?
TL. : J’accorde du temps à mes filles, ma famille et à mes amis. Je m’occupe de ma maison et des milliards de petits trucs que je n’ai pas le temps de faire. J’ai aussi une petite tendance à la geek attitude avec un brin « d’Apple addict ». Quand j’ai le temps, j’aime aussi bricoler chez moi. Il m’arrive souvent de courir avec de la musique. Un Ipod, une playlist Radio FG et c’est parti pour quelques heures !
Quels champions admirez-vous ?
TL. : Je n’ai pas de modèle à proprement parler. J’aime m’inspirer de tendances, ou du savoir-faire de certains. Maintenant, il est clair qu’un coureur comme Kilian (Jornet) peut être pour moi une grande source d’inspiration dans le domaine du trail. Mais je l’admire surtout dans sa polyvalence, sa capacité à gérer la pression et dans son approche hyper pro de la discipline.
Tous sports confondus, Roger Federer m’impressionne. C’est la classe ! Je l’aime beaucoup dans son approche mentale. Pour lui le tennis est un terrain de recherche permanent, et c’est pour ça qu’il est au sommet depuis si longtemps. Les années passent et il reste le meilleur, c’est pour moi la marque des grands.
Enfin, si vous étiez une montagne et un chemin… ?
TL. : Je serais la butte de mon jardin et la dernière ligne droite d’une course aboutie avec mes filles de chaque côté.
Thomas Lorblanchet
Né le 26 mai 1980 à Clermont-Ferrand
Membre du Team Salomon
1,79 m – 67 kg
FCB / FCM : 40 / 187
VO2 max : 73
Palmarès
2011
2ème des Templiers
2ème au Trail du Ventoux
2010
1er du Trail des Templiers
1er du Trail des Citadelles
1er du Trans Aubrac
1er de l’Oxygène Challenge
1er sur l’Aravis Trail
1er de l’Ultra Trail Sancy
2009
Champion du monde de trail
2e du Swiss Alpine Marathon
1er de L’Ardéchois