« Je voudrais voir celui qui a tracé le parcours! » C’est ainsi que Thomas Castaignède reprend ses esprits alors que l’animateur lui tend le micro afin de recueillir ses premières impressions. Il vient de boucler son premier trail sur la 6000D de La plagne, la course des géants, en 11h35mn11s.
On se demande alors ce qui a bien pu se passer dans la tête de l’homme aux 54 sélections en Equipe de France de rugby (de 1995 à 2007). La réponse est simple, c’est un ami de longue date de Jean-Marc Ganzer, l’organisateur de la 6000D « Je le connais depuis 25 ans, j’étais à son mariage, je connais ses enfants et on est toujours resté en contact. » Ce que l’on sait moins, c’est que le joueur professionnel de rugby de 1993 à 2007 n’a jamais cessé de faire du sport et chaussé des runnings depuis qu’il a arrêté sa carrière. « Et pourtant comme tous les rugbymen, je détestais courir. »
Mais voilà, les crampons rangés aux vestiaires, il faut trouver une activité pour « se vider le corps et l’esprit« . La course à pied s’impose avec déjà trois marathons à la clé (Berlin, Nice Cannes et Paris) et un meilleur chrono à 3h59 (4h04mn36s à Paris en 2013). Il y a eu aussi un half Iron Man en triathlon et depuis peu le cyclisme. Mais comment est-il arrivé là, ce samedi matin à 6h à Aime ? Par le marathon de Paris 2013.
Alors qu’il vient récupérer son dossard au running expo, il se rend sur le stand de la 6000D. Là, un défi lui est lancé par son ami : « 60O0D, pas cap ! » Réponse : « Si je suis cap ! »
Sur la ligne d’arrivée au terme de 63 km et 4000 m de D+, Thomas Castaignède a du mal a caché son émotion et sa fatigue. Il est allé au bout de lui-même. « Et en plus, je ne me suis pas entraîné ! Toute ma famille me disait tu es fou, Jean Marc m’appelait pour savoir si je m’entraînais…. Mais je n’ai rien fait. Je suis venu avec un seul objectif terminer dans les temps. Et je peux vous dire une chose : à côté, jouer au rugby, c’est rien ! C’est facile ! Je n’ai jamais fait un truc aussi dur. »
Les jambes raides, il se dirige à l’ombre, s’assoit et signe des autographes. « Ce peloton est incroyable, il y a de l’entraide, une vraie solidarité et puis tous ces bénévoles… ». Et il continue de raconter..
« Depuis deux jours, je suis sous pression. Deux nuits sans dormir. C’est toujours comme cela, je me mets la pression, l’adrénaline de la compétition de haut niveau, ça manque alors je dois la recréer je suppose. Je ne devrais pas mais c’est comme cela. Ce matin, je me suis dit étape par étape. Premier objectif la piste de bobsleigh, ensuite le glacier et puis là, et bien tu es venu jusque là autant redescendre ! Mais je n’ai pas oublié l’Arpette, je savais que ce serait dur, le dernier coup de rein. En course, je me demandais aussi si Kilian Jornet courrerait sur ce genre de portion, il court partout ? »
Thomas Castagnède revient alors sur les montées dans les rochers, la neige, les encouragements des spectateurs et des coureurs. « Je suis allé au bout de moi-même, je n’avais qu’une idée TERMINER. Ce genre de course, c’est l’école de l’humilité. Le premier mérite les honneurs mais tous et toutes jusqu’au dernier, car vraiment c’est un truc de fou ! »
« Et je peux vous le dire, si je reviens, je me préparerais, c’est certain. En attendant, je vais faire des distances plus courtes, car pour un premier trail, je pense que c’était un peu…. trop. Mais je retiens aussi que c’est beau et mieux que le bitume où on passe son temps à regarder ses chaussures et sa montre même si, je dois l’avouer, je l’ai fait un peu aussi aujourd’hui….surtout sur la piste cyclable à la fin. «
Et de conclure en regardant Jean-Marc Ganzer : « Je voudrais aussi faire deux réclamations : la première mon GPS dit 64 km…. la deuxième le chauffage était un peu fort. » La réponse, tu n’avais qu’à pas mettre ton GPS et j’avais pas prévu la clim ! »