Lepape-info : Comment vous sentez-vous après être venu à bout de votre défi ?
Sylvain Bazin : Je suis content, j’ai terminé dans les temps prévus, j’ai tenu la cadence jusqu’au bout. Tous les ingrédients que je recherchais ont été réunis : le voyage, la découverte, le voyage intérieur et le challenge physique. J’ai perdu 6 ou 7 kilos, je suis bien sec ! Je suis un peu enrhumé, je pense que mon corps baisse un peu la garde. Il faut dire que j’ai connu de bonnes variations de températures pendant 40 jours. J’ai eu de la pluie et du vent au départ, ensuite très chaud notamment dans le Gers. En Espagne, le temps était variable j’ai eu 2 ou 3 jours très chauds (30 degrés) aussi autour de Burgos.
Lepape-info : Comment avez-vous géré cette amplitude thermique et ces changements de météo ?
S.B. : Je suis relativement habitué. Mais ça se confirme : je supporte beaucoup mieux le frais que le chaud. Entre 20 et 25 degrés, j’ai très peu besoin de boire pendant l’effort. Dès que la température dépasse 25 degrés, je me sens moins bien. Mes besoins hydriques sont bien plus importants et je transpire beaucoup plus. Je suis moins efficace. Le problème de la chaleur, c’est que, hormis le fait de s’hydrater et de s’arroser, on ne peut pas faire grand-chose. Alors que contre le froid, l’équipement fait que l’on peut s’en protéger relativement efficacement.
Lepape-info : Vous ne semblez pas avoir rencontré de soucis physiques…
S.B. : Non, juste des ampoules aux talons, surtout au début du voyage. Après je me suis bien adapté. J’ai eu un tout petit peu mal aux genoux également. Et aux épaules sur les derniers jours, car la fatigue commençait à venir. Mais ce n’était que de la fatigue, et donc normal.
C’est instructif pour moi, même si je suis habitué aux efforts longs et répétés. C’est intéressant pour le calibrage des étapes suivantes de mon Terdav Trail World Tour. Je pense être capable d’enchaîner 50 jours comme ceux-là, au-delà je rencontrerais certainement des soucis de fatigue. Cela reste un défi non négligeable et exigeant, avec des temps d’effort de 7 à 11 heures.
J’ai réalisé la très grande majorité du parcours en marche rapide, entre 6.5 et 7 kilomètres/heure au début, et plutôt entre 5 et 6 km/h sur les derniers jours. Mais tout cela en gardant un vrai plaisir.
Lepape-info : Avez-vous connu des moments de doute ?
S.B. : De vrais doutes, pas vraiment. Je ne me suis jamais dit que je n’allais pas y arriver. J’ai pensé que ça pouvait devenir difficile si ça tournait dans le mauvais sens. Mais je n’ai pas connu de blessure ou d’état de fatigue trop important.
En revanche, certaines étapes ont été difficiles. Notamment une dans le Gers, qui était longue (environ 73 km) et que j’ai faite sous la chaleur. En Espagne aussi, certaines grandes lignes droites dans les champs ont été dures à passer.
Globalement, les parties française et espagnole du parcours sont très différentes. En France, c’est plutôt très agréable. Avec un bémol dans le Gers où il y a pas mal de route, c’est plus monotone. Les difficultés ne sont pas forcément celles que l’on pense. Le Massif central et les Pyrénées ne sont pas très compliqués. En revanche, certaines zones vallonnées le sont beaucoup plus.
En Espagne, toute la zone de la Rioja, avec des vignes, en bord de routes, n’est pas très jolie. Idem autour de Burgos, avec des passages en zone industrielle. Il faut avoir le moral ! Les 200 derniers kilomètres dans la Messeta sont très pénibles, avec des champs labourés des deux côtés, sans ombre. Pour ceux qui le font en plein été, ce doit être quasi impossible ! Là, il y avait quand même quelques fleurs, c’était la seule distraction !
Lepape-info : La récupération est essentielle dans ce genre de défi, comment se passaient vos nuits ?
S.B. : Je faisais des nuits de 7 heures à 7h30 en moyenne. J’avais un rythme de vie relativement régulier, mais je n’ai pas toujours bien dormi, notamment dans les dortoirs en Espagne. Cela dit, j’ai toujours réussi à récupérer rapidement, même après les étapes difficiles, j’ai rapidement retrouvé mes sensations.
Lepape-info : Quel bilan tirez-vous de l’aventure sur le plan humain ?
S.B. : Ça a été très riche. J’ai rencontré des gens qui avaient toutes sortes de motivations : l’envie de découverte, de faire de la randonnée, de se lancer un défi ou encore de partir dans une démarche de recherche spirituelle. Les motivations religieuses sont minoritaires.
J’ai été bien accueilli en présentant mon projet, sauf une fois ! Une personne qui trouvait que ce n’était pas bien de faire ce que je faisais…
Mais je n’ai que des bons souvenirs, j’ai découvert une grande variété en traversant ces deux pays. Une grande variété de nourriture aussi ! Et sur ce point, c’est beaucoup moins bien en Espagne ! (rires) Dans les auberges espagnoles, on est au degré zéro de la gastronomie ! Même s’il y a quelques spécialités locales sympas. Et ça fait partie du jeu !
Lepape-info : Vous parliez d’un vrai voyage intérieur. Que vous a apporté ce défi ?
S.B. : Pour l’instant, je suis en phase d’atterrissage. Je savoure la joie de l’avoir fait. Et également d’avoir réussi à écrire sur mon blog tous les jours, ce qui faisait partie du défi. Parfois j’écrivais à 23h30, alors que j’étais fatigué.
Physiquement, je n’ai pas été surpris de mes réactions. Je connaissais mes points faibles (la gestion de la chaleur, les talons, etc…). La résistance globale est là.
Je suis aussi content de voir que pas mal de gens m’ont suivi et ont réagi. C’est un bon départ pour continuer mon projet !
Lepape-info : A quoi vont ressembler vos prochaines semaines ?
S.B. : Je vais travailler sur plusieurs articles. Physiquement, je me repose avant de partir au Pérou où je participe à ‘organisation du Cordillera Blanca Trail (200 km en 8 étapes). Je dois ensuite être sur l’Andorra Ultra Trail (5-8 juillet 2012) mais je ne sais pas si je vais courir. Ensuite, je participerai à la TDS fin août. Et je vais surtout me préparer en vue de mon prochain défi, dans l’Himalaya. J’ai prévu de partir le 15 septembre avec au programme 2 000 km sur 40 à 60 jours. Les étapes seront plus courtes, car on ne peut programmer 70 kilomètres avec ce dénivelé. Le temps d’effort, lui, sera globalement le même, mais pas dans les mêmes conditions.
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Plus d’infos sur cette aventure : sylvainbazin.blogspot.fr