S’engager sur une randonnée itinérante, une “grande randonnée” comme on dit là-bas, sur le Sentier International des Appalaches, c’est une véritable aventure, un engagement donc. Il vous faudra en effet compter sur un parcours souvent difficile, par le dénivelé et le terrain, et vous vous retrouverez souvent seul dans une nature certes plutôt “hospitalière” et très végétale, mais tout de même impressionnante.
Ce sentier International des Appalaches traverse sur un axe nord est la Gaspésie, la péninsule qui s’étend au bord du Saint-Laurent, tout à l’est du Québec et de l’amérique du nord. C’est le prolongement du sentier des Appalaches qui s’étend tout au long de la côte est des Etats-Unis, sur 3700 kilomètres. Mais les 650 kilomètres québécois sont loin de ressembler aux chemins américains, très fréquentés. La randonnée n’est en effet pas encore une activité très populaire au Canada, et ce manque de fréquentation, mis à part dans les zones des parcs nationaux, influe grandement sur la difficulté technique du sentier, notamment à cause de la végétation, très vigoureuse sous ce climat humide et qui a vite tendance à recouvrir la trace.
Un début de parcours Into the Wild !
C’est donc une randonnée itinérante très sportive et au goût d’aventure bien marqué que j’ai vécu au Québec. Le sentier est composé de cinq zones, qui ont toute un caractère bien marqué. Le début du parcours, dans la vallée de la Matapédia m’a sans doute le plus surpris: je me suis trouvé tout de suite plongé au cœur de la forêt, sous une couverture de feuillage haute et profonde. Le sentier, très peu emprunté ici, est très pentu, souvent glissant. Je circulais donc avec précautions et mes bâtons m’ont souvent servis de piolet et de points d’appuis.
Au crépuscule, à l’orée d’une clairière, alors que je songe à planter ma tente, je rencontre un ours. Demi-tour, et je passe par les pistes parallèles au sentier un moment pour finalement aller, dans la nuit, jusqu’au premier refuge. De petites cabanes, parfois d’anciennes baraques de trappeurs, permettent ainsi de s’abriter sur cette première partie du sentier. Ma première cabane au Canada est effectivement blottie au fond des bois, mais j’y suis à l’abris.
Le lendemain, je circule à nouveau au couvert de la forêt. Les arbres sont denses, le sol exige souvent de la concentration, entre cailloux et racines, et le dénivelé est très important. Les quelques vues qui se dévoilent aux sommets des collines me montrent une large rivière au centre d’une gorge très profonde et bordée par une forêt qui semble sans fin.
Je passe ainsi trois jours vraiment seul dans les bois avant de retrouver un bout de civilisation. C’est certes court, mais dans notre époque de connexion permanente être ainsi plongé dans ces grands espaces infinis est une expérience marquante, à la fois un peu effrayante, excitante et méditative.
Au coeur du parc national de Gaspésie.
La suite du parcours est tout aussi sauvage, même si le sentier est mieux aménagé. Après la réserve faunique de Matane, je poursuis en effet mon chemin par la traversée du parc national de Gaspésie, qui réunit les plus hauts sommets des montagnes Chics Chocs. Nous sommes toujours au plus profond de la forêt intérieure, mais les cimes sont dégagés et offrent des panoramas immenses. Vers le sud, je ne découvre qu’un océan d’arbres seulement troublé par des montagnes de différentes tailles. Au nord, je peux simplement distinguer un village sur les bords du Saint-Laurent que j’aperçois déjà.
Cependant, les aménagements de ce parc national sont plus développés et si le sentier reste très technique, entre boue, cailloux et racines, j’y trouve de bons refuge pour me mettre à l’abris la nuit. La pluie s’invite sur mon chemin à la veille de mon ascension du Mont Albert, que je découvrirai dans la brume. Ce n’est certes pas très haut mais au Québec on trouve des conditions de montagne, rudes, même à 1000 mètres d’altitude. Le lendemain, après avoir goûté au confort du camping du Mont Albert, où l’on peut retrouver aussi un restaurant, le brouillard m’accompagne aussi vers le Mont Jacques Cartier, le point culminant de la Gaspésie, à 1250 m d’altitude.
Randonnée côtière
C’est un ravissement pour moi que de rejoindre les bords du Saint-Laurent et découvrir les perspectives vers le large- le fleuve à cet endroit mesure plus de 100 kilomètres entre les rives- et de commencer à cheminer d’un village à l’autre le lendemain, en abordant la section « Haute Gaspésie » de ce SIA.
Ce n’est cependant pas tout à fait à un « Saint-Jacques » québécois que je m’attaque alors. Les villages sont en effet séparés par des distances plutôt longues et le ravitaillement n’y est pas toujours garanti. Le sentier circule encore souvent au coeur de l’épaisse forêt. Le sol est certes plus facile à marcher, mais cela demeure assez technique et pentu. Lorsque je marche vraiment au bord du littoral, la grève de cailloux n’est pas facile pour dérouler le pas. Mais le spectacle de la côte et des falaises découpées est vraiment fascinant, d’autant plus que le soleil est revenu et qu’une belle lumière illumine les eaux.
L’apothéose à Forillon.
J’éprouve cependant une certaine lassitude d’être toujours en forêt et sous les arbres. Je m’autorise donc, dans la section « cote de Gaspésie », de quitter parfois le parcours officiel pour longer un peu plus le littoral, sur une route souvent calme. Les villages et leurs maisons en bois ont aussi un certain charme.
Je replonge dans un univers plus sauvage et préservé au dernier jour de ma longue marche, où je traverse le parc national de Forillon. 50 kilomètres de forêts et de collines jusqu’au bout des belles falaises qui aboutissent au Cap Gaspé, le point le plus à l’est du Canada. Les tous derniers kilomètres, au bord de l’eau, sont particulièrement splendides, dans la lumière du soir. Après avoir atteint le phare du Cap, le point final de mon aventure pédestre, je reviens quelques kilomètres en arrière en compagnie de Jacques, bénévole sur le sentier et qui est venu m’attendre à l’arrivée. Là, c’est un véritable cadeau finale que m’offre le Forillon sur les rives du détroit de Gaspé : un ballet de baleines, de dauphins et de phoques bien visibles depuis le chemin! On entend même clairement le souffle des rorquals. Dire que je n’avais jusqu’à présent pas aperçu la moindre queue de baleine!
Je conserverai un souvenir fort de ce Sentier International des Appalaches. La découverte des grands espaces canadiens, l’accueil chaleureux des quelques québécois, bénévoles du sentier et randonneurs, rencontrés sur ce parcours souvent très sauvage mais tout de même contrasté me marquera. Marcher ainsi, sur un parcours encore en développement, est une vraie aventure.
Un développement qui se poursuivra sans doute, avec l’inauguration très prochaine, le 2 octobre, du GRA1 , sur ce même itinéraire, et qui fera du SIA le premier chemin de Grande Randonnée du Québec, reconnu par un partenariat avec la fédération française de randonnée pédestre. J’espère que cela permettra une mise en lumière de ce parcours et que le sentier deviendra plus accessible, pour attirer les québécois et bien d’autres vers cette si belle activité.
Le SIA en bref
Où : En Gaspésie, une péninsule au sud-est du Québec. Jusqu’au cap Gaspé, le point le plus à l’est de l’Amérique du nord.
Longueur: 650 kilomètres, répartis en cinq sections traversant notamment deux parc nationaux.
Point culminant: le Mont Jacques Cartier, à 1255 m d’altitude. On y trouve un climat proche du grand nord.
Quand y randonner: La saison est courte, de fin juin à fin septembre. En septembre, il faudra faire très attention aux chasseurs.
Niveau de difficulté: variable selon les secteurs. De très élevé dans la vallée de Matapédia, à tout de même très sportif dans le parc national de Gaspésie. Les sections Haute Gaspésie et parc national de Forillon sont les plus faciles.
Le matériel : Si vous partez pour une traversée complète, vous devrez emporter un sac conséquent: au moins 50 litres, avec tente et matelas. Deux choses à ne pas oublier: une gourde filtrante de type Kathadyn, l’eau coule presque partout sur le parcours mais vous devez la traiter, et un puissant répulsif anti-moustiques, tant ils sont présents en Gaspésie!
Pour organiser son voyage (autorisations, éventuelles déposes de nourritures, forfaits guidés sur certaines sections): www.sia–iat.com/
Toutes les photos du voyage
4 réactions à cet article
Ghislain Vachon
Petite précision, le Cap Gaspé est le lieu le plus à l’Est de la seule Gaspésie. La partie la plus à l’Est du Québec est la région de Blanc Sablon sur la Basse-Côte Nord aux frontières avec le Labrador. Le territoire le plus à l’Est du Canada est situé dans la province de Terre-Neuve soit St-John ou Bonavista.
Au plaisir
Habitué des Chic-Chocs
Allo, le mont Jacques-Cartier fait 1270 m et non 1250m ou 1255m. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mont_Jacques-Cartier
Thomas Gubler
Bonjour,
Merci pour ce résumé. J’envisage de faire le SIA mais ne dispose que de 15 jours environ. Est ce faisable ? Par ailleurs, comment rejoindre Matapedia (je pars de Paris et envisage un vol jusqu’à Montréal : j’ai repéré un bus qui met 15h….une autre solution ?). Enfin, y’a t il beaucoup d’endroits où de ravitailler sur le SIA ? Quelle est l’autonomie maximum nécessaire en terme de nourriture ? 4 jours ? Plus ? Merci pour vos réponses. Thomas.
Richard
Bonjour Thomas, réponse à tes questions…Il est impossible de faire le 650 km de la SIA en 15 jours, je dirais en 30 jours tout au plus mais cela ne permettrais pas de voir et savourez les paysages incroyables de ce décor unique. Il y a des endroits pour se ravitailler mais ce dépendant de la partie où vous vous trouvez, mais je dirais par bout, de 7 a 10 jours d’autonomie est nécessaire. De Montréal ou de la ville de Québec, il faut en effet compter 1 journée de transport pour ce rendre au point de départ du sentier. Je sais que ses infos vous arrivent un peu tard mais peuvent être utile quand même. Bonne randonnée.