Sébastien Spehler : liberté et détermination

« Je me surprends moi-même ». En ces quelques mots, Sébastien Spehler se résume. A 27 ans, l’Alsacien est à double facette. Déterminé tout en se laissant porter par ses envies. Rencontre avec un jeune homme qui trace tout droit son chemin.

Maxi Race 2014
Sébastien Spehler, sélectionné en Equipe de France et vainqueur de la Maxi-Race 2014

« Si on me dit que demain je ne cours plus, je n’en ferai pas une maladie ». Une affirmation lancée au hasard de la conversation sans trouble ni émotion. Mais ce n’est pas pour autant que Sébastien Spehler restera cloué dans son fauteuil à regarder une télévision qu’il n’a pas. « J’ai besoin de me dépenser, de m’élancer dans la nature. Je ne pourrais pas m’en passer. Ca me soulage, c’est ma respiration, un besoin autant physique que mental. » Lorsqu’il lâche ces mots, Sébastien signifie que la course à pied n’est pas toute sa vie, mais un pan de sa vie. Car l’homme qui aime courir, pédaler, marcher… bougez, veut aussi se construire une vie, un avenir et ne se fermer aucun horizon.

Son amour de la course à pied est réel. Dès l’âge de six ans, il apparaît runnings au pied au club de CSL Neuf-Brisach. Il est alors sous la houlette de Jean Ritzenthaler et y acquiert toutes les bases de l’athlétisme. Quelques années plus tard, lors d’une mutation de son père, il se retrouve dans le sud de la France à la Seyne-sur-Mer et participe à ses premières courses de fond. Quelques années après, son père est muté outre-mer, le jeune homme alors en formation professionnelle décide de ne pas suivre et d’aller vivre chez sa grand-mère. Le voici donc de retour en 2006 en Alsace. Et à 18 ans, tout comme son père, il choisit la voie militaire. « En fait, je ne me suis jamais posé la question de mon orientation professionnelle, j’ai toujours su que je serais militaire. »

Il y entre en tant que maître-chien et découvre le canicross et s’y exprime pleinement. Il sera champion de France, puis d’Europe et du monde. En 2012, l’année suivant son titre mondial, il s’inscrit sur une course de montagne et sur son premier trail. Le potentiel est là, il attire les regards et se retrouve dans un stage du Team Adidas comme sparring-partner. Olivier Gui, Team manager, détecte un talent. Julien Rancon aussi, qui devient son entraîneur. En avril 2012, il intègre le team de la marque aux trois bandes et rafle la mise avec de nombreuses victoires et le titre de champion de France de trail long en 2013 sous les couleurs du CSL Neuf-Brisach…. « Lorsque j’ai su qu’il y avait les premiers championnats de France de trail, j’ai dit à mon entourage que je voulais le titre. Ce n’était pas de la prétention, juste un objectif ». Et surtout l’illustration de sa détermination.

Les victoires s’enchaînent. Dans un coin de son petit appartement qu’il partage avec Anaïs, les coupes sont là, justes au-dessus de son ordinateur où il révise ses cours. Car depuis, Sébastien a quitté l’armée. « Ca ne me convenait pas, j’avais du mal avec les ordres, j’avais besoin de plus de liberté. J’avais signé pour cinq ans, mais j’ai réussi à me faire libérer au bout de trois ans lors des dissolutions de casernes. Ensuite, j’ai travaillé à la Montagne des Singes, un parc animalier situé à proximité de Kintzheim, mais le travail était physique et je n’arrivais pas à m’entraîner correctement. »

Sébastien Spehler Alors depuis septembre 2014, Sébastien Spehler, titulaire d’un BEP de menuiserie aluminium, est redevenu étudiant afin d’obtenir un BPJEPS  (Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport). Et deux jours par semaine, il officie dans une salle de fitness de Sélestat ne manquant pas de tester les machines afin de parfaire sa préparation physique. « Ce n’est pas ce que je préfère, mais il est nécessaire d’en passer par là, surtout à l’intersaison. » Cette année, il a aussi lancé des stages de trail. « J’avais besoin dans le cadre de ma formation de lancer une activité. Avec le patron de la salle de fitness, nous nous sommes mis d’accord à condition que je gère tout. J’ai adoré. Avec Anaïs, nous nous sommes investis pleinement. Ce furent des moments de partage incroyables. J’y ai pris beaucoup de plaisir et découvert que j’avais envie de donner aux gens. Je crois que j’ai trouvé ma voie. »

En attendant, il faut travailler. Le soir, c’est donc révision pour tout le monde puisque sa compagne prépare le concours pour devenir professeure des écoles. Et la vie du jeune couple est bien rodée. Lever vers 6 h/6 h 30 – « si je me lève à 10 h j’ai l’impression d’avoir gâché ma journée » – afin d’aller s’entraîner, cours ou présence à la salle de fitness, retour maison pour un dîner vers 18 h et coucher vers 21 h afin de récupérer et d’être fin prêt pour une nouvelle journée. Le week-end ? Compétition ou entraînement. « On part pour une randonnée, une séance de vélo ou encore course pour moi et vélo pour Anaïs. » Ce qui les rend heureux ? Partir avec le sac à dos pour une grande randonnée d’une journée, avec un repas dans une auberge.

Sébastien SpehlerSi Sébastien aime « la liberté lorsque je m’élance seul dans la montagne. », chaque chose est à sa place tout comme Taïga, sa chienne qui l’accompagne lors de tous ses entraînements, mais ne doit pas envahir son espace, grimper sur le canapé ou s’approcher de la table. Un peu maniaque, « c’est peu dire, heureusement que j’aime l’ordre, » rigole Anaïs, il ne rate jamais un entraînement planifié, mais garde l’esprit ouvert, ne se ferme aucune porte et reste à l’écoute de ses envies et de son corps.

« Aux Mondiaux, il y a deux titres à aller chercher« 

« Tous les ans, lors de la reprise en janvier, j’ai une douleur au genou, elle me canalise. J’aime cette blessure récurrente, car elle se manifeste toujours au même moment comme pour me rappeler que je dois faire attention, ne pas trop en faire, être patient. » Un rappel qui aurait pu, cette année, l’inquiéter un peu plus en raison des championnats du monde qui se dérouleront à Annecy-le-Vieux, le 30 mai 2015. Mais non, d’autant que, contrairement à l’an dernier, le programme de l’Alsacien est allégé lors de ce premier trimestre 2015. « Pour deux raisons : mes cours, car je ne peux me permettre de les rater, et mon entraînement. Avec Julien (Rancon, ndlr) nous avons choisi la même trame que l’an dernier, car elle m’a plutôt bien réussi, mais on l’a structurée un peu plus. Par exemple pas de grosses compétitions, je reste en local afin de prendre des dossards et ne pas arriver fin mai sans repères, mais en restant frais. »

Car pour l’Alsacien, il ne sera pas question de juste bien figurer à Annecy, c’est bel et bien le titre qu’il ira chercher. « Je vais porter le maillot de l’Equipe de France avec fierté et enthousiasme mais je ne viens pas pour participer… si vous voyez ce que je veux dire. Il y a deux titres à aller chercher, celui en individuel et celui en équipe. L’an dernier sur la Maxi-Race (théâtre des championnats du monde), je suis venu pour me tester, car je n’avais jamais fait de course de montagne sur 50 km avec autant de dénivelé. C’était aussi le meilleur moyen de reconnaître le parcours. Ce fut une belle victoire, mais elle n’augure rien pour les championnats du monde. Ce sera une tout autre course. Cela m’a aussi permis de bien mémoriser les difficultés du parcours et de prendre de la confiance. »

Sébastien SpehlerMais la saison ne s’arrêtera pas là et la suite est déjà programmée. A la sortie des Mondiaux, Sébastien Spehler se laissera porter par l’envie d’aller se chercher dans les grands espaces et sur les longues distances. Il sera donc au départ de la CCC « Je veux voir ce que je donne sur 100 km en montagne. J’ai besoin de changer de rythme, de ne pas faire et refaire éternellement les mêmes courses. Sur 50 km je suis bien, à l’aise, je veux voir ce que je donne sur plus long. Et puis, même si j’ai commencé par la route et si, sans mes blessures lorsque j’étais plus jeune, je serais surement un routier aujourd’hui, je n’y suis pas à l’aise. J’aime la nature, la sensation de devoir gérer son corps sans se préoccuper de ses allures au kilomètre. »

Et pour pousser encore plus loin et découvrir encore et encore de nouveaux horizons ou ses propres limites, Sébastien Spehler s’est fixé un autre objectif en 2015: la Diagonale des fous. « Depuis tout petit, j’entends parler du Grand Raid de la Réunion. J’avais un voisin qui le faisait tous les ans. J’ai toujours été fasciné par la façon dont il en parlait. Je ne veux plus me contenter de ses mots, je veux aller voir. »

Afin, encore et toujours, de se surprendre mais aussi surprendre son monde.

Sa carte de visite

Né le 14 avril 1988
Taille 1,69 m
Poids 56 kg
Club CSL Neuf-Brisach
Team Adidas

Son palmarès

  • 2015

Vainqueur du Trail du Petit Ballon
Vainqueur du Trail de la Moselotte

  • 2014

Vainqueur du Trail Tour National (TTN)
Vainqueur des Crêtes Vosgiennes
Vainqueur de la 6000D (manche TTN)
Vainqueur du Trail de Faverges Icebreaker (manche TTN)
Vainqueur de la Maxi Race
Vainqueur du Trail des Forts de Besançon (manche TTN)
Vainqueur du Lyon Urban Trail
Vainqueur du Trail du Ventoux
Vainqueur du Trail Hivernal de la Moselotte
Champion d’Alsace de cross long (Wissembourg)
Champion du Haut-Rhin de cross long (Pfaffenheim)

  • 2013

Champion de France de Trail Long (Gap, Hautes-Alpes)
Vainqueur des Crêtes Vosgiennes (le Markstein, Alsace)
Vainqueur de la 6000 D ex aequo (La Plagne, Savoie)
Vainqueur du Lavaredo Ultra Trail (Cortina d’Ampezzo, Italie)
Vainqueur du Trail de Sancerre (Sancerre, Centre)
Vainqueur de la Grimpée du Hohrodberg (Munster, Alsace)

  • 2012

Vainqueur du Trail du Wurzel (Villé, Alsace)
Vainqueur de la Grimpée du Hohrodberg (Munster, Alsace)
Vainqueur du Circuit des Grands Crus (Rouffach, Alsace)

  • 2011

Champion du Monde de Canicross (Borken, Allemagne)
3ème au Championnat du Monde de canicross par équipe (Borken, Allemagne)
Champion d’Europe de Canicross (Gora sw Anny, Pologne)
Champion d’Europe de canicross par équipe (Gora sw Anny, Pologne)
Champion de France de Canicross (Raddon et Chapendu, Haute Saône)

  •  2010

Champion d’Europe de Canicross (Vielsalm, Belgique)
Vice Champion d’Europe de canicross par équipe (Vielsalm, Belgique)
Champion de France de Canicross (Ferté-Gaucher, Île de France)

  • 2009

Champion d’Europe de Canicross (Sopron, Hongrie)
Champion de France de Canicross (Grendelbruch, Alsace)

Réagissez