Sébastien Chaigneau : Autopsie d’un arrêt prématuré !

« Après avoir passé « une sacrée journée » à la fin du mois d’août (NDRL : troisième place sur l’UTMB 2011 le 28 aout 2011, relire La Crazy Day de Sébastien Chaigneau), je me suis lancé dans une préparation de la Diagonale des fous à La Réunion (162km et 9643m de dénivelé positif), planifiée sept semaines après, du 13 au 16 octobre 2011. Une préparation modifiée en fonctionnant sous forme de blocs (lire : Soyez sous le choc) afin d’être au mieux au départ de « cette diagonale » qui me tient tant à cœur (Lire : A l’assaut de la diagonale des fous).

Pourquoi changer le format de ma préparation ? Tout simplement parce que j’ai déjà tenté l’aventure en 2009 après une belle perf à The North Face Ultra Trail du Mont Blanc (NDLR : deuxième place) et qu’une douleur au tibia très violente m’avait arrêté en plein vol après 83 kilomètres. Il s’est trouvé que cette douleur était une double fracture de fatigue du péroné due à une période de préparation trop longue avant la Diagonale. Cette année, ayant pas trop mal tourné sur l’UTMB, je décide, avec mon entraîneur, de travailler sous ce format de bloc afin de pouvoir avoir une plus longue période de récupération et garder la forme…

Un souffle court dès les premiers kilomètres
Arrivé sur place quelques jours avant la grande messe du trail sur l’île de la Réunion tout se met en place. C’est une nouvelle aventure qui commence. Cette année, je suis logé avec des amis : Pascal blanc, Antoine Guillon et Lionel Trivel qui sont accompagnés de leur petite famille respective.

Durant ces quelques jours ma fin de préparation est tout ce qu’il y a de plus classique : repos, siestes, préparation du matériel, interviews avec les journalistes etc.

Vient le jour J. Le jeudi 13 octobre 2011. Nous prenons la direction de Cap Méchant, après Saint-Philippe, dans le sud de l’île, où le départ sera donné. Après 1h30 de voiture et un peu de bouchons, comme tous les ans, nous voici dans le stade où tout débute ! Nous effectuons les différents contrôles, et approchons petit à petit du moment fatidique… Il y a  toujours une ambiance incroyable ici et je dois reconnaitre que je l’apprécie particulièrement. Nous répondons à de nouvelles interviews pour les différents quotidiens locaux, voici l’heure du départ. Le coup de canon retenti et lâche une marré humaine de plus de 2500 personnes.

Les premiers kilomètres se déroulent sur la route. Immédiatement de petits groupes se forment. Je sens que si les jambes ont bien récupérée, ce n’est pas vraiment le cas de tout mon organisme. Je n’ai pas beaucoup de souffle. Je reste le plus tranquille possible, mais ma tâche est compliquée car sur la route, nous sommes à 16 km/h et toujours sur la relance…

La première partie de course se déroule avec Antoine. Je sens que je transpire bien plus que d’habitude, ce qui me surprend. Sur la route qui monte aux pieds du volcan, je lève le pied. Durant ces 15 premiers kilomètres, je laisse partir le petit groupe devant moi car je sens que je vais payer le fait de transpirer abondamment par la suite.

Je suis inquiet…

Après 1 h 20 de grimpette, j’arrive à Mare Longue où m’attend un premier ravito avec Anne-Marie. Je commence à avoir froid ce qui n’est pas très logique avec les manchettes et autres textiles habituels. De plus, je me rends compte que mon cardio ne redescend pas : je reste coincé bien au-delà des limites que je me suis fixé avant le départ ! Je me dis alors que c’est parti vite devant et que je vais prendre le temps de monter au train pour revenir ensuite petit à petit vers le petit groupe situé juste devant moi. Je suis tout de même un peu inquiet…

Dès le début de l’ascension au volcan, je suis dans le « dur ». Je sais au fond de moi que ça ne va pas être facile à gérer. Il y a près de 2h40 de montée pour atteindre le haut du volcan, je vais avoir le temps de réfléchir à tout cela…

Après quelques kilomètres d’ascension, le froid est de plus en plus problématique pour moi car même avec la veste, les gants et un Buff, je ne me sens pas bien du tout. Je sais aussi que la perte de minéraux dès le début de course va devenir un problème très rapidement. Ca ne se fait pas attendre. Après 3 heures de course, je commence à avoir des petites contractures au niveau du ventre, des abdominaux, des muscles intercostaux du dos et des épaules. Que des signes annonciateurs d’une fin très proche car la perte en grandes quantité de sels minéraux entraîne ce que la majorité des gens ressentes aux niveaux des jambes : les crampes. Je dois avouer que je passe un sale moment, seul. Les crampes me donnent des spasmes qui me font vomir à deux reprises. Pour moi c’est nouveau : je n’ai jamais rencontré ce type de situation. Après renseignements auprès de personnes spécialisées dans le domaine, la perte de sels minéraux en très grandes quantités et rapidement peut avoir engendrée tout cela. Ce ne sont pas des problèmes gastriques mais bel et bien mes muscles contractés qui me font vomir à deux reprises.

Il en est trop pour moi… Je commence à penser qu’il me reste près de 140 kilomètres et qu’après une saison bien remplie, je vais devoir prendre la décision de m’arrêter, la mort dans l’âme.

Mon ascension devient laborieuse. Le retour d’un petit groupe de trois Réunionnais dont Thierry Techer me relance un peu. Je fais l’effort pour m’accrocher pour sortir avec eux sur la partie sommitale du volcan.

Après être passé au ravitaillement de Foc Foc où je bois pour reprendre assez de jus et aller jusqu’au volcan je repars avec Thierry. Je m’accroche sur les parties montantes. Le brouillard s’est invité à la fête, à plusieurs il est plus simple de trouver son chemin.

La mort dans l’âme

Lorsque nous arrivons au ravitaillement du volcan, après 3h55 de montée, j’annonce que je m’arrête. La mort dans l’âme, je rends ma puce électronique et mon dossard.

C’est ensuite comme pour tout le monde le temps des questions. Que s’est-il passé ? Pourquoi ? Comment ? Ma décision d’abandonner, pas simple à prendre, était la plus raisonnable, je le sais. Ca me réconforte un peu. Les explications qui me sont données aussi : c’est à la suite de cette grosse perte de minéraux très inhabituelle chez moi (c’est une première) que mes muscles se sont contracturés entraînant une fin de course prématurée.

Mais ce qui ne me tue pas, me renforce. Cette décision était vitale car ensuite ils sembleraient que les reins auraient été touchés ce qui auraient pu entraîner d’autres complications comme le fait d’uriner du sang voire d’autres conséquences plus importantes pour les mois à venir.

Et comme je cours pour me faire plaisir et non pour jouer ma vie….la décision s’imposait. Ce n’est sûrement pas le fait d’être passé professionnel l’an passé qui modifiera mon approche. Ma maxime que vous connaissez : faites vous plaisir, le reste est anecdotique … prend ici tout son sens.

Je vais donc récupérer, entamer ma préparation hivernale et tenter de revenir encore plus fort.

Seb