Pourquoi et comment avez-vous fait vos débuts en trail ?
Sacha Devillaz : La course à pied faisait partie de mon entraînement estival de fondeur. J’ai toujours aimé courir, être en montagne, me confronter avec les autres, jouer tactique, me donner complètement. J’ai débuté en trail au marathon du Mont-Blanc en 2009. En 2010, il s’est avéré que j’avais davantage d’avenir dans le trail. On m’a proposé un contrat d’ambassadeur Salomon et le trail est devenu mon activité principale.
Quels sont vos terrains et distances de prédilection ?
S.D. : Les courses en montagne avec des chemins vallonnés et techniques sur lesquels il faut rester concentré en permanence, les descentes bien raides où l’on peut jouer avec les obstacles, sauter et bien regarder où l’on pose les pieds. Je suis à l’aise dans n’importe quelles conditions : boue, sol sec, neige, terrains en forêt, cailloux, racines… Tant que l’on ne s’endort pas, ça me convient. Je n’apprécie pas du tout les longs plats monotones. J’adore redescendre par les pistes de VTT de descente, en faisant quand même attention à ne pas me faire percuter. Je cours comme si j’étais sur un VTT. J’utilise les mouvements de terrain, les courbes et même les parcours de sauts ! Pour l’instant je dispute des trails de 25 à 45 km. J’augmenterai ces distances progressivement.
Quel est votre état d’esprit au départ d’une course ?
S.D. : J’aborde chaque compétition avec l’envie de faire un bon résultat, de tout donner et c’est justement ainsi que je me fais plaisir. Je ne comprends pas pourquoi on dissocie toujours « partir pour gagner » et « se faire plaisir ». Pour moi, c’est lié. Je ne peux pas être plus content que lorsque j’enfile un dossard. Je sais que pendant la course, je vais avoir des moments désagréables mais c’est le jeu et je fais avec. Je prends les choses comme elles viennent.
Quels sont vos points forts et faibles ?
S.D. : Comme points forts, je dirais que j’ai le pied montagnard. Depuis mon plus jeune âge, j’ai beaucoup randonné avec mes parents dans les Alpes françaises, suisses et italiennes. Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir un cadre d’entraînement parfait. Je suis assez polyvalent et je me mets rarement la pression. Il en faut beaucoup pour me démotiver. Sprinteur en ski de fond à la base, j’ai une bonne vitesse. J’ai beaucoup de points faibles mais le principal reste l’expérience et la gestion de la course, avant, pendant et après. J’ai aussi la fâcheuse habitude, que ce soit en ski ou en course à pied, de partir trop vite.
Quelles seraient pour l’instant vos plus belles joies et principales déceptions ?
S.D. : Je retiens ma deuxième place à l’UltraTrans 2012 (Transju’classic 54 km + Transjurassienne 76 km). Un bonheur d’autant plus grand que les conditions météorologiques étaient très dures avec la bise, un vent glacial et des températures proches des -20°C. C’était vraiment très difficile et je ne me suis jamais autant battu. J’étais si fier que j’en aurais pleuré de joie ! Autres grands moments : l’arrivée du marathon du Mont-Blanc 2012 (voir les résultats) quand je suis annoncé comme le premier coureur local et que tout le monde m’encourage et applaudit et le coup de fil de Jean-Michel Faure-Vincent pour m’annoncer mon intégration au team espoir Salomon.
Souvenir très douloureux, ma chute de trop à vélo quand j’avais 16 ans. J’ai été diagnostiqué comme ne pouvant plus faire de sport en raison d’un hématome gros comme un œuf logé sur le fémur. Sale période pour quelqu’un qui vit pour le sport. Je n’ai jamais voulu y croire. Après beaucoup de rééducation et de détermination, me revoilà !
Quelle course vous fait rêver ?
S.D. : Pour l’instant je n’ai pas vraiment de course préférée mais si je devais quand même en citer une ce serait le Marathon du Mont-Blanc. Je pense qu’on ne doit pas être nombreux à connaître ce parcours aussi bien. Je m’entraîne si souvent sur les sentiers de cette épreuve que j’en connais les moindres détails.
Je rêve parfois à une course : l’Enfer du Norse, l’Iron man, mais je n’y participerai pas avant très longtemps. C’est une épreuve réputée comme la plus dure au monde : 3,8 km de natation dans un fjord à 13°C, 180 km à vélo avec cinq cols à franchir et pour finir, un marathon avec une ligne d’arrivée située à 1800 m d’altitude. C’est un objectif personnel à atteindre… quand je me serai perfectionné en natation !
Quel sera votre calendrier 2013 ?
S.D. : J’ai à mon programme des étapes de la National Trail Running Cup Salomon Endurance Mag avec pour but d’essayer de rentrer dans le top 10 du classement général. Celle du marathon du Mont-Blanc (voir la fiche de l’événement) me tient plus particulièrement à cœur. Pour préparer la saison, je n’aurai qu’à écouter et faire ce que me dira mon entraîneur Christophe Malardé, en qui j’ai une entière confiance. Il est très professionnel et présent. Je vais participer aux stages du team espoir Salomon et continuer à me faire plaisir. Je vais tout mettre en oeuvre pour me prouver que je mérite ma place au sein de ce team et la conserver.
Comment s’organise votre entraînement ?
S.D. : Je suis travailleur indépendant et gère mon emploi du temps comme je le souhaite. Je commence la saison de charpente début mai jusqu’à fin septembre. En gros, je ne travaille que le matin, quand j’ai des grosses séances type VMA, fractionné, volume… Quand je suis en repos et que j’ai des séances courtes, je travaille toute la journée, souvent jusqu’en soirée. Je totalise 5 à 6 jours d’entraînement par semaine, beaucoup de séances type (VMA, fractionné et de volume). Je fais beaucoup de séances de vitesse plus ou moins longues, sur le plat ou en côte. J’aime tous les entraînements, quels qu’ils soient : des fractionnés où je finis la séance complètement cramé jusqu’aux séances de volume où je peux aller courir pendant plus de 3 heures en montagne. En revanche, j’ai horreur du vélo de route. L’osmose avec le bitume et les voitures, ce n’est pas pour moi. J’aime bien sûr aller courir avec des copains, mais j’adore aussi être seul en montagne, surtout quand je fais des séances type, je gère ma vitesse tout seul sans essayer de me caler sur quelqu’un d’autre. Quand je pars m’entraîner, je vais à chaque fois là où je pense qu’il n’y aura personne.
Qu’en est-il de votre diététique ?
S.D. : Je commence à faire attention à ce que je mange environ une semaine avant une course. Je suis déjà tellement sérieux et assidu à l’entraînement que si je faisais pareil avec mon alimentation, je craquerais très vite. J’ai horreur de passer du temps à table pour manger, j’ai rarement faim le matin et zappe très souvent le petit-déjeuner. Avec mon métier, autant l’été que l’hiver, le plus souvent à midi c’est un menu sandwich. Le reste du temps, mes compétences culinaires se limitent à des pâtes nature, pâtes bolognaises, pâtes à la carbonara et quand je suis motivé, à une omelette ! Pendant une course, j’essaie de boire au moins 500 ml d’eau accompagnés d’un gel toutes les heures. C’est souvent Cindy, ma copine, qui vient sur les courses pour assurer le ravitaillement. On regarde, la veille, sur la carte les points où elle doit aller, et ce qu’elle doit me passer. J’ai tourné toute l’année aux gels, sans manger une seule barre même avec plus de trois heures de course. Je suis très conscient que mon alimentation pendant et hors course mérite une très grande amélioration, ça va venir…
Si vous étiez une montagne et un chemin ?
S.D. : Facile ! Le Buet, sommet mythique de Vallorcine qui culmine à 3096 m d’altitude. C’est l’endroit où je préfère aller. Côté sentier je serais sinueux en descente rempli de racines et de caillasses !
Propos recueillis par Robert Goin