Romain Piau : « Nous avons pu résister et assurer le maintien de l’EcoTrail parce que nous avons su nous adapter. »

Une bonne nouvelle cela ne se refuse pas surtout en ces temps compliqués pour les adeptes de course à pied et de trail en manque de compétition. L'EcoTrail Paris 2020 initialement prévu en mars dernier et reporté à cet automne est maintenu les 3 et 4 octobre. Un soulagement pour le coordinateur général de l'événement Romain Piau qui reste néanmoins prudent. Entretien.

Crédit photo : EcoTrail Paris

Lepape-info : Romain, comment se sont passées les dernières semaines depuis le report de l’EcoTrail Paris ?

Romain Piau : La période de confinement et de crise a été assez compliquée à gérer en raison du manque de visibilité que nous avions en tant qu’organisateur d’événement sur les conditions de reprise et de déconfinement liées à la pratique physique. Et encore aujourd’hui il y’a des annonces qui ont été faites il y’a une dizaine de jours et il n’y a rien qui stipule précisément comment les organisateurs d’événements peuvent s’organiser à partir de la rentrée en septembre. Les différents secteurs comme le tourisme, hôtellerie, restauration ou autre ont eu une visibilité ce qui n’est pas le cas pour les événements sportifs. Certes les règles sont en train de s’assouplir et nous laissent penser que nous pourrons organiser les choses plus sereinement à partir de septembre mais il n’y a rien de très concret.

 

Lepape-info : Un manque de visibilité et des interrogations 

R.P : Autant on a beaucoup entendu parler de la course à pied quand il s’agissait de ne pas s’éloigner à plus d’un kilomètre de chez soi et pendant plus d’une heure pendant le confinement et tant mieux cela a peut-être permis à de nouveaux pratiquants de découvrir cette discipline autant la professionnalisation de la pratique est inexistante aux yeux du gouvernement et du grand public. Dans la tête des gens mais aussi manifestement également pour les instances gouvernementales, le métier de l’événementiel sportif est uniquement lié à l’organisation des Jeux Olympiques, du Tour de France, de Roland-Garros etc … sans prendre en compte qu’il y’a des centaines de milliers de gens qui travaillent pour d’autres événements sportifs qui ne sont pas des mastodontes avec les mêmes enjeux financiers que les grands rendez-vous. Même s’il y’a eu les aides financières pour le secteur de l’événementiel, on a quand même eu le sentiment d’être un peu laissés-pour-compte.

 

Romain Piau : « Cette incertitude n’existait pas avant à ce point mais nous voulons montrer que les courses reprennent et que c’est possible d’organiser un événement de masse qui arrive à Paris ou sa banlieue proche. »

 

Lepape-info : Malgré les obstacles, l’EcoTrail Paris est maintenu les 3 et 4 octobre 

R.P : Oui ainsi que la Verticale de la Tour Eiffel le 30 septembre. Nous y sommes arrivés à force de patience, de travail et de beaucoup d’échanges avec la Mairie de Paris, la Préfecture de Police et tous les sites qui nous accueillent comme la Tour Eiffel, le Domaine National de Saint-Cloud, le Château de Versailles. Nous avons du beaucoup nous adapter par rapport au contexte afin de faire en sorte que l’EcoTrail puisse avoir lieu le 3 octobre avec quelques ajustements. Le 30 et le 45 km arriveront au Domaine National de Saint-Cloud (comme les 10 et 18 km) et non plus au Trocadéro face à la Tour Eiffel avec du coup des fins de parcours modifiés. Pour le 80 km rien ne change l’arrivée se fera au 1er étage de la Tour Eiffel, pour nous la symbolique est trop forte, nous avons bataillé et grâce aussi au soutien de la Tour Eiffel nous avons maintenu cette arrivée prestigieuse mais cela n’a pas été simple.

 

Lepape-info : Vous avez su convaincre vos interlocuteurs ?

R.P : Nous avons montré que notre événement était compatible avec les mesures post Covid-19, l’EcoTrail est découpé en plusieurs épreuves qui ne partent pas du même endroit qui n’arrivent pas toutes au même endroit et qui n’ont pas lieu en même temps. Notre course la plus importante le 30 km rassemble 3 600 personnes est en dessous du quota des 5 000 autorisés au maximum. Sur le 80 km il y’a environ 2 000 finishers qui arrivent à la Tour Eiffel sur un laps de temps d’environ 6 heures ce qui fait qu’il n’y a jamais de gros trafic. On peut faire des départs par vagues, on est en capacité de proposer des ravitaillements adaptés sans que les gens se marchent les uns sur les autres. Nous avons pu résister et assurer le maintien de l’EcoTrail parce que nous avons su nous adapter.

 

Lepape-info : C’est un signal fort envoyé aux autres organisateurs de courses, aux inscrits    

R.P : Oui c’est un message pour signifier que les choses reprennent, que l’on tient le cap. Les difficultés ont été importantes et elles le restent. Il reste une certaine forme d’incertitude, on ne saura jamais garantir jusqu’au jour J que l’événement aura lieu à 100% car on n’est pas à l’abri d’une deuxième vague ou autre. Cette incertitude n’existait pas avant à ce point mais nous voulons montrer que les courses reprennent et que c’est possible d’organiser un événement de masse qui arrive à Paris ou sa banlieue proche.

 

Romain Piau : « Ce qui nous sauve c’est de pouvoir assurer un report pour les coureurs et d’avoir des partenaires qui continuent de nous suivre à 100%. Cela nous permet de limiter la casse. »

 

Lepape-info : Avez-vous eu des retours des inscrits ces dernières semaines ?  

R.P : Les quelques retours étaient quasiment à chaque fois bienveillants et nous ont fait beaucoup de bien dans cette période compliquée à gérer. C’est toujours bon de recevoir des messages de soutien des coureurs. Depuis le début nous avons joué la carte de la transparence avec les inscrits en leur expliquant ce qui était possible ou non avec les différentes options. Ce qui nous a sauvé aussi c’est d’avoir été en capacité de pouvoir proposer une date de report à la rentrée avant que le calendrier ne soit trop surchargé. Cela a permis aux coureurs de garder le cap et l’espoir. Au final, les quelques questions concernaient les modalités pratiques pour celles ou ceux qui ne sont pas disponibles à la nouvelle date. Nous allons mettre en place une bourse aux dossards à partir du 1er juillet qui permettra aux coureurs qui ne peuvent pas être présents le 3 octobre de revendre leur dossard sur une plateforme exclusive et sécurisée. Pour l’instant nous sommes toujours à 12 500 participants sur l’ensemble des trails.

 

Lepape-info : Comme tout événement, reporter l’EcoTrail a forcément un coût 

R.P : L’EcoTrail a été reporté en mars dernier 5 jours avant la date prévue. Un certain nombre de prestataires avaient commencé à nous livrer comme la location de matériel, ce sont des frais que nous avons pas pu nous faire rembourser et que nous allons devoir à nouveau supporter en octobre. Ce qui nous sauve c’est de pouvoir assurer un report pour les coureurs et d’avoir des partenaires qui continuent de nous suivre à 100%. Cela nous permet de limiter la casse. Sans leur soutien et celui des institutions la note aurait été un peu plus salée. 10 à 15 personnes salariées travaillent toute l’année sur l’EcoTrail, il y’a des charges à payer c’est logique et les gens n’ont pas forcément conscience de cela. Reporter ou annuler un événement ce n’est pas neutre, les conséquences peuvent être lourdes. Le report va entraîner un surcoût pour nous aux alentours de 15 à 20% que l’on devra absorber.

 

Lepape-info : Les ravitaillements avec des innovations évoquées initialement sont toujours d’actualité ?   

R.P : Oui proposer un ravitaillement 100% bio et ou local ou du moins responsable et raisonné. Nous avons interrogé des coureurs, des pratiquants et on s’est appuyé sur l’expertise d’Anthony Berthou, un nutritionniste spécialisé dans le sport pour définir les bons produits à ingérer en étant cohérent par rapport à la saisonnalité et à la provenance des produits. Nous avons enlevé les oranges, les bananes qui viennent de beaucoup trop loin. Le but est de sensibiliser les coureurs. Nous estimons que pour faire un effort physique, ils peuvent subvenir à leurs besoins avec des produits qui viennent à côté de chez eux, respectueux d’une agriculture biologique. Anthony Berthou nous a orienté vers des produits à base de miel comme des bonbons faciles à ingérer lorsque vous courrez, du coup on s’est rapproché d’un apiculteur basé dans les Yvelines qui nous a proposé des solutions en terme de packaging pour que les produits puissent êtres faciles à consommer. Nous allons ainsi proposer des ravitaillements principalement fournis par des agriculteurs d’Île de France.

 

Lepape-info : Des ravitaillements avec de nouvelles contraintes dues aux règles sanitaires

R.P : Le retour en force du plastique à usage unique dans la vie ne nous réjouit pas. Nous ne pouvons plus proposer des produits dans des assiettes où tout le monde se sert. Nous nous interdisons l’usage du conditionnement individuel sous plastique, nous combattons les déchets inutiles, nous ne voulons pas tomber dans ce biais sous peine de perdre tout le bénéfice de mois et d’années d’efforts. Nous avons du repenser les choses pour garder nos produits sans emballage, faciles à ingérer et sans qu’ils soient disponibles en vrac. Du coup ce sont les bénévoles protégés au maximum qui seront au contact des produits et qui distribueront individuellement aux coureurs les ravitaillements en respectant les règles sanitaires. Nous allons garder les produits de nécessité et oublier ceux qui sont bons pour le moral comme le chocolat ou le fromage que nous avions les années précédentes. Nous comptons sur la compréhension des coureurs.

 

Lepape-info : Quel sont les messages que vous voulez faire passer après ces derniers mois difficiles ? 

R.P : Le message clair à travers le maintien de l’EcoTrail est qu’il sera possible de courir à la rentrée, d’échanger avec la communauté des runners, traileurs dans des conditions sanitaires sécurisées à 100%. L’autre message en tant qu’organisateur est d’inviter les coureurs à s’inscrire à toutes les autres courses proposées à la rentrée parce que le monde de l’événementiel en a vraiment besoin. Beaucoup de courses ont été annulées cette année, certaines ne reverront pas le jour l’an prochain, c’est un message de solidarité que j’adresse à tous les coureurs, je leur demande de faire confiance aux organisateurs pour relancer l’activité.

Réagissez