Presque la moitié des 2700 raideurs n’ont pas franchi la ligne d’arrivée suite à des soucis de santé ou pour avoir été pris par la barrière horaire. Au fil des d’heures, dès qu’un poste de pointage fermait, ce sont des dizaines, voire des centaines de coureurs qui étaient contraints à rentrer chez eux. Voire à poursuivre sans dossard.
Avant la course mais aussi pendant et maintenant, on aura beaucoup parlé de l’augmentation du kilométrage et du dénivelé, un bon nombre d’observateurs estimant que l’on était peut-être allé un peu loin dans la démesure… Le débat reste ouvert.
Ainsi arrive-t-on au deuxième chiffre marquant. 26h33mn (Voir tous les résultats). Le temps réalisé par l’Espagnol Kilian Jornet. Enorme.. C’est la première fois qu’un vainqueur met autant de temps sur ce sentier du Grand Raid de la Réunion, si bien nommé la Diagonale des Fous. Et quant on connait le palmarès et les capacités du champion, on réalise très rapidement les difficultés rencontrées par tous les coureurs.
Pour illustrer le tout, après 34h de course seul le TOP 10 avait rejoint la Redoute, théâtre de l’arrivée à Saint Denis alors que 2 663 coureurs étaient partis à l’assaut des 70 km et 10 845 m de dénivelé positif au programme.
Verdict : même les champions ont passé deux nuits dehors.
La Diagonale des Fous, est bel et bien dans une autre dimension et propose une tout autre conception de l’ultra… C’est une aventure où il faut aller au-delà de soi-même et sur laquelle il ne faut pas s’engager à la légère.
Pour bien comprendre, il faut aussi regarder de plus près les écarts enregistrés entre les vainqueurs et leurs dauphins du moment. Plus d’une heure d’avance pour Kilian Jornet (26h33mn10s) sur son dauphin Antoine Guillon (27h44mn47s), plus de 2h pour Emilie Lecomte (33h03mn17s), 10e au scratch sur l’Espagnole Nerea Martinez Urruzola (35h27mn20s). Tous deux favoris, ils ont remporté la mise et ont su gérer à la perfection leur course. Kilian et Emilie ont pris la tête d’emblée ou tout comme et sont allés au bout de leur route sans jamais se retourner. Kilian a été accompagné une bonne partie par son compatriote, Iker Karera et on a cru un moment que ce dernier pourrait venir le taquiner. Il parviendra même à prendre deux minutes d’avance suite à un coup de chaud de Kilian Jornet dans Mafate après 93,6 km de course et 5 950 m de dénivelé positif ! Mais cela n’aura été qu’illusion. Iker a alors présumé de ses forces et été contraint à l’abandon à Sans souci au 134e km après 21h06mn de course. Une première fois il s’est arrêté à Roche Plate (114,6e km) avant de repartir, au deuxième arrêt, il ne trouva pas les ressources.
Sur le podium, on se doit de saluer la formidable régularité d’Antoine Guillon. Il collectionne les places de deuxième, troisième et quatrième. C’est un métronome de la spécialité. Jamais inquiet, il a sur gérer sa course, attendre son heure et se replacer alors que ses adversaires cédaient ou abandonnaient. Coup de chapeau aussi à Arnaud Lejeune (29h39mn39), le troisième homme qui est allé au bout du bout pour garder cette belle place synonyme et réaliser un formidable exploit. C’est sa première grande, si l’on peut dire !
Enfin comment ne pas parler d’Emilie Lecomte qui se classe dixième au général. Elle avait remporté l’édition 2009 et s’impose en ayant mené la course de bout en bout.. La Savoyarde est aussi détentrice depuis le mois de juin du record de la traversée de la Corse par le GR20 avec un chrono de 50 h, 52 mn et 10 secondes.
Au delà du bilan chiffré, on retiendra le formidable engouement des Réunionnais pour cette épreuve. Kilian Jornet lors des derniers kilomètres a signé moult autographes et a été acclamé comme jamais. Avec cette deuxième victoire, sa facilité au contact et son envie d’intégration, il n’a pas hésité à parler créole en passant la ligne et est devenu un véritable demi-dieu sur l’île. Un accueil sans équivalent dans une autre partie du globe. Tout simplement par ce que l’effet insulaire joue à plein.
Sur l’île, c’est toute la population qui se mobilise autour de l’événement. Les sentiers sont envahis et on a parfois l’impression, comme au sommet du Maïdo (121,2e km à 2 030 m d’altitude), d’être sur l’un des cols du Tour de France. Chaque Réunionnais est devenu un accro de la course en montagne le temps de cette épreuve et même le football, sport roi si il en est sur l’île, semble être délaissé. Les médias relayent le phénomène de manière absolue avec des directs à la télé, à la radio et sur le web sans discontinuer durant les trois jours sans oublier des suppléments de 50 ou 100 pages édités par les quotidiens ni les DVD édités pour le souvenir. Impossible de faire plus ! Mieux que pour les Jeux Olympiques de Londres !
Le phénomène Grand Raid n’est pas prêt de se stopper quelles que soient les circonstances de course (voir encadré). On ne sait encore rien sur le parcours de 2013 mais une chose est sûre, il y aura toujours autant de postulants au départ…quel que soit le programme.
Une édition endeuillée A l’heure du bilan, on ne peut occulter le décès d’un concurrent. C’est la deuxième fois que cela se produit, après deux décès en 2002 lors du dixième anniversaire. C’est cruel. La Diagonale des Fous, est un parcours extrêmement difficile avec certaines portions de sentiers extrêmement périlleuses… Le concurrent a fait une chute 30 mètres dans un ravin dans le cirque de Salazie. Il était alors classé aux environs de la 100e place et était un traileur expérimenté avec déjà deux Diagonale des Fous à son actif et deux UTMB (Ultra-trail du Mont-Blanc). Il a chuté alors qu’il était sur l’une des portions les plus difficiles de la course. Le Grand Raid est une course de montagne avec ses dangers, ce décès le rappelle à tous et à toutes. |