« Moi je dis oui, oui, au don d’organes, y’a pas d’raison de dire non ». Entonné par les quelque 200 coureurs qui participent à la 26ème édition de la Course du Cœur, cet air est en quelque sorte l’hymne de l’événement. Un air simple à retenir, presqu’entêtant, mais tellement fédérateur. Qu’ils portent les couleurs de Renault, GDF Suez, HP, ou encore Oracle, tous les participants ont un même objectif : sensibiliser le public au don d’organes. Sensibiliser, et non pas « forcer ». « En tant que greffés, nous ne pouvons pas nous permettre de dire aux gens de donner leurs organes, nous pouvons juste dire merci », explique Olivier Coustere. Il est le président et fondateur de l’association organisatrice, Trans-Forme. Greffé du rein à trois reprises, il ajoute : « Nous sommes là pour expliquer. Ensuite, les gens sont libres de dire oui ou non. Mais s’ils disent non, il ne faut pas que ce soit pour de mauvaises raisons ».
Le principal motif de refus du don d’organes, c’est l’ignorance. Et c’est contre cela que luttent les équipes engagées dans l’aventure.
Logiquement, l’équipe Trans-Forme, constituée de personnes greffées, est mise en avant tout au long du parcours. Et suscite l’admiration. En témoigne cette scène à l’arrivée d’une étape dans un village de l’Yonne. « Monsieur, je vois que vous avez un dossard numéro 1. On m’a expliqué que les personnes avec ce dossard étaient des personnes greffées. Alors je vous félicite », lance une habitante. « Madame, vous avez ici 3 personnes greffées d’un rein », lui répond Stéphane, 46 ans, en tenue de course comme ces deux autres acolytes, Gildas et Jean-Jacques (capitaine de l’équipe). S’en suit une nouvelle séance de félicitations. Un moment simple, de partage, de respect, et d’émotion. « On a beaucoup de témoignages comme celui-là », se réjouit Stéphane. Quelques mètres plus loin, Victor, 67 ans, attend ses camarades. Lui a bénéficié d’une greffe de foie : « Je viens de terminer l’étape que j’ai courue avec l’équipe des Cheminots. C’était super ! Ils m’ont posé plein de questions pendant la course, je leur ai raconté ma vie », sourit-il.
La solidarité est une valeur majeure de cette Course du Cœur. Entre greffés et non greffés, bien sûr, mais aussi entre ces collègues qui deviennent, quatre jours et quatre nuits durant, des coéquipiers. Salariés pour la plupart de grandes entreprises, ils doivent souvent apprendre à se connaître. Chez Natixis, par exemple, les participants viennent de la région parisienne, mais aussi de La Réunion, Boston et New York. « Le but, c’est de réunir des personnes de tous horizons », explique Marc. Avec son collègue Lionel, ils viennent de boucler chacun environ 16 kilomètres, l’un à vélo et l’autre à pied. Libre à eux d’alterner sur une partie du parcours, mais la consigne de la direction était claire : il fallait arriver ensemble ! « C’était dur, raconte Lionel. On n’avait pas le droit de se relayer sur les 8 premiers kilomètres. Je suis parti en courant, Lionel à vélo. Il fallait se donner à fond, et c’est long ». Surtout qu’il fait chaud : le thermomètre des voitures suiveuses affiche 22 degrés.
Gilles, lui, porte les couleurs de RTE (Réseau de transport d’électricité). Derrière l’une des voitures de son équipe, il profite d’un arrêt pour masser ses cuisses. « J’ai couru 10 kilomètres hier soir, et ça m’a réveillé une contracture ». Couché à minuit et demi, il était sur le pont dès 7 heures pour suivre ses coéquipiers. Là, il s’apprête à reprendre un départ pour plus de 13 kilomètres. La course ne s’arrête jamais et on comprend vite que la récupération est une des clés de la réussite. Tout comme la gestion de son allure. Les participants sont tous des coureurs ou sportifs confirmés, entraînés, mais le contexte est bien différent d’une course « classique ». Ceux qui connaissent déjà l’épreuve s’accordent sur un point : on vit sur la Course du Cœur des choses qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.
Il faut aussi gérer la tactique de course, composer avec la fatigue des uns et des autres et… surmonter les impondérables. Comme pour François, capitaine de l’équipe Oracle, qui a chuté lors d’une étape à roller, et s’est retrouvé obligé de passer une radio. Des dizaines de kilomètres plus tard, il a retrouvé le convoi, tout sourire, un léger bandage autour de deux doigts : « Il n’y a pas de fracture, j’ai l’autorisation de continuer la course ! »
L’aventure peut donc continuer. La lutte, aussi. Près de 5 000 greffes ont été réalisées en 2011 en France, mais cela reste encore insuffisant. Plus de 200 personnes meurent chaque année, faute d’avoir pu recevoir l’organe dont elles avaient besoin…
A lire aussi
Quelques photos