C’est un peu une nouveauté qu’a évoquée le manager de l’équipe Sky, Dave Brailsford : la possibilité que Chris Froome participe à la Vuelta le mois prochain. «Nous ne prendrons pas de décision avant de voir dans quel état il sort du Tour de France. Mais il est probable que Froome dispute aussi le Tour d’Espagne cette année.»
Depuis l’ère Indurain, la tradition, largement perpétrée par Lance Armstrong, était que les héros du tour disparaissent quasiment des radars une fois la grande boucle terminée. Une évolution due notamment au changement de calendrier qui a décalé le tour d’Espagne à la rentrée de septembre alors qu’elle se disputait au printemps jusqu’en 1995. La vuelta y a gagné en exposition et prestige, mais pour les leaders du tour, elle a plus l’allure d’une séance de rattrapage qu’autre chose. Ainsi Chris Froome était allé l’an passé y chercher une deuxième place après son abandon lors de l’étape des pavés sur le tour. Il y était devancé par Contador, lequel s’est fait un devoir de s’imposer sur ses terres après chaque exclusion ou abandon subis en France : victoire en 2008, 2012 et 2014. De fait, depuis le décalage de l’épreuve ibérique à la rentrée, aucun coureur n’a réussi le doublé tour- vuelta, après Bernard Hinault, le breton ayant accompli cet exploit en 1978. Et le dernier à être monté sur le podium des deux boucles la même année reste Carlos Sastre, vainqueur en France et troisième en Espagne en 2008. On peut citer également l’espagnol Joaquin Rodriguez qui l’année de ses 7e (2010) et 3e (2013) place dans le tour a terminé respectivement 3e et 4e en Espagne.
Enchaîner Tour et Vuelta est beaucoup trop coûteux en énergie. Les candidats au doublé dans les grands tours préférant intégrer dans leur quête le Tour d’Italie, disputé au printemps ; comme Contador, dernier coureur en date à avoir réalisé un doublé sur les grands tours (Giro-Vuelta) la même année, en 2008.
Autre grand événement de la fin de saison susceptible de motiver les géants de juillet à poursuivre leur effort : le championnat du monde et la quête du maillot arc-en-ciel. Mais son décalage de fin août à fin septembre dans les années 90 n’a pas encouragé les stars à s’y présenter. L’an passé Vincenzo Nibali avait été désigné capitaine de l’équipe italienne, hélas, une chute lors d’une course de préparation ruine son potentiel et il termine la course dans l’anonymat d’une 40eme place. En 2013, Chris Froome était allé chercher avec l’équipe Sky la médaille de bronze du contre la montre par équipes.
Le parcours proposés généralement lors des mondiaux s’avère rarement favorable aux spécialistes de grands tours, lesquels laissent généralement leur rôle de favoris aux punchers ou sprinters. La dernière star de la grande boucle à avoir endossé le maillot arc-en-ciel reste Cadel Evans, champion du monde à Medrisio en Suisse en 2009, deux mois après avoir terminé troisième du tour. Les plus anciens se souviennent de rares parcours accidentés comme Agrigente en Sicile où Luc Leblanc s’était imposé en 1994, ou de l’illustre circuit colombien de 1995, taillé pour Miguel Indurain, lequel avait au final préféré favoriser la victoire de son coéquipier Abraham Olano.
Un autre événement exceptionnel pousse parfois les stars de juillet à poursuivre leur effort en Août : les jeux olympiques. Depuis que la course s’est ouverte aux pros en 1996, les grands leaders viennent y représenter leur nation. En 2000 à Sydney, Lance Armstrong décroche la médaille de bronze du contre la montre, médaille renvoyée à l’expéditeur en 2013 suite à ses aveux de dopage.
En 2012, Bradley Wiggins avait fait de la course olympique de Londres un objectif majeur. L’équipe anglaise y est surprise par un autre cador de la grande boucle, Alexandre Vinokourov. Wiggins décroche tout de même la médaille d’or du contre la montre, devant son coéquipier Chris Froome.
Nos vedettes françaises, elles, se font plutôt discrètes après juillet. Il y a encore quelques années, David Moncoutié, coutumier de petites escarmouches sur le tour, se réservait pour la Vuelta dont il termina 8e en 2008. Il empochera systématiquement une étape et le classement de la montagne, 4 années de rang, de 2008 à 2011.
L’an passé Thibaut Pinot s’est essayé au tour d’Espagne avec pour objectif d’empocher des étapes. Hélas, fiévreux au moment du départ, il souffre des fortes chaleurs et abandonne lors de la onzième étape. Jean-Christophe Péraud, deuxième à Paris, fera une réapparition très discrète sur les routes du championnat du monde.
Enfin, il reste pour les champions un dernier monument du cyclisme à accrocher au palmarès en fin de saison : la classique italienne du Tour de Lombardie, qui se disputera cette année le 4 octobre. Vainqueur en 2012, Joaquin Rodriguez récidive l’année suivante, faisant honneur à son rang de troisième du tour 2013. Deuxième des deux dernières éditions, son compatriote Alejandro Valverde fait figure d’exception confirmant la règle. L’espagnol est un des derniers coureurs « à l’ancienne » à courir toute la saison, des classiques d’Avril jusqu’en Lombardie. Animateur régulier du tour de France (4e en 2014, 8e en 2013 et 2008, 6e en 2007, quadruple vainqueur d’étape), il collectionne les accessits d’arrière-saison : il a ainsi terminé sur le podium de la vuelta lors des trois dernières éditions après l’avoir emportée en 2009. Même régularité au mondial dont il est détenteur des trois dernières médailles de bronze !
Pour 2015, outre l’annonce de Chris Froome, la fin de saison reste sujette à interrogation. Alberto Contador avait évoqué une participation à la vuelta en cas de succès sur le tour pour réaliser un triplé historique après sa victoire dans le giro. Son état de forme à la sortie de la grande boucle déterminera ou non sa participation. Idem pour Quintana et nos stars françaises, Pinot ou Bardet, qui pourraient, si la fatigue de juillet a disparu, être tenté par une séance de rattrapage en Espagne. Quand au mondial de cette année, le parcours de Richmond aux USA est davantage favorable aux punchers, et outre l’inoxydable Valverde, le seul animateur du tour que l’on pourrait y retrouver en bonne place demeure le maillot vert Peter Sagan.