Ces précieuses notes sont l’occasion de voir comment Michel Jazy s’entraînait à son époque et d’essayer de comprendre comment avec son talent et sa volonté il a pu optimiser ses efforts pour réaliser de telles performances.
Revue AEFA N°61 (Revue de l’Amicale des Entraîneurs Français d’Athlétisme) 4e trimestre 1978
Colloque demi-fond 21-10-1978 INSEP
Principes caractéristiques de son entrainement :
- Course essentiellement en nature, surtout en hiver sur des parcours les plus variés possibles (Bois de Vincennes, Forêt de Marly)
- Quantité comprise entre 20 et 30 km quotidiennement selon les périodes
- Entrainement complet toute l’année avec dominantes. N’a jamais couru en endurance au sens des recommandations de l’époque c’est-à-dire des courses à allure uniforme avec contrôle cardiaque et des FC entre 120 et 140 p/m
- Les difficultés du parcours sont mises à profit pour se renforcer musculairement (travail de côtes important). L’entrainement dit en résistance se pratiquant surtout sous formes d’accélérations. Terminées par une intensité élevée
- L’entrainement en nature (inspirée par Gosta Olander) passant en revue toute la gamme de l’entrainement, la course sur piste devient tout simplement complémentaire et sert surtout de contrôle.
- L’alternance est bien sûr respectée, à savoir qu’après une ou 2 séances dures suivait une séance plus facile qui permettait d récupérer efficacement.
- Le plan annuel est tracé dans les grandes lignes (compétitions importantes notamment) mais la programmation de l’entraînement restait suffisamment souple pour permettre à l’athlète de d’agir en fonction de ses sensations (de l’intelligence musculaire comme dirait Roger Thomas)
- Accent mis et ce toute l’année sur le renforcement musculaire généralisé et plus particulièrement sur la Bonn fixation du bassin (sangle abdominale, lombaires). Ce travail s’effectue en salle, complément des courses en côtes.
- A bénéficié de l’image d’A. Mimoun qui savait ce qu’il désirait obtenir et mettait toute en oeuvre pour y parvenir. . La volonté exacerbée de Mimoun (avec lequel Jazy a partagé la chambre à Melbourne) lui a servi de modèle. Le sport de très haute compétition ne peut être pratiquée que par des athlètes dont le « mental » est à la hauteur du potentiel physique tant dans l’accomplissement d’un entrainement quotidien ou bi quotidien de plus en plus exigeant que dans la réalisation (celle-ci pouvant prendre 2 aspects : le 1er étant l’obtention d’une performance de valeur mondiale, la second sans doute encore plus dur étant une victoire dans une grande confrontation)
- Les 2 dernières années de sa carrière respectèrent également la règles selon laquelle l’entrainement doit aller du quantitatif au qualitatif. Un acquis foncier ayant été constitué pendant 10 ans d’entrainement, les 2 /3 des séances comprises entre 1964/1966 s’effectuaient à intensité élevée et en pointes.
- Le travail du rythme terminal (Ndr : naturellement pas très puissant Jazy fut sans doute l’un des premiers grands finisseurs du ½ fond moderne grâce à ce travail constant du rythme au sol recherché tant dans le travail en côtes que dans les accélérations progressives. Les grands finisseurs de ces dernières années ont presque tous un pied très actif au sol) s’effectuait avec une recherche de la fréquence des appuis lors des accélérations en sous-bois et également par un travail de train sur 200 M ou 300 m terminées par 30 -40 m au maximum en dominante vélocité.
- Autre source Entrainement tous les jours 10 à 24 km (2 x par jour) Total jusqu’à 35 km. Rien de standardisé ou systématisé. Entraînement + style dépendent des caractéristiques de l’individu. Rien ne doit être contre nature. Entrainement doit être plaisant. Formes et lieux d’entrainement doivent être variés. Il faut éviter l’ennui et l’uniformité.
80 % du travail est réalisé en nature (sur profils vallonnés) :
- Chemins forestiers
- Sols forestiers
- Herbe, pelouse
- Pistes en épines
- Avec feuilles
- Mousse
Le style ne doit pas être mécanique mais élastique qui permet d’aller facilement vers l’allure de course. Être fort des jambes et en capacité de changer de rythme.
Hiver Cross avec pour objectif : endurance et résistance (endurance de vitesse)
Schéma type : trot puis accélérations sur 100 m à 300 m (5 à 6 x) suivis de trot ou marche. Puis accélération ou courses d’allures sur 400 m à 800 m à80 /85 % du max.
Parcours INS (Institut National du Sport)
- Tour du bois (18 km)
- Un tour avec beaucoup de changements de direction (le parcours Jazy sur un sol très souple
- Ligne de 400 m dans une forêt de pins.
- Un parcours de 600 avec des côtes très raides (130 à 165 m de long)
Méthodologie Jazy
Sur sols plats : différentes distances avec des changements de rythme : objectif endurance aérobie : 70 à 75 %
Courses courtes avec des temps de contrôle (chrono) : Objectif : endurance anaérobie pauses courtes et dette O² (95 % à 105 % de l’allure de course)
Côtes : endurance anaérobie et force (90 à 100 % du max)
1 x par semaine : Une course au temps
Avant cross séance de rythme 3 x 1 000 m en 2’42/2’44
Au printemps : allure de course.
Si 13’30 => 2’42/1’21 + 2 x500 en 1’18/19 +2 ou 3 x1000 m en 2’41/42 + 2×500 m en 1’17/18
3 x par semaine : PPG /force + gym + Activité détente : football
La découverte de Marly
C’est à sa libération en novembre 1959 que Michel Jazy va découvrir Marly.
Comment s’est opérée sa transformation. Sa foulée trop étirée, peu apte au changement de rythme s’est raccourcie. Jazy a travaillé sur piste, en sous-bois et en salle pour obtenir cette domification qui lui permet maintenant aisément à un démarrage et à démarrer lui – même notamment dans la dernière ligne droite.
Le travail des bras était anarchique, il les écartait par trop ou les collait au corps. Aujourd’hui tout est normal. Jazy court bien en ligne. Le tronc légèrement incliné, le mouvement de bras est harmonieux, il dégage bien la poitrine et aide à la respiration. Jazy a acquis un style qui fait qu’on le reconnait dans un peloton. Et puis cette tête dodelinante s’est posée sagement sur les épaules , achevant d’équilibrer tout l’édifice humain.
De 1952 à 1959 Jazy s’entrainera toujours plus pour une durée de compétition toujours plus brève.
Jusqu’en 1955 il s’entraîne 4 fois par semaine au stade Lé-Lagrange, séances de 90’ portant sur la résistance et le sprint. 2 fois par semaine, il galope pieds nus sur les pelouses. En 1956, au bataillon de Joinville il foule les pistes et les pelouses de l’INS deux fois par jour.
C’est fin 1958 qu’il adoptera, conseillé par M. Hansenne et Frassinelli la méthode d’entrainement qui va le transformer en athlète de premier plan.
Son travail au service de typographie lui permet de disposer de sa matinée et de ses fins d’après-midi ; En plein hiver il se lève à 6 h30 et se rend avec son entraineur, parfois avec un compagnon en forêt de Marly. Chaque jour sauf dimanche et lundi. Cet entrainement de 2 heures ne sera pas fastidieux, cet entrainement dans la nature est aussi une oxygénation.
L’itinéraire établi recherche la variété du terrain, les aspérités et sa nature. Chemin de sous-bois, sous-bois étoffé par l’humus séculaire et par endroits recouvert de mousse. On recherche le plat, les monticules en alternance, puis les obstacles ; troncs d’arbres abattus, tranchées d’épandage, caniveaux naturels en bordure des sentes…Les parcours sont effectués au train, parfois à la marche… coupés de démarrages, de pointes de vitesse.
Frassinelli veille à ce que cet entrainement n’atteigne jamais la fatigue ni las saturation. Il doit demeurer un délassement psychique, loin de l’esprit de compétition, une détente physique. C’est la promenade de santé d’un athlète déjà bien au point. Une fois par semaine, Jazy travaille plus techniquement, sur les pistes de l’Insep. Il court des séries de 200 m, voir de 400 m. Il prend son travail à 13 h et le termine à 17h30.
Trois fois par semaine il rend visite au professeur de culture physique, un ex sprinter, Maurice Rousseau pour un travail en salle d’une heure. Haltères, appareils de mécanothérapies, séance de culture physique (on parlerait de musculation maintenant). Rousseau lui fait travailler les mouvements de course. C’est ainsi qu’il a pu améliorer le rendement de sa foulée. Entre 2 exercices de haltères (20 à 30 kg) Jazy trottine, se détend. Là aussi il évite une fatigue trop prononcée, la saturation, éviter que l’entrainement devienne une corvée. Vers mars à l’approche des compétitions cet entrainement se relâche.
Durant la saison, il maintient sa forme par du footing et des sprints. Mais de façon mesurée. En période hivernale il court de 15 à 20 kms par jour , distance très sérieusement réduite en période de compétition.
Michel Jazy ne suit pas un régime alimentaire draconien. Alors qu’Elliott était un adepte d’une diététique rigoureuse : pas de viande , pas d’alcool ; du lait du fromage, des fruits secs. Jazy ne crache pas sur des biftecks frites, il ne dédaigne pas un bon verre de vin. Il mange peu de pain, beaucoup de légumes verts, des fruits du fromage. Bref le régime de n’importe quel français. Jazy n’est pas un athlète dormeur, se contente de 8 heures en se couchant vers 22 h, réveil à 6 h, départ pour Marly.
1 réaction à cet article
Bodet
J ai couru avec ce Monsieur et je regrette beaucoup que les médias aient oublié ce modèle de personnage.
RB