Le tout nouveau campement Ahansal vient d’être installé pour accueillir les participants de cette première édition de l’UTMES. Au milieu d’un joli petit secteur dunaire, les coureurs peuvent apercevoir le col qui les attends pour les premiers kilomètres de la course, et se reposer sous des tentes tout confort, avec matelas grand luxe et toilettes en dur. Un passage bien marqué, une petite brèche dans une impressionnante muraille de roche domine le plateau. Au-delà, on rejoindra les grandes dunes de Chegaga avant de revenir, par un autre col, dans la vallée de Zagora. Nous sommes à 360 kilomètres au sud-est de Marrakech, dans la province de Zagora, aux portes du Sahara. Au pays des frères Ahansal, les plus fameux coureurs des dunes de la planète, organisateurs de l’évènement.
Enfants du désert
On peut vraiment dire qu’on est ici chez eux et que ce sont les sentiers qui les ont vu grandir qu’ils veulent faire ainsi découvrir. Ainsi Lahcen, le plus âgé des deux coureurs (mais ils sont les plus jeunes d’une fratrie de cinq), explique qu’il est justement né sur le parcours, juste derrière le premier col. « Ma mère avait gardé ses chèvres toute la journée, elle avait accouchée, seule, le soir, au milieu de la montagne. Nos parents étaient des nomades. » confie t il tranquillement. Cette fois-ci, c’est Mohamad, le plus jeune de la fratrie, qui est aux baguettes de l’organisation. Il a réussi à convaincre 50 coureurs, venus principalement d’Allemagne (le pays d’adoption des deux frères, qui possèdent aujourd’hui un passeport germanique) via un opérateur spécialisé et passionné, ami des frères depuis longtemps, et du Maroc. C’est une première et Mohamad est un peu tendu, mais comme toujours ici on prend les choses avec philosophie et bonne humeur: « Le parcours est long et difficile, il faudra courir de nuit, ce qui est toujours un peu inquiétant pour un organisateur, mais normalement nous avons tout prévu et ça devrait bien se passer! » déclare t il dans un large sourire.
Coureurs et organisateurs dans l’âme.
Il faut dire qu’en matière d’organisation Mohamad et son frère, agés aujourd’hui de 42 et 44 ans, n’en sont pas à leurs débuts. Depuis longtemps déjà ils tentent de faire partager leur expérience de coureur et de promouvoir les régions qu’ils aiment, leur ville natale de Zagora bien entendu et aussi les montagnes de l’Atlas. Si leurs débuts en course à pied date des années 90, où ils furent les premiers jeunes coureurs de la région à s’insérer dans le peloton du Marathon des Sables (MDS), pour débuter une saga familiale riche de dix victoires pour Lahcen et cinq pour Mohamad sur une épreuve qui a assuré leur notoriété et bouleversé leur destin, ils se sont lancés dès 2003 dans l’organisation, avec l’Extrême Marathon de Zagora. Une course qui, déjà, faisait découvrir aux coureurs européens le charme des portes du désert, mais permettait également aux locaux de se mesurer à un vrai parcours de trail et avec des athlètes venus d’ailleurs. Une façon pour Mohamad et Lahcen de donner aux jeunes athlètes la même chance qu’ils ont pu saisir lors de leurs premières participations au MDS.
Organiser pour soutenir des causes importantes au Maroc
Car pour ces fils du désert, le chemin parcouru est grand, et pas seulement en terme de kilomètres avalés à grande foulée. Désormais sportifs reconnus internationalement et personnages publics au Maroc, ils peuvent appuyer certaines causes grâce à leurs organisations. Ainsi, sur le Trans Atlas Marathon, une épreuve par étape traversant toute la chaîne du Haut-Atlas lancée par Mohamad il y a trois ans, ils ont pu soutenir des projets d’éducation. Ici, sur cette première édition de l’Ultra Trail Morocco Eco Sahara, l’idée force était de militer pour l’interdiction des sacs plastiques au Maroc, qui sont un facteur de pollution importante, puisque rien n’existe ici pour les retraiter. Ils finissent le plus souvent accrochés aux arbres, aux sorties des villes. Quelques jours après la course, l’annonce de l’interdiction des sacs plastiques sera effective, même si le chemin reste long pour porter la cause de l’environnement ici. Mohamad et Lahcen, qui sont toujours restés attachés à leur terre d’origine, y contribueront sans doute.
Un parcours majestueux mais difficile!
A la défense de l’environnement, comme au développement du trail running au Maroc, dont ils restent des acteurs essentiels. Cette première édition de l’UTMES, malgré un balisage nocturne difficile à suivre (les bâtons lumineux s’étant malencontreusement perdus à l’aéroport), fut un succès. Un parcours majestueux, qui menait les coureurs jusqu’aux dunes de Chegaga pour retrouver ensuite la montagne, faisant ainsi apprécier toute la diversité des terrains du sud marocain, un peloton de coureur satisfait, malgré la difficulté de la tâche: le soleil a frappé fort en cette journée de fin octobre, et le mercure a fait des dégâts, notamment chez les européens. “Nous ne sommes pas trop acclimatés en venant directement d’Allemagne, j’ai donc connu des difficultés gastriques mais je suis tout de même très content de ma course et du voyage” déclare ainsi Volker Schuh, un concurrent venu de Mannheim.
Une belle rencontre avec un Maroc authentique, sur une course organisée par des marocains, qu’a également ému Norden Ben Hassan, venu de Herxheim où il tient un magasin de running: “Mon père est d’origine marocaine, mais j’ai grandi en Allemagne, le pays de ma mère. Depuis quelques années, je suis de plus en plus curieux de découvrir mon deuxième pays, et cette course m’aura permis une vraie plongée dans le désert et son ambiance.” déclarait il au bout de 22h 42 d’effort et 110 kilomètres parcourus.
Une distance qui fut tout de même avalée en 11H 27 par le vainqueur Samir Akdahr, coureur de Zagora et successeur des frères Ahansal, qui devance le jeune et impressionnant allemand Tim Wortmann. Chez les dames, l’autrichienne Margite Hirtzy s’impose en 22h41.
Pour en savoir plus: https://www.facebook.com/Ultra-Trail-Morocco-Eco-Sahara-UTMES-375970159234956/?fref=ts
Les prochaines courses organisées par les frères Ahansal: Le transatlasmarathon et le marathon de Zagora
Le récit de course de Sylvain Bazin sur l’UTMES:
http://sylvainbazin.blogspot.fr/2015/11/utmes-une-longue-bataille-interieure.html
La galerie photos