A 25 ans – elle en aura 26 le 19 décembre 2011 – Elodie Guegan est une jeune femme pour qui l’expression « mens sana in corpore sano » semble avoir été inventée. « Un esprit sain dans un corps sain ».
Son corps, d’abord. Ce physique parfait, elle l’entretient tous les jours depuis de longues années. Depuis qu’elle a mis le pied dans l’univers de l’athlétisme professionnel, en rejoignant l’INSEP. C’était en septembre 2006.
Elodie a alors 21 ans, elle vient de réussir le concours d’entrée à l’école d’infirmière du Mans. Mais dans le même temps, bien sûr, elle court, déjà. Et elle gagne. Cet été là, elle termine cinquième des championnats du monde juniors. « On nous avait dit : « si vous réussissez à être finalistes, vous avez une chance de percer chez les séniors ». Là, j’ai eu une prise de conscience », se souvient la jeune Bretonne. Infirmière et athlète de haut niveau ? « Ca n’était pas compatible ». Il a donc fallu faire un choix. « Courir, ce n’est pas un métier », s’inquiètent ses parents. Mais quand elle décide finalement de privilégier l’athlétisme, ils lui font confiance. « Ils savent que je suis une fille sérieuse », sourit Elodie.
Un quotidien rythmé par l’athlétisme
Oui, il en faut, du sérieux, pour respecter son « style de vie ». Bien loin de celui de ses copines de lycée. « Elles ont un travail, un mari, des enfants… C’est difficile de me comprendre quand on ne me voit pas au quotidien », explique la spécialiste du 800 mètres. Son quotidien est rythmé par le sport. « On y pense tout le temps, même sans s’en rendre compte. Quand tu vas au restau avec des amis par exemple, tu te dis : « je vais me faire plaisir »…. Et puis, tu penses aux 500 grammes que tu pourrais prendre… alors, même si finalement tu te fais plaisir, tu y penses. Parfois, je me dis aussi : « je mettrais bien cette paire de chaussures. Mais si je la mets, elle risque de me faire mal aux pieds, aux mollets, et ça va me perturber dans l’entraînement ».
On ne sépare pas si facilement sport et vie privée. D’ailleurs, avoir une vie amoureuse « c’est faisable », explique Elodie, mais difficile. « Dans ma conception des choses, en matière de sentiments, il faut donner, et pas seulement recevoir. Or donner, ça demande du temps. Partager la vie d’un ou une sportive, ça veut dire que la personne doit se mettre dans l’ombre de l’autre. Je ne veux pas faire subir ça ».
Mais attention, loin d’elle l’idée de se plaindre. Elle souhaite juste rappeler la « fatigue physique » et la « fatigue nerveuse » que lui procurent ses 5 à 6 heures d’entraînement par jour. Mais bien sûr, elle a conscience d’être « une privilégiée ». Parce qu’elle fait « ce qui lui plaît ». Et parce que « sans le sport, je ne serais pas la même. Je me suis construite en tant que femme ».
« Une machine »
Ado, elle joue au basket, puis découvre l’athlétisme au collège. « J’ai participé à un cross qui avait lieu tous les ans. J’ai raté le départ des filles, j’ai pris celui des garçons. Et j’ai terminé deuxième ». L’histoire est en marche, mais elle ne le sait pas encore.
« Ce qui me plaisait, au début, ce n’était pas forcément de courir, mais d’être avec mes copains et copines, de voyager ». Aujourd’hui, elle a l’œil qui pétille quand elle parle d’athlétisme. Ce sport qui est devenu une « drogue ». Cet « esprit de compétition » si « excitant ».
Elle va même jusqu’à dire qu’elle est « une machine ». Insensible, parfois ? « Oui, mais il le faut. Pendant deux minutes, sur la piste, on est des animaux. Ca se travaille. Bien sûr, on a le droit de craquer, mais il faut vite rebondir ».
« La saison qui arrive, je l’attends depuis 2008 »
Et elle sait de quoi elle parle. Nous sommes en 2008, en demi-finale du 800 m aux Jeux Olympiques (JO) de Pékin : Elodie, blessée au tendon d’Achille, sort sur civière. 2009 : elle est encore diminuée. Début 2010 : elle est opérée des deux tendons d’Achille. Conséquence : 6 mois de rééducation. Alors, certains lui demandent pourquoi elle a continué. Parce que « J’ai un principe : quand je me lance dans quelque chose, j’essaie d’aller au bout. Aujourd’hui, j’ai envie de pleurer, mais pas de chagrin, de joie ». Et elle ajoute : « La saison qui arrive, je l’attends depuis 2008 ».
Par « saison qui arrive », comprenez « les JO, à Londres, en 2012 ». « Le cœur du travail se fait maintenant », explique Elodie Guegan. « Ensuite, à partir du mois de mai, j’aurai jusqu’au 6 juillet 2012 pour me qualifier ». Pour cela, il faudra boucler un 800 mètres en moins d’ 1mn 59s 50. A sa portée, au vu de son record personnel (1mn 58s 93).
Mais elle le sait, « le sport, c’est aussi l’inconnu. Il y a une part de chance. On ne peut pas tout prévoir, et c’est parfois frustrant. » Alors pour mettre toutes les chances de son côté, Elodie va « s’imposer des règles, encore plus que d’habitude, notamment en matière de sommeil, de récupération, de soins kiné ». Ce qui ne l’empêchera pas de manger une crêpe de temps en temps. Parce qu’elle est Bretonne et qu’elle adore les crêpes. Et puis, la « frustration, ça ne sert à rien ». Cela ne l’empêchera pas, non plus, de s’accorder des pauses cinéma avec ses amis (comme The Artist, dernièrement, qu’elle a bien aimé). De se dire qu’elle devrait « profiter davantage des musées parisiens ». De penser à la mer, qui lui manque, parfois. Et de garder cette curiosité qui fait son charme. Cette curiosité qui l’a poussée à suivre un cursus communication et journalisme à Sportcom – elle a notamment été reporter du CIO, aux Jeux Olympiques de la Jeunesse en 2010 à Singapour.
Rien ne semble pouvoir lui faire perdre son sourire. Pour preuve, cet après-midi là, elle avait rendez-vous pour une séance d’une demi-heure de musculation. Elle n’aime pas la musculation, mais cela n’entache en aucun cas sa bonne humeur et sa joie de vivre : « Aujourd’hui, je suis heureuse. Je savoure chaque instant, je vis au jour le jour ». Voilà qui rappelle une autre expression latine qui lui va bien… « Carpe diem » !
Nota: Elodie a intégré la rédaction de lepape-info et effectuera régulièrement des reportages et des interviews… afin de nous permettre de mieux comprendre le quotidien des sportifs de haut niveau, le sien mais aussi celui de ses amis(e)s.
Sa fiche d’identité
Née le 19 décembre 1985 à Ploemeur
Célibataire
Interne à l’INSEP depuis septembre 2006
Taille – poids : 1m69 pour 55 kg
Records personnels : 1m 58s 93 sur 800 ; 4m 10s 62 sur 1 500m
Club : Lille Métropole Athlétisme
Son palmarès
2011
4ème aux Jeux Mondiaux Militaires sur 800m
4ème des championnats de France sur 800m
2009
Vice-championne de France du 800m
Championne du monde militaire sur 800m
Demi finaliste aux championnats du monde à Berlin sur 800m
2008
Championne de France sur 1 500m
Demi-finaliste aux JO de Pékin sur 800m
2007
Vice-championne d’Europe des -23 ans sur 800m
Demi-finaliste aux championnats du monde à Osaka sur 800m
Championne de France du 800m