Philippe Rémond

Philippe Rémond, prince du Médoc

Il est toujours dans les pelotons, présente l’un des plus beaux palmarès de la course sur route en France et court depuis 20 ans. Pourtant, il ne saura toujours pas vous dire s’il aime courir ou avant tout la compétition. Pour ce Dijonnais d’origine, même si aujourd’hui il vit à Marseille, le haut niveau et la recherche de la performance ont toujours été plus forts que la discipline.

Jeune, il court de 1978 à 1982 puis stoppe pour plonger dans les bassins et multiplier les longueurs. Ce sera ensuite la boxe anglaise. « Je suis un vrai passionné, je connais tous les champions, les grands combats, ça me parle plus que tout ». Et c’est ainsi que de 18 à 22 ans, il fréquente les rings avec assiduité. « Je n’étais pas mauvais, mais il faut reconnaitre que j’ai beaucoup de chance, j’ai toujours réussi à bien m’exprimer quel que soit le sport… »

A 17 ans, il stoppe ses études. Puis ce sera le service militaire dans les chasseurs alpins. « Je voulais un service sportif, j’étais servi mais je n’aimais pas la hiérarchie… A 18 ans, j’étais vraiment un petit c… Je ne comprenais rien, je pensais : qui il est, lui, pour me dire ça, pourquoi je devrais le saluer, lui obéir ? Je n’aimerais pas avoir un fils comme moi à l’époque !»

Durant cette période, Philippe ne sait ni ce qu’il veut ni ce qu’il veut faire. « Je ne voulais pas bosser, je pensais faire du cinéma peut-être ou autre chose… Mais je n’ai rien fait pour tenter, voir ce que cela pouvait donner. En fait, j’ai toujours eu la chance (ou la malchance) que les gens m’aiment bien, et viennent me chercher, alors j’attendais ! »

C’est une rencontre à l’âge de 25 ans qui va changer sa vie. Georges Gacon, entraîneur d’athlétisme spécialisé dans le demi-fond lui glisse : «  tu devrais courir ». Philippe s’inscrit au Dijon Université Club et s’entraîne. Très vite les résultats tombent, tout comme les sponsors. « J’ai compris que si je menais bien ma barque je pourrais décemment gagner ma vie. Là, j’ai eu de la chance aussi car Georges m’a appris à courir et obligé à avoir une vraie préparation physique, c’est ce qui explique que je n’ai jamais été vraiment blessé. »

A l’issue de deux saisons de 3 000 m steeple, où il est sélectionné en Equipe de France pour des matches internationaux et après avoir perfectionné sa technique de course, il s’essaye à la course sur route et comprend que pour gagner sa vie, il doit se tourner vers les pelotons. « Georges Gacon était un peu embêté mais je sentais que c’était là ma place plus que sur piste. »

Dès 1992, il multiplie les dossards, s’entraînant et courant surtout à l’instinct. « Je suivais mon intuition, mes sensations. Je me suis aussi documenté et j’ai récolté à droite et à gauche les conseils des autres athlètes… Ensuite, hé bien j’ai effectué ma propre communication et trouvé des sponsors afin de pouvoir vivre de ma passion… »

Il rencontre alors Régis Dumange « un véritable passionné. Un chef d’entreprise qui aime autant le sport que les sportifs, qui sait ce qu’est l’effort et qui m’a toujours suivi. C’est un mécène, un ami qui a été là tout au long de ma carrière ». En 1993, il remporte son premier marathon du Médoc en 2h20mn07s « mon premier marathon. C’était l’anniversaire de Régis et ma façon de le célébrer ! ». Après le Médoc, il y aurait Reims en 2h16 puis Paris en 1994 avec un chrono de 2h13mn22s. « J’ai ensuite commencé à rêver… J’ai couru New-York en 1995, 1996 et 1997. 1995… ma grande année. Je réalise mon meilleur temps sur marathon, à Paris, avec un chrono de 2h11mn22s (5e). Certainement l’année où j’étais le plus fort. Alors, lorsque je me suis présenté sur la ligne de départ à New York, je croyais pouvoir faire quelque chose mais j’étais anxieux, je me suis mis la pression. Il faisait froid, je n’étais pas bien. J’arrive en tête sur la 1ère avenue mais au 30ekm, je prends la foudre plus fort que le mur encore ! Je termine en marchant en 2h17mn44. 26e, ma meilleure place, mais je valais 2h08/2h09 à l’époque. Cette année-là, j’ai fait de grosses erreurs. J’ai multiplié les courses. Ainsi trois semaines avant, j’ai fait lièvre sur le marathon de Reims sur 30 km sur des allures de 2h08. Une vraie bêtise. »

Il a fallu de nombreuses années à Philippe pour prendre ce recul et dire aujourd’hui : « A force de multiplier les courses, je ne suis jamais descendu sous la barre des 2h10 sur marathon. J’ai couru après tout le temps… Je sais aujourd’hui que lorsque la forme est là, que l’on est bien dans sa tête et dans les jambes, il ne faut pas se disperser. Il ne faut pas tout vouloir et bien cibler ses objectifs. Je n’ai pas su le faire. »

Le trail : un phénomène compréhensible

Reste de beaux souvenirs avec entre autres son titre de champion de France en 1994, sa victoire sur Marvejols-Mende 1996 « une grosse classique, le mythe » et celle sur le Jogging des notaires en 1995 (course qui a disparu du calendrier qui se déroulait à l’hippodrome de Vincennes, ndlr). Côté regrets, « un gros, celui d’avoir laisser passer ma chance de réaliser un beau chrono.  La barre des 40 ans arrive vite, l’heure est passée sans même t’en rendre compte. Et puis tu en viens à te poser des questions, à te demander si tu dois changer de vie. » La crise de la quarantaine.

Une crise peut-être, mais Philippe ne quitte pas les pelotons et en 2003, lors des championnats du Monde d’athlétisme à Paris il porte à nouveau les couleurs de la France sur le marathon avec un chrono de 2h17. Un beau moment et un regret. « J’étais vétéran et je portais les couleurs de la France. Pas vraiment normal mais l’illustration de l’état des lieux du marathon et de la course sur route en France. Pour être coureur et plus encore marathonien de haut niveau, il faut faire des sacrifices et avoir les moyens de s’entraîner, de ne se consacrer qu’à ça, pas simple comme choix. De plus, aujourd’hui au palmarès des courses, vous n’avez que des Kenyans ou des Ethiopiens, c’est dur pour un Européen et encore plus pour un Français d’exister et donc d’attirer les sponsors qui pourraient vous financer et donc vous permettre de vous entraîner correctement. L’arrivée du trail bouleverse encore plus la donne car toutes les marques se positionnent et désertent la course sur route. Je comprends le phénomène, je comprends que l’on puisse s’éclater à faire 30 km ou plus en montagne. Il y a à la fois la compétition avec le haut niveau et des athlètes très forts, et un peloton qui s’amuse, qui se challenge, qui se soude autour d’un même objectif : arriver. En course sur route, le virage n’a pas été pris. La masse recherche l’effort mais aussi un moment convivial. Hormis les grandes courses comme le marathon de Paris, Marseille-Cassis, Paris-Versailles et bien sûr le Médoc on sent bien que tous cherchent des solutions, multiplient les courses pour un même évènement. Il faudrait des villages courses partout plus structurés et plus chaleureux. Il faut des animations avant, pendant et après la course mais pour cela il faut un budget et des sponsors… »

Alors que Dominique Chauvelier, son comparse, s’oriente plus vers l’animation micro en main, la vie en club ou encore les meneurs d’allure, sans pour autant oublier de prendre des dossards de temps en temps, Philippe a choisi un travail plus dans l’ombre. Toujours là au départ des grandes classiques ou autres courses qu’il affectionne, il s’est aussi impliqué dans quelques organisations de course du côté de Dijon, et surtout intervient auprès d’entreprises comme consultant ou coach. Au niveau de sa forme, « J’essaye de courir tous les jours, c’est devenu un vrai plaisir. Il n’y a plus cette quête de la performance mais je vais quand même sur la piste trois fois par semaine avec Antoine De Wilde. »

Antoine De Wilde, son protégé (ancien spécialiste du 3000 m steeple) puisqu’il officie auprès de lui en tant qu’entraîneur-manager. Comme il se doit, Antoine fera son entrée dans le monde du marathon…. lors du prochain marathon du Médoc, le 8 septembre 2012.

Presque logique, car pour le passionné d’œnologie qu’est Philippe Rémond, le Médoc est une course particulière. Il y a non seulement couru son premier marathon mais s’y est aussi forgé un palmarès hors du commun avec neuf victoires entre 1995 et 2004. Cette année, officiellement, Philippe sera le lièvre d’Antoine mais reste à savoir qui sera le premier des deux à franchir la ligne d’arrivée !

Sa carte de visite

Né le 9 novembre 1963
1m83
69 kg
Deux filles Charlotte et Léa
Meilleur temps sur marathon : 2h11mn22s (1995) (11e meilleure performance française de tous les temps)
9 fois vainqueur du marathon du Médoc (2000 à 2004 ; 1995 à 1998)
4 fois vainqueur du marathon des Grands crus de Bourgogne

Champion de France de marathon en 1994 et en 2001
11e aux championnats du monde de marathon en 1997 à Athènes
Vainqueur de Marvejols-Mende en 1996
Vainqueur des 20 km de Paris en 2001
Vainqueur de la Saintelyon en 2008
5e du Marathon des Sables en 2007