Lepape-info : Nicolas, comment avez-vous vécu cette course ?
Nicolas Navarro : Plutôt bien, je suis parti dans le 2ème groupe qui annonçait avant le départ un passage en 1’03 au semi-marathon, on est finalement passé en 1h03’20, ce n’était pas pour me déplaire car j’avais peur que la cadence soit un peu trop rapide pour moi, je me sentais bien. La partie la plus dure fut quand les lièvres se sont écartés, il y en a 3-4 qui en ont profité pour relancer, le groupe a explosé dans la partie sinueuse de la ville. Je savais que si je passais ce moment plus compliqué cela irait puisque la fin de parcours est plus favorable à Valence, il fallait que je m’accroche. Sur les derniers kilomètres j’ai eu peur de revivre Séville en février dernier où tout d’un coup je n’avais eu plus rien dans le moteur. J’ai temporisé entre le 32ème kilomètre et le 36-37ème. Ensuite j’ai pu relancer sur la fin, je viens « mourir » à une seconde des 2h07 mais c’est anecdotique.
Lepape-info : Vous mettez une bonne claque à votre record (2h08’30) c’est une surprise ?
N.N : Oui un peu je m’attendais plutôt à courir aux alentours de 2h07’30-2h07’45 sur une configuration de course où je partais rapidement et j’explosais légèrement sur la fin. Au final j’ai été assez régulier puisque je fais le premier semi en 1h03’20 et le second en 1h03’41. Je pense que le début de course plus lent que prévu m’a aidé amis c’est une bonne surprise d’avoir bien tenu l’allure sur la fin même si je pense que Valence s’y prête avec un léger faux-plat descendant sur les 5 derniers kilomètres qui sont souvent les kilomètres les plus durs de manière générale sur un marathon.
Nicolas Navarro : « Quand j’arrive au bout de cette dernière ligne droite, je vois le chrono à 2h06 et je me dis je l’ai fait, je réalise que je vais faire aux alentours de 2h07 voire un peu moins et que c’est très fort. »
Lepape-info : Quand Mehdi Frère qui était avec vous a quelque peu craqué, cela vous a inquiété ?
N.N : Je n’avais pas calqué ma course sur lui, je faisais ma course il a eu un coup de moins bien peu après le 30ème kilomètre, il y a eu une cassure j’étais derrière lui, j’ai fait un effort assez violent pour revenir, j’ai mis quasiment un kilomètre et demi pour rentrer dans le groupe, j’ai eu peur d’avoir produit un effort trop important et de le payer après. J’étais moins bien, j’étais dans le dur comme l’on dit et il m’a fallu quelques kilomètres pour temporiser et récupérer, je reviens sur l’Espagnol Ayad Lamdassem et je finis assez fort.
Lepape-info : Vous avez eu le temps de savourer la dernière ligne droite ?
N.N : Pas vraiment (rires), je voyais que je pouvais passer sous les 2h07. J’ai essayé de relancer mais généralement sur la dernière ligne droite d’un marathon il ne reste plus grand chose dans les jambes. Il y avait énormément de monde dans les tribunes, beaucoup de ferveur, j’ai essayé d’en profiter mais ce n’était pas évident. Quand j’arrive au bout de cette dernière ligne droite, je vois le chrono à 2h06 et je me dis je l’ai fait, je réalise que je vais faire aux alentours de 2h07 voire un peu moins et que c’est très fort.
Nicolas Navarro : « Si Valence devient « qualificatif » pour les Jeux de Paris oui c’est un grand pas en avant de fait vers Paris 2024, je ne pense pas que l’on soit 4 Français ou plus à faire un chrono autour de 2h07 enfin je ne crois pas. »
Lepape-info : Que représente pour vous cette performance ? Vous êtes désormais le 4ème marathonien Français de tout les temps
N.N : Cela place la performance et cela prouve aussi que le niveau du marathon en France progresse. C’est le fruit de tout le travail que l’on met en place depuis quelques temps avec mon coach, cela s’est vu aussi avec le titre mondial sur 100 km de Floriane Hot (la compagne de Nicolas Navarro), cela récompense tous les sacrifices faits depuis l’an dernier, cela a failli se concrétiser à Munich lors des championnats d’Europe où je ne passe pas loin de la médaille (5ème malgré une chute peu avant l’arrivée). Cela démontre que je peux faire des choses à haut niveau, un jour comme aujourd’hui fait du bien. Avec Floriane on a vécu des émotions assez fortes cette année qui fut fantastique.
Lepape-info : Avec votre chrono, vous avez l’impression d’avoir fait un premier pas vers les Jeux olympiques de Paris 2024 ?
N.N : On ne sait toujours pas si oui ou non le marathon de Valence sera comptabilisé pour la réalisation des minima pour les Jeux mais je plus serein dans ma tête. S’il faut aller chercher un gros chrono, j’ai prouvé que je pouvais le faire, c’est plus simple mentalement. Si Valence devient « qualificatif » pour les Jeux de Paris oui c’est un grand pas en avant de fait vers Paris 2024, je ne pense pas que l’on soit 4 Français ou plus à faire un chrono autour de 2h07 enfin je ne crois pas.
Lepape-info : Ce chrono va changer vos plans pour le début de l’année 2023 ? Le marathon de Séville reste d’actualité ?
N.N : On va voir si Valence compte pour les Jeux, on va penser à se reposer mais sinon le marathon de Boston me tente bien aussi. D’ici la fin de l’année je vais peut-être faire le 18 décembre le 10 km de la Corrida de Houilles (Yvelines) pour me faire plaisir enfin je ne sais pas si sur 10 km on a vraiment le temps de prendre du plaisir (rires), du moins je vais essayer de surfer sur la forme du moment pour voir ce que cela peut donner sur un 10 km sans pression, rien n’est certain tout dépendra de ma récupération.
Lepape-info : Dans quel état vous sentez-vous ? Soulagé ? Fier ?
N.N : Surtout serein et libéré. Après le marathon de Séville en début d’année j’avais envie de recourir un marathon rapide car Munich pour les championnats d’Europe en août n’était pas une course à record. Je voulais aussi montrer aux représentants de mon équipementier qu’ils font du très bon boulot. Je leur ai fait confiance, je les remercie encore plus pour tout le travail fourni, j’ai fait le bon choix en juin dernier en signant avec « On Running », c’est une façon de valider tout les efforts et leur important investissement de qualité. Ensemble on va aller jusqu’aux Jeux de Paris voire plus loin.
Nicolas Navarro : « Mon quotidien a changé, je ne m’entraîne pas forcément plus mais les à-côtés comme la récupération sont améliorés. Je peux me poser entre les séances, je peux aller chez le kiné, l’osthéo si besoin, faire des siestes comme tout sportif de haut niveau plutôt que de piétiner comme avant toute la journée en travaillant dans un magasin. »
Lepape-info : Vous avez le sentiment d’avoir franchi une étape ?
N.N : Oui quelque part car jusqu’à présent j’étais regroupé avec d’autres aux alentours de 2h08’30-2h10, la barre à 2h07 est forcément plus élevée et dans ce sens j’ai franchi un cap. Déjà cet été à Munich je m’étais rassuré en pouvant rivaliser avec des spécialistes qui avaient de meilleurs records personnels que moi.
Lepape-info : Votre changement de vie professionnelle il y a un an a joué aussi un rôle important dans votre progression
N.N : Oui en décembre 2021, j’ai quitté Décathlon où je travaillais. J’ai été embauché par les Pompiers13, le SDIS 13 plus précisément, je suis détaché j’ai quelques missions dans l’année, je peux m’entraîner pleinement quand il le faut sur les grosses préparations, j’ai carte blanche. Pour cela je remercie énormément Grégory Allione (chef de corps du service départemental d’incendie et de secours des Bouches-du-Rhône), je lui suis redevable et reconnaissant grâce à lui je ne suis plus obligé de poser des congés sans solde comme je le faisais avant pour pouvoir me préparer pour les grands rendez-vous. C’était une opportunité à saisir, cela prouve aussi qu’il a fait le bon choix en me recrutant pour mettre en place quelque chose pour le sport et aider les sportifs au sein du SDIS 13. Mon quotidien a changé, je ne m’entraîne pas forcément plus mais les à-côtés comme la récupération sont améliorés. Je peux me poser entre les séances, je peux aller chez le kiné, l’osthéo si besoin, faire des siestes comme tout sportif de haut niveau plutôt que de piétiner comme avant toute la journée en travaillant dans un magasin.
Lepape-info : Votre compagne Floriane Hot championne du monde du 100 km est aussi une source de motivation
N.N : Elle m’a fait vivre des émotions de dingue cet été, j’y ai forcément pensé aujourd’hui en me disant que ma course durait 2h alors que la sienne faisait 7h, quand c’était plus compliqué je me suis dit : « Tu serres les dents et cela va passer ». Cela me pousse vers le haut, ce n’est que du positif.