Lepape-info : Nicolas, comment s’est passée votre installation au village paralympique mardi ?
Nicolas Becker : Déjà dès notre arrivée au Japon, la prise en charge fut parfaite. Dans notre camp de base à Fujikawaguchiko avant de rejoindre le village paralympique nous étions dans une ambiance familiale, zen avec que nous et les personnes qui nous ont accueillis dont certaines comme notre traductrice Yoko que je connaissais lors de précédents déplacements au Japon. Au village, changement d’ambiance, c’est l’usine avec les bus à la chaine, les grands buildings.
Nous avons retrouvé la délégation Française c’était sympa avec l’accueil du chef de mission, nouveau rythme avec les repas à la cantine qui est surdimensionnée. nous sommes arrivés le jour de la cérémonie d’ouverture avec les délégations en costume traditionnel c’était beau cela nous a mis dans le bain d’entrée. Nous sommes dans le vif du sujet, je pense que pour l’équipe c’était bien d’avoir eu un « sas » d’une semaine où tout le monde a pu digérer le décalage horaire avec la remise en place d’entraînements intenses mais à la carte. À présent on ne décide plus de rien, nous avons des horaires imposés, on doit prendre un bus pour aller à l’entraînement, on est plus à notre rythme.
Lepape-info : Vous avez fait la reconnaissance de la partie natation ce mercredi
N.B : Nous avons pris la navette à 5h du matin pour aller sur le site de la course. Au delà de la natation mon but était aussi de montrer le parc à vélo à ceux et celles qui n’avaient pas fait le Test Event il y’a deux ans et qui ne le connaissaient pas encore. Accessoirement le but était aussi de nager mais on n’était pas sur de pouvoir le faire. Des indices de qualité de l’eau sont pris tous les jours, dimanche et lundi dernier les résultats n’étaient pas bons, mardi c’était mieux et là on a eu le feu vert. Tout le monde a nagé sur le parcours avec les bouées dans une eau à 28 degrés. Alexis Hanquinquant a par exemple fait 3 tours de circuit pour s’entraîner mais on ne va pas répéter ce genre de session pour éviter les problèmes de santé si les paratriathlètes boivent la tasse !
Nicolas Becker : « Le site du camp de base avant d’aller au village paralympique se prêtait vraiment à l’entraînement avec un lac au pied du mont Fuji avec pratiquement personne sur les routes mais j’ai du freiner les paratriathlètes pour qu’ils ne fassent pas 5h par jour ! »
Lepape-info : Ce problème de qualité de l’eau n’est pas nouveau
N.B : Ici ils savent qu’ils sont sur la corde raide au niveau de la qualité de l’eau, ils arrivent à fermer un peu la baie avec des séries de filets qui filtrent l’eau pour éviter que tout ce qui rentre dans la baie s’introduise dans la partie du bassin natation du paratriathlon. Ils ont aussi un système avec 3 turbines pour remuer l’eau et faire remonter ce qu’il faut à la surface pour l’éliminer. Entre les Jeux olympiques et paralympiques ils avaient rouvert la baie, cela avait repollué l’eau. Ils ont réussi à nettoyer et cela va être bon, ce sera dans les standards, dans les normes. De toute façon nous avons de l’Aquatabs, ce sont des pastilles de chlore que l’on ingère un peu avant et un peu après, cela chlore un peu l’organisme et cela évite de protéger un peu s’il y a des bactéries. À l’heure actuelle tout va bien, personne ne s’est plaint de maux de ventres.
Lepape-info : Les paratriathlètes Français sont visiblement impatients d’en découdre
N.B : Les 3 premiers jours, ils se sont remis du décalage horaire en s’occupant de leur matériel. Ensuite ils sont repartis de plus belle comme s’ils étaient en stage ! On court le matin, on roule l’après-midi… le soir du 4ème jour j’ai du les prévenir et leur rappeler qu’ils n’étaient pas en stage et qu’il fallait juste retrouver des sensations à 10 jours des Jeux et de ne pas développer certaines choses de manière intensive qu’ils font en stage. Le site du camp de base avant d’aller au village paralympique se prêtait vraiment à l’entraînement avec un lac au pied du mont Fuji avec pratiquement personne sur les routes mais j’ai du freiner les paratriathlètes pour qu’ils ne fassent pas 5h par jour ! Ils ont compris qu’ils fallait garder de l’énergie pour la compétition mais aussi pour le village avec beaucoup de choses à gérer notamment le fait d’être 4 par appartement et toute l’ambiance à part qui peut vous disperser comme avec les rencontres avec les stars de certaines disciplines dans les allées du village, à la cantine comme Tatyana McFadden (parathlétisme) que l’on a vu. Cela permet aussi de voir que nous sommes avec tout ce beau monde et qu’il va falloir contribuer à notre façon au tableau des médailles. On souhaite vraiment que le paratriathlon existe durablement dans cette équipe de France paralympique en rapportant une ou plusieurs médailles lors de chaque Jeux comme en 2016 (1 médaille).
Nicolas Becker : « Autant Alexis Hanquinquant est le leader charismatique de cette équipe, il prend la parole et emmène le groupe, autant Gwlayds Lemoussu apporte sa précieuse expérience du haut-niveau. Elle arrive en forme au bon moment elle a très bien géré sa préparation avec son pic de forme, elle est détendue. »
Lepape-info : Par rapport à Rio, vous avez une équipe encore plus solide
N.B : Nous avons des paratriathlètes qui n’ont qu’une course individuelle, à la différence des Jeux olympiques il n’y a pas de relais. Nous avons un leader Alexis Hanquinquant qui ne se cache pas, il arrive avec le statut de grand favori. Encore ce matin lors de la reconnaissance natation les autres internationaux ne faisaient que de l’observer, ils regardaient tout ce qu’il faisait : pourquoi il place son vélo comme cela, pourquoi il nage comme ceci ? Est-ce qu’il a changé sa lame de course ? Nous sommes humbles par rapport à Alexis car il y a la possibilité qu’il soit dans un mauvais jour le jour J mais nous pensons qu’il a suffisamment de marge et d’expérience pour aller au bout de son projet. Il a tout mis en place, il a sécurisé au maximum tous les paramètres en continuant de progresser pendant le confinement en 2020. Alexis devrait nous rapporter une médaille et c’est le contrat minimum, il n’a qu’une idée gagner l’or.
Lepape-info : Votre rôle en tant que manager est aussi d’entraîner la dynamique collective derrière Alexis Hanquinquant
N.B : Oui tout à fait d’autant que nous avons beaucoup de paratriathlètes qui sont dans le « coup » comme l’on dit et qui se sont bien préparés. Nous savons qu’il faut aussi un peu de réussite on a eu quelques exemples avec certains qui ont failli avoir un accident d’autres qui en ont été victimes comme Cécile Saboureau percutée par un camion lors d’une sortie à vélo pendant le dernier stage national à Vichy et qui a du déclarer forfait. L’équipe présente a des arguments, nous sommes deux fois plus nombreux qu’à Rio et la qualité n’a pas baissé. Ce serait bien de revenir de Tokyo avec au moins 2 médailles.
Lepape-info : La médaille de bronze à Rio de Gwladys Lemoussu présente à nouveau à Tokyo est un moteur pour l’équipe de France ?
N.B : Autant Alexis Hanquinquant est le leader charismatique de cette équipe qui prend la parole, qui emmène le groupe, autant Gwlayds Lemoussu apporte sa précieuse expérience du haut-niveau. Elle arrive en forme au bon moment elle a très bien géré sa préparation avec son pic de forme, elle est détendue. Elle sait qu’elle est bien et que cela ne sert à rien de se prendre la tête. Elle est hyper relax et elle fait du bien à tout le monde avec l’attitude idéale. Elle a permis à certains de se recentrer sur ce qu’ils peuvent maîtriser à savoir d’essayer d’être en forme et de ne pas perdre d’énergie avec des détails. C’est le principe de créer les conditions de sa réussite. Gwlayds sait qu’elle a des concurrentes redoutables mais elle ne se prend pas la tête avec la concurrence et elle fera sa course sans avoir aucun regret.
Lepape-info : Le reste de l’équipe de France affiche aussi de belles ambitions
N.B : Il y a des catégories où il y a des grands favoris mais il faut voir ce qu’il reste comme place pour accrocher éventuellement un podium. Dans les tandems femmes par exemple en PTVI avec Annouck Curzillat, et son guide Céline Bousrez il y a une belle carte à jouer derrière une Espagnole et une Britannique. Elles sont 4 dont Annouck à jouer la médaille de bronze. Chez les tandems hommes en PTVI nous avons deux duos avec Thibaut Rigaudeau et son guide Cyril Viennot ainsi qu’Antoine Pérel et son guide Olivier Lyoen. Au total sur cette course ils sont 7 tandems à pouvoir se disputer n’importe quelle place du podium. Pareil dans la course fauteuil PTS5 Hommes avec Yannick Bourseaux il peut jouer le bronze cela sera très serré. Même constat en PTWC Hommes avec Ahmed Andaloussi et Alexandre Paviza en outsiders il y a une occasion d’aller chercher une médaille derrière deux Néerlandais très forts. Et dans tous ces cas de figure, l’exemple de Gwladys est très important, en arrivant à Rio elle était 4 ou 5ème mondiale, elle a fait la bonne course et elle a rapporté le bronze au final.
Lepape-info : Comment définir cette équipe de France en quelques mots ? Quelle est sa force ?
N.B : Il existe vraiment une solidarité, nous avons une expérience commune assez forte avec environ 4 stages par an depuis 2016-2017. On a beaucoup voyagé en Australie, au Japon on a fait deux stage à la Réunion très fondateurs pour le groupe. Le groupe vit bien ensemble, il se bonifie, il a un vécu commun, ils se connaissent bien et nous aussi on les connait bien. Les 2 tandems hommes sont des duos qui sont en concurrence et ils font tout ensemble, ils sont bienveillants les uns envers les autres, on dirait qu’ils sont à 4 sur le même vélo, c’est très positif.
Lepape-info : Comment vivez-vous le moment présent à l’approche du week-end de compétition ?
N.B : Je me sens épaulé, j’ai un staff autour de moi hyper soudé avec notamment Cyrille Mazure, cheville ouvrière du projet depuis le départ et qui était déjà avec moi à Rio sans oublier Fabien Lacote le kiné du Pôle France de Boulouris (Var) que les paratriathlètes connaissent depuis longtemps, Jérémy Guérin notre mécano, Nicolas Poulot l’entraîneur d’Alexis avec qui je passe énormément de temps, Sébastien Libicz le préparateur physique, Alexandre Dodu. Je sens qu’on a les qualités requises dans le staff pour mettre les paratriathlètes dans les bonnes conditions. Maintenant c’est à eux et à elles d’aller chercher la grosse performance le jour J, de ne pas avoir de regret. Je me sens investi d’une certaine responsabilité mais je fais confiance aux sportifs, ils ont démontré qu’ils et elles n’étaient pas là par hasard. Le but est de trouver le bon équilibre entre la concentration et les moments de détente aussi en étant attentifs à ce qu’il n’y en ait pas un qui décroche.
Lepape-info : Vous attendez quoi de ce week-end ?
N.B : On a professionnalisé la discipline avec de gros moyens, les paratriathlètes se sont énormément investis, il faut faire les choses dans l’ordre : tout donner en ayant cramé ses cartouches dès le 1er tour de vélo c’est un erreur. Il faudra bien gérer son effort, être attentif et ne pas tout donner bêtement. Il faut être malin et éventuellement utiliser des tactiques de course parce que c’est un sport à « places », tout donner c’est bien mais moi je veux que les sportifs fassent des places.
Programme du paratriathlon aux Jeux de Tokyo :
Samedi 28 août
6h30 (23h30, heure française vendredi 27/8) : PTS 4 Hommes (Alexis Hanquinquant)
6h30 (23h30, heure française heure française vendredi 27/8) : PTS2 Femmes
8h30 (1h30, heure française) : PTVI Hommes (Thibaut Rigaudeau, Cyril Viennot (guide) ; Antoine Pérel, Olivier Lyoen (guide))
8h30 (1h30, heure française) : PTVI Femmes (Annouck Curzillat, Céline Bousrez (guide).
Dimanche 29 août
6h30 (23h30, heure française samedi 28/8) : PTWC Hommes (Ahmed Andaloussi, Alexandre Paviza)
6h30 (23h30, heure française samedi 28/8) : PTWC Femmes (Mona Francis)
8h30 (1h30, heure française) : PTS5 Hommes (Yannick Bourseaux)
8h30 (1h30, heure française) : PTS5 Femmes (Gwladys Lemoussu)
Format des courses : 750 m de natation, 20 km de cyclisme, 5 km de course à pied.
Catégories de handicap :
> PTWC (Paratriathlon WheelChair)
Utilisateurs de fauteuils roulants. Les athlètes doivent utiliser le handbike couché sur le parcours vélo et un fauteuil de course sur la partie course à pied.
> PTS2 (ParaTriathlon Standing – catégories debout)
Handicap sévères. Dans les deux parties vélo et course, les athlètes amputés peuvent utiliser des prothèses approuvées ou autres dispositifs de soutien approuvés.
> PTS3 (ParaTriathlon Standing – catégories debout)
Handicaps significatifs. Dans les deux parties vélo et course, les athlètes amputés peuvent utiliser des prothèses approuvées ou autres dispositifs de soutien approuvés.
> PTS4 (ParaTriathlon Standing -catégories debout)Handicaps modérés. Dans les deux parties vélo et course, les athlètes amputés peuvent utiliser des prothèses ou autres dispositifs de soutien approuvés.
> PTS5 (ParaTriathlon Standing – catégories debout)
Handicaps légers. Dans les deux parties vélo et course, les athlètes amputés peuvent utiliser des prothèses ou autres dispositifs de soutien approuvés.
> PTVI (ParaTriathlon Visual Impairment)
Déficit visuel partiel ou total (IBSA / l’IPC définit des sous-catégories B1, B2 et B3). Cette catégorie inclut les athlètes qui sont totalement aveugles (aucune perception de la lumière dans les deux yeux), les athlètes ayant une perception de la lumière (B1) et les athlètes partiellement voyants (B2-B3). Un guide est obligatoire.