Lepape-info : Morhad, dans quel état de forme abordez-vous le marathon de Paris ce dimanche ?
Morhad Amdouni : C’est une étape, à la base je devais le faire à 100% de mes capacités. J’ai pris la décision de courir en sachant que le vrai objectif de la saison sera le championnat du monde à Budapest (Hongrie) en août. Le but principal ce dimanche sera le plaisir. Cela me permettra de créer une amorce à ma saison, c’est essentiel. Je ne pars pas cette fois-ci pour un nouveau record de France.
Cela fait partie de ma préparation pour le championnat du monde et puis ce marathon est à Paris, là où j’habite. On verra comment cela se passera car je l’aborde sans aucune pression. Le plus important c’est ce qui arrivera après lors des autres échéances.
Morhad Amdouni : « Actuellement je ne suis pas prêt pour courir un marathon en 2h05 voire moins. Si je réalise les minima tant mieux, nous verrons. Je prends le départ dimanche parce que c’est à Paris, il y a aussi l’aspect financier qui entre en ligne de compte pour financer mes stages, ma préparation. »
Lepape-info : Sans parler de nouveau record de France, avez-vous un objectif chronométrique ?
M.A : Je ne me mets aucune pression avec les minima pour les Jeux olympiques de Paris 2024, ce qui prédomine pour le moment c’est de se faire plaisir et de continuer à enchainer les entraînements par la suite. En termes de préparation, j’ai fait quelques séances bien rythmées et je verrais bien dimanche où j’en suis. Le but est avant tout de partir sur de bonnes bases pour enchainer le reste de la saison. Les dernières sorties se sont bien déroulées mais un marathon reste un marathon avec ses mystères, ses surprises et ses aléas. Ce n’est pas comparable à un 5 km, un 10 km ou même un semi. Je ne partirai pas sur de grosses bases pour prendre le risque de terminer difficilement. Mais sachez que si le marathon de Paris n’était pas au calendrier, je n’aurais pas couru ailleurs. Parce que tout simplement ma préparation n’a pas été optimale. Actuellement je ne suis pas prêt pour courir un marathon en 2h05 voire moins. Si je réalise les minima tant mieux, nous verrons. Je prends le départ dimanche parce que c’est à Paris.
Lepape-info : Qu’est ce qui a fait que vous n’êtes pas prêt à recourir dimanche en 2h05 ?
M.A : J’ai eu des contretemps avec des blessures au mollet et je suis aussi tombé malade. Ma dernière course à Houilles fin décembre était prometteuse, très encourageante comme certaines de mes séances. J’ai ce dilemme de courir dans un état de forme mitigé au risque d’empirer la situation et la contrainte financière pour subventionner ma préparation.
Lepape-info : Votre record de France du marathon l’an passé a t’il changé votre situation ? Etes-vous davantage soutenu par les partenaires, sponsors ?
M.A : C’est compliqué… très compliqué. Il y a aujourd’hui des rivalités, des différents entre les athlètes, les managers et même au niveau marketing. Je me retrouve au milieu. Je cours, je fais ce que j’ai à faire sans rien demander à personne. L’important à mes yeux est de montrer que je suis toujours présent avec de la réussite si possible. Pour se faire une place, il faut savoir bien s’entourer mais il faut continuer à vivre et donc participer à des courses. Mon record de France n’a strictement rien changé, je suis sans équipementier. C’est difficile à dire mais c’est ainsi. Pour autant je ne trouve pas cette situation normale, c’est un vrai problème me concernant.
Morhad Amdouni : « C’est à moi de faire plus attention, tout n’est pas simple, c’est ainsi. Aucun athlète n’est épargné. Je ne souhaite pas me poser en victime car une nouvelle fois, j’ai ma part dans tout cela. Ce qui m’importe à ce jour, c’est de courir ce dimanche à Paris. »
Lepape-info : Les anciennes suspicions, rumeurs de dopage vous concernant vous portent encore préjudice
M.A : Oui c’est une fracture. Même si je continue à courir, il faut se rendre compte de la dure réalité vis-à-vis de cette situation. Sans parler des « anomalies » évoquées lorsque j’ai voulu intégrer le programme Quartz (ndlr : Morhad Amdouni avait effectué les démarches pour intégrer le programme Quartz, système rendant transparent sur Internet les passeports biologiques des athlètes, mais son dossier a été refusé par le comité d’experts chargé d’accepter son entrée en raison « d’incohérences » sans plus d’explication). À un moment on essaye de comprendre ce qu’il vous arrive et puis force est de constater que tout est vicieux, biaisé. L’affaire de suspicion a beaucoup fait couler beaucoup d’encre pensant que je me dérobais, que je me cachais… fuyant mes responsabilités. Cet emballement insensé est injustifié. Plus tard, on a dit de moi que j’étais blessé mais on ne savait pas ce que j’avais, autant de questionnement qui n’ont pas donné lieu à mettre plus en avant mon titre de champion d’Europe du 10.000 m en 2018, mon retour, mes entraînements et mes nouvelles performances (ndlr : record de France de l’heure sur piste en 2020, record de France du marathon l’an passé). On s’est focalisé davantage sur ces affaires. A un moment il y a un problème et on doit stopper cet acharnement. Pareil lors du marathon des Jeux olympiques de Tokyo et la polémique lorsque je renverse de nombreuses bouteilles d’eau à un ravitaillement, j’ai dû m’expliquer à maintes reprises pour dire que c’était involontaire. Peu importe ce que l’on dit, on ne retient que les choses négatives. Malgré ce torrent de haine, j’ai eu des soutiens et plus particulièrement celui de Martin Fourcade, qui m’avait défendu en postant une vidéo me montrant partager une bouteille d’eau avec le Kenyan Cherono au 15ème kilomètre. Toutes ces histoires m’incitent à être plus attentif. L’un des principes du sport c’est d’être bienveillant les uns envers les autres. Quand des enjeux financiers rentrent en ligne de compte cela devient un problème. Après j’ai aussi ma part de responsabilité dans mon positionnement. C’est à moi de faire plus attention, tout n’est pas simple, c’est ainsi. Aucun athlète n’est épargné. Je ne souhaite pas me poser en victime car une nouvelle fois, j’ai ma part dans tout cela. Ce qui m’importe à ce jour, c’est de courir ce dimanche à Paris et je le réitère, si cela n’avait pas eu lieu à Paris je n’aurais pas décidé de prendre le départ.
Lepape-info : Vous participez au marathon de Paris puis après ce sera les Mondiaux à Budapest avant un autre marathon cet automne ?
M.A : Dans l’idée, j’espère refaire rapidement un chrono au niveau de mon record de France. On verra comment la course se déroule dans un premier temps aux Mondiaux. Je ne me pose pas trop de questions. Il va falloir être en forme au bon moment, je reste concentré sur moi-même, tout en étant professionnel dans mon entraînement, dans mon alimentation, dans ma récupération sans me préoccuper d’être ou pas parmi les 3 sélectionnés pour les Jeux olympiques. J’ai des références (marathon : 2h05’22 / semi-marathon : 59’40), je pense que le record d’Europe du marathon (2h03’36 établi par le Belge Bashir Abdi en 2021 à Rotterdam) est envisageable mais pour le moment je reste focus sur ce que j’ai à faire dimanche.
1 réaction à cet article
MB
Hallucinant de lire cet article, on marche sur la tête ! Morhad Amdouni a le record de France, glane des médailles pour la France dans les compétitions internationales et il n’a pas d’équipementier, c’est à n’y rien comprendre surtout quand on voit des traileurs de niveau moindre qui ont des sponsors…
Bon courage