Michel Jazy est né le 13 juin 1936 à Oignies, fils et petit-fils de mineur. Elevé par ses grands-parents, arrivé à Paris à l’âge de 14 ans, il entre comme groom dans un club de l’avenue de la Grande Armée (Paris) puis à 16 ans il devient apprenti typographe dans une imprimerie du 8ème arrondissement de la capitale.
Débuts de carrière :
Après avoir tâté du football, (il joue au Stade Français) Michel Jazy emmené par un copain, participe le 16 novembre 1952 dans le bois de Sèvres, au stade Marcel Buc, à l’épreuve de la 1ère foulée du CO Billancourt.
Facile vainqueur, d’allure souple, avec une belle foulée, Michel Jazy a tout de suite donné l’impression d’une naturelle facilité, écrit alors René Frassinelli, son futur entraineur en janvier 1953 dans un article de la revue « Athlétisme ».
Il sera vainqueur de la finale de la première foulée de la LIFA une semaine plus tard.
Le 30 novembre, licencié au C.O. Billancourt, il gagne la coupe Brahim devant les meilleurs cadets d’Ile de France. 15 jours plus tard il s’adjuge facilement le cross du Mans et début janvier il remporte sur le fil le cross de Mézidon montrant déjà une rage de vaincre qui ne le quittera plus.
Ce talent va vite progresser comme René Frassinelli le laissait deviner : « Bien mené, ce véritable espoir de l’athlétisme doit par un travail judicieusement dosé et contrôlé devenir un solide athlète »
En 1953, il foule sa première piste pour un test avec René Frassinelli et réalisera 3’18 au km. Frassinelli en rit. Jazzy lui rit jaune. Pourquoi s’embarquer dans cette galère alors qu’au football on ne demande à personne de se vider les tripes. Mais sa mère a horreur et peur du football. Michel se fait une raison.
Il va persévérer sous la conduite de René Frassinelli qui lui a pourtant demandé de renoncer aux
cigarettes et au bal. Michel l’écoutera. En fin de saison il réalise 2’37.8 (4e de sa catégorie au niveau national). Il va également finir 2e du national de cross. Tout ceci est bien prometteur
1954, c’est l’année de crise entre le C.O.B. qui a osé organiser le cross de l’humanite et la FFA. Michel Jazy court en individuel mais René Frassinelli le suit toujours. Il court en 4’07.3 aux critériums nationaux. Le 1er octobre 1954, il réalise la meilleure performance française juniors sur 1000 m en 2’32.4
En 1955, il court toujours avec le maillot noir des individuels. Toujours junior il bat le record de France juniors du 1 500 m en 2’31.1 sur la piste où il y a 2 ans il courait en 3’18.0.
Ses meilleurs chronos de la saison : 800 m : 1’57.2, 1000 m : 2’31.1, 1500 m : 4’00.2, 3000 m : 8’55.0. Ses chronos n’ont rien d’exceptionnel, loin des standards d’un Herb Elliott qui a le don absolu de la nature. Mais le génie peut aussi être le fruit d’une longue patience et d’un long travail. L’hiver en cross il se classe 7e de … l’équipe de son nouveau club, le C.A. Montreuil, 127e au classement, battant pourtant …un certain Robert Bogey.
1956 : Michel Jazy monte les échelons : 1ère sélection d’une longue série en équipe de France contre la Belgique. Le 6 août il s’adjuge son 1er titre de champion de France sur 1500 m, en 3’49.8 il bat pour la 1ère fois Michel Bernard (3’51.2) qui l’avait devancé 4 fois.
La vie de Michel Jazy a changé : travail, entraînement, compétitions, plus de football, renoncement à de petits plaisirs. Mais l’entrainement exige du temps. Parfois Michel prend ce temps sur ses heures de travail… qui ne lui sont pas payés. Il perd de l’argent. Il travaille alors chez Chaix et composait de la publicité. Je me débrouillais pour m’entrainer 2 heures ½ chaque soir disait-il. Frassi comme on l’appelait lui faisait faire un travail fractionné selon les méthodes modernes : 10 x 200 m ou 8 x400 m 6 x 500 m.
Charles Poulenard, qui a entrainé Julot et Sera Martin et qui avait vu courir Jazy était affirmatif : « À moins d’imprévu, de fausse manœuvre, ce sera un champion. »
L’athlétisme présente au môme du Nord des horizons imprévus, son titre de champion de France du 1500 en 3’49.8 devant Michel Bernard lui ouvre la route des Jeux olympiques à Melbourne.
À 20 ans. Incroyable : Il sait qu’il n’a aucune chance et ne croit pas au miracle mais Melbourne, l’Australie. Lui le gosse du Nord a cette chance inouïe. 7e de sa série où il tombe sur Richtzenain, Jungwirth, Halberg, Rozsavolgyi…il ne pouvait guère espérer.
Mais à Melbourne il a pourtant beaucoup regardé, appris aux côtés d’Alain Mimoun, le vieux, dont il partagea la chambre au village olympique. Mais son bilan est largement positif : champion de France, Jeux olympiques et il a gagné 10 secondes sur sa meilleure performance.
Ses chronos sont en progrès dans toutes les disciplines : 1’52.0, 2’25.7, 3’49.6, 8’14.0
Tout ce qu’il a vu, Michel le trouve formidable, les 2 années qui vont suivre seront décisives.
Plus qu’optimiste il intègre le Bataillon de Joinville, ce formidable révélateur de champions, en devançant l’appel de sa classe d’âge. Être au bataillon c’est la garantie de pouvoir s’entrainer, bien s’entrainer. Michel Jazy dévoile ce qu’a été son entrainement à cette période.
2 séances par jour : Par exemple une série de 10×500 m avec un tour de récupération courus en 1’20/22 allure qui n’entamait pas son influx nerveux.
À l’automne 1957, son mariage avec Irène Denis va lui apporter stabilité et une organisation rationnelle de sa vie privée.
Il va battre son 1er record de France sur 1500 m en Varsovie avec 3’44.0 (ancien record établi par El Mabrouk 3’46.0) puis battre le lendemain celui du 3000 m en 8’12.4. Il va une nouvelle fois l’emporter devant Michel Bernard aux championnats de France sur 1500 m et terminera la saison avec un nouveau record de France en 3’43.6 lors du match Allemagne-France.
Il va aussi améliorer le record du 2000 m en 5’15.0 et preuve de son registre faire 1’48.4 à 1/10 ème du record d’Hansenne, sans oublier un bon 2’22.5 sur 1000 m. Mais il n’est encore que 16ème au bilan mondial loin des 3’38.1 de Jungwirth.
Le public s’interroge, Jazy sera-t-il un nouveau Ladoumègue, il s’interroge, interroge Frassinelli : « N’est-ce pas aller un peu vite ? »
Au Bataillon de Joinville, Michel s’est bien entrainé, a beaucoup travaillé sa résistance. Il a beaucoup couru l’été avec 15 compétitions pour son club, l’armée et la fédération en juin et juillet.
1958 : Année des championnats d’Europe
Jazy peut-il déjà penser à une victoire, il tente une 1 ère incursion, peu probante sur 5000 m (15’12.4) pour voir. Rien de bien extraordinaire non plus sur 800 m avec 1’50.9. Sa place aux championnats d’Europe n’est pas à la hauteur de son talent grandissant qui l’a vu gagner les France en 3’46.5.
Finaliste il échoue à une 10e place à distance du vainqueur le Britannique Hewson. Il sera encore battu par les Anglais lors du match France – Grande-Bretagne en septembre, mais il va tomber avec les honneurs ayant crânement joué sa chance en les attaquant. À la clef un nouveau record de France : 3’42.5
Il va continuer à améliorer le record de France du 1500 m (3’42.5) et terminer 10e des championnats d’Europe de Stockholm. Mais 1958 c’est aussi un deuil, celui de son premier enfant.
Période de repliement. Mais c’est aussi sa libération du service militaire, Que va-t-il faire ? Le métier
de typographe est exigeant. Il est marié, a des charges, il ne peut sacrifier le travail pour l‘entrainement.
Mais un certain G. Meyer, directeur du journal l’Auto va trouver une solution innovante. Aidé par M. Hansenne son prédécesseur sur les tablettes, il va entrer comme ouvrier typographe dans un journal parisien. Son service continu de cinq heures par jour va lui permettre de s’adonner à un entrainement rationnel bi-quotidien avec la découverte de la forêt de Marly entrainement le matin en forêt, préparation physique le soir en salle.
1959 :
Son engagement ne sera pas vraiment récompensé en 1959, année difficile avec une blessure au pied qui le handicape longtemps et une 1ère défaite contre Bernard aux championnats de France. Mais il progresse chronométriquement avec un nouveau record de France sur 1500 m : 3’42.1, 4’01.8 au mile et surtout 1’47.8 sur 800 m battant le record de Marcel Hansenne.
Ses 2’20.8 au 1000 m ne suffisent pas pour accrocher le record du 1000 que s’offre son rival Michel Bernard en 2’20.1. Cette émulation est féconde pour l’athlétisme car les records tombent. Jazy a déjà sa tête à Rome qu’il prépare activement. Sa vie est minutieusement organisée, il habite tout prêt du stade, à Colombes et la famille attend un nouveau bébé.
Michel Jazy peut-il jouer un rôle de premier plan à Rome ? Il a bien travaillé depuis 2 ans mais Frassinelli le voit plutôt prêt pour 1962.
1960 : Les Jeux olympiques de Rome.
Michel Jazy comme toujours fait du cross, champion de Paris sans trop forcer. Il ne pense qu’à Rome, au 1500 m. Olander qui lui a proposé de le prendre sous sa tutelle lui dit : « Vous êtes un coureur de 800 ! vous pouvez courir sur la base de 1’46 et moins » mais Jazy reste fidèle à René Frassinelli et prépare le 1500 m.
Le 21 mai à Montreuil il bat son 1er record de l’année : 8’46.4. La rivalité Jazy-Bernard va atteindre son paroxysme en cet été 1962. Jazy bat un record, Bernard va lui souffler : 2 miles en 8’37, Jazy fait 3’42.6 début juin à Bucarest puis égale son record sur 800 m en 1’47.9. Bernard réplique le 19 juin il bat le record de France en 3’42 .0. Bernard est dans une forme exceptionnelle : il va battre 3 fois le record France du 3000 m : 8’ à Zürich le 21 juin, puis sacrilège, le 14 août à Oignies, le village natal de Jazy, 7’57.8 et 7’57.0 le 10 septembre à Oslo. Bernard détient maintenant les records de France du 1000, 1500, du 3000 m et du 2 miles.
Pendant que Bernard aligne les records, Jazy attend son heure. Champion de France du 1500 m pour la 3e fois alors que Bernard gagne le 5000 m. Pas d’affrontement direct, qui a peur de l’autre ?
Les favoris de la course sont Elliott et Wearn le Suédois, 2 français en finale c’est rare. En séries, Jazy a juste cherché la qualification derrière Wearn qui l’aura décidément battu à chaque rencontre. Elliott gagne la sienne alors que Bernard a été dans la bagarre pour gagner gagné, élimant ainsi l’Allemand de l’Est Valentin, l’un des favoris de la course .
Dans cette finale somptueuse, Bernard bat aussi son record de France 3’41.5 mais il n’est que 7e. Jazy est le numéro 2 mondial et vice-champion olympique. Un exploit réussi avec intelligence. Il a profité du travail de Bernard, de l’erreur de Waern qui a cherché à suivre, du démarrage d’Elliott et de l’attentisme de Rozsavolgyi. Un coup de maître. Jazy rejoint au palmarès Jules Ladoumègue 2e en 1928.
En 1960, Michel Jazy se hisse au niveau des plus grands
1961 : une année sans grande compétition internationale
Place au cross et aux sous-bois l’hiver 1961 : il gagne le Volvic, le 4/12, le 11/12 l’Aycaguer à Lyon. Le 18 à Licoin. Il enchaine le 8/1 à Corbeil, le 15 il bat les spécialistes Addeche et Ameur. Le 12/2 il va battre Bernard à Gien. Le 19 il remporte le championnat d’Ile de France, le 26 à Saint Etienne, il s’impose à Addeche, Ameur, Mimoun, Chiclet.
Il est le favori des nationaux. Mais il subit une baisse de forme (peut-être a-t-il trop couru). Il ne
termine que 9e et c’est…Bernard qui gagne. En mai, il bat deux fois le record de France du 2000 m (5’10.2 puis 5’09.4). La forme est là mais une bronchite l’affaiblit. Battu par Moens sur 1000 m (2’22.8 contre 2’22.5) il va effacer le dernier mais modeste record de Hansenne sur 880 yards (1’50.2 contre 1’51.0)
Le 18 juin il s’essaie plus sérieusement au 5000 m. Il finit en 14’10.4 loin derrière R. Bogey (13 :55.6). Jazy, Bernard, Bogey le demi-fond et fond français sont resplendissants. Avec Clausse ils vont battre le 28 juin le record du monde du 4 x1500 m en 15 :04.2. Le 9 juillet il bat Baran lors d’un meeting à Moscou. Mais son élan est freiné par un deuil.
Le 15 août ils sont battus par le Suédois Waern, une défaite sensible pour Jazy. Lors des championnats Jazy a opté pour le 800 m gagné en 1’49.9 et laisse le titre sur 1500 m à Clausse. Battu par Moens et Schmidt sur 800 m lors du match des six nations, il va gagner l’emporter sur 800 m et 1500 m (en battant Simpson) lors de France -GBR.
La saison 1961 se finit, il y a eu des hauts et des bas. S’il égale le record de France du 2’20.1 de Lenoir et Bernard, ce dernier va battre par 2 fois celui du 2000 m en l’amenant à un respectable 5’04.0.
1962
L’hiver Michel Jazy continue à faire des cross 17/12 : victoire dans le cross du bois de Boulogne (Vaillant 2e), 21/12 il bat Bogey au tour d’Evian. Le 7 janvier à Mézidon, victoire devant Radi, Simpson. Le 28/01 aux Mureaux ,11 février victoire aux régionaux, le 25 victoire à Saint Etienne alors qu’il a couru la veille
en indoor à Stuttgart en établissant la meilleure performance mondiale indoor sur 1000 en 2’21.6.
Le 4 mars, il gagne le National, il est champion de France de cross devant Bogey, Vaillant et Bernard. Son premier titre en cross. Jazy a toujours refusé de participer à l’International. Il répond qu’il fait du cross pour s’entretenir et que la distance de l’International (14 km) est bien trop longue. Jazy a des priorités.
Entre Mézidon et les Mureaux, Jazy est parti aux USA répondre à une invitation de l’Université de Los Angeles pour participer à une compétition indoor. Courir sur une piste en bois, c’est une première pour Jazy. Il sera battu de 10 centimètres par le redoutable coureur, spécialiste de l’indoor Jim Beatty.
L’hiver a montré un grand Jazy conquérant. Mais des antipodes arrive une nouvelle qui l’inquiète. À peine l’intouchable Elliott a-t-il décidé d’arrêter à 22 ans, qu’un nouveau nom fait surface : P. Snell, le surprenant champion olympique de Rome sur 800 m bat le record du monde du 800 m en 1’44.3 sur une piste en herbe.
Jazy met les bouchées doubles et va ouvrir la saison le 26 mai avec un record de France sur mile en 4’00.0. Le 6 juin à Saint Maur il s’approprie le record du 1000 m : 2’19.3.
Jazy va maintenant s’attaquer aux records du monde : ce sera d’abord le 14 juin à Charléty le record du 2 000 m de Rozsavolgyi qu’il battra en 5’01.6 bien emmené par Bantegny jusqu’aux 1100 mètres. Son premier record du monde individuel.
Le 27 juin, sur le mythique stade Chéron de Saint Maur, il s’attaque au record de Pirie sur 3 000 m. Aidé toujours par Bantégny puis par Vaillant et Prévostat jusqu’au 1 600 m, Jazy va sérieusement abaisser la marque de 7’52.8 à 7’49.2. Jazy est maintenant ultra dominant, il est seul, il est fort, court avec une facilité incroyable et gagne comme il veut.
Il réalise la meilleure performance européenne sur 1500 m en 3’39.3 ; Il va battre par 3 fois le record de
France du 800 m : 1’47.8 le 18 août puis une semaine plus tard à Thonon les Bains un double record
880 yards en 1’48.0 et 800 m en 1’47.2, 1’47.1 et va détenir seul le record.
2 semaines avant Belgrade il double 800 m et 1 500 m du match France Finlande s’imposant facilement en 1’48.5 le samedi et 3’42.0 le dimanche. Il est en grande forme, prêt.
À Belgrade, aux championnats d’Europe il s’impose aisément en 3’40.9 devant le Polonais Baran 3’42.0 et le Tchèque Salinger 3’42.2 maitrisant son sujet sans puiser dans ses réserves pour gagner avec une grande facilité. Sur mile il réalise 4’00.0 puis 3’59.8. Michel Jazy est au sommet de son art à 26 ans.
Cette année 1962 le portera au firmament du demi-fond mondial.
1963 :
Le 20 mai à Madrid 2’19.1 au 1000 m (RF), le 21 mai à Poitiers : 4’01.4 au mile. Le 30 mai à Saint Maur
1000 m en 2’19.6, le 3 juin à Deuil 1’49.4 au 800 m, le 6 juin 8’29.6 au 2 miles (RM) , le 12 juin à Alfortville
3’39.5, le 20 juin 14’02.4 à Rennes (2ème Bernard 14’03.6 ). Le 6 juillet à Strasbourg 3’45.5, le 13 juillet
Six nations 3’48.0
Le pacte de Colombes lors des championnats de France.
Ainsi le raconte le journaliste du MA (Miroir de l’athlétisme). Après les séries du 1500 m, Jazy et Wadoux échangèrent quelques mots sur la température, l’état de la piste : « C’est du meilleur Colombes. Demain on pourrait courir une grande finale si Bernard… ». Jeannot Wadoux, le compagnon d’entrainement de Jazy réfléchit et le lendemain sur le terrain d’échauffement, il va dire à Bernard et lui glisse : « Et si tu menais un bout de la course ? » Michel Bernard qui se savait en grande fore ne dit pas non. Il n’avait rien à perdre mais il ne tenait pas à tirer la fraction de 400 m du 800 au 1200 m, le tour le plus difficile celui où se préparent l’emballage final des 300 derniers mètres. Wadoux retourna voir Jazy et Jazy, après avoir mûrement réfléchi répondit affirmativement. Restait la poignée de mains à se donner avant le départ pour sceller le pacte.
Wadoux mena les 400 premiers mètres puis ce fut le tour de Bernard amena avec régularité avec Jazy dans sa foulée. Aux 800 m, comme prévu Bernard s’écarta et Jazy fit sa part de travail , passant au km en 2’26.4. Bernard en grande forme, criait à Jazy d’aller plus vite, et sentant que Jazy avait peut-être ralentit un peu, le passe avant d’aborder le dernier tour. Jazzy le repassa à la sortie du virage, allongeant sa foulée, prenant 1,2 trois puis jusqu’à 6 mètres dans la ligne opposée. Bernard s’accrocha et ne lâcha plus un mètre. À l’arrivée 3’37.9 pour Jazy, record d’Europe battu de 2 dixièmes (ancien record détenu par Jungwirth 3 :38.1). Michel Bernard , à plus de 30 ans passait enfin sous le mur des 3’40.0 avec un chrono de 3’38.7 devenant le 5e performer mondial de tous les temps alors que Wadoux à l’initiative de ce pacte bat son record en 3 :41.7. Et tout cela dans le cadre d’un championnat de France !!
1964
En septembre, lors de ses 3’57.9 il court sur une piste inondée, un nuage creva au moment du départ. Aidé par Desseaux, Vervoort et Nicolas il échoue contre le record d’Europe de Baran (3’56.0)
Grand favori du 5 000 m des Jeux Olympiques à Tokyo, Michel Jazy finira par craquer dans les 80 derniers mètres pour échouer à la 4e place d’un rien au pied du podium dans le même dixième de seconde que William Dellinger, la victoire revenant à l’Américain Bob Schul.
1965
Jazy recommence une saison de cross et échouera une nouvelle fois au Cross des nations à Ostende. Sur un parcours détrempé et sous le plus, il termine 8 ème alors que Jean Fayolle, quasi inconnu va l’emporter. Jazy pourtant s’entraîne plus long qu’avant et avale quasiment 30 kms quotidiennement contre 20 l’an passé.
Mais cet entrainement devrait payer cet été. Après sa 1ère sortie à Dax de bonne facture le 15 mai sur un 3000 m en 7’59.2 ses prochaines sorties sont fortement contrariées par une présence perturbante : le vent. Le lendemain à Poitiers il se promène en 8’02.0. Il dit alors à Yann Le Floch le journaliste du MA : « Je crois pouvoir passer en 8’05.0 au 5000 m et continuer à un bon rythme ». S’il peut garder le rythme de 2’43 sur les deux derniers kms, cela fera un temps de moins de 13’30.0.
Yann Le Floch revient sur le choix de Jazy de courir le 5000 m aux JO. « L’an dernier Jazy était encore un coureur de 1500 m prolongé. Ce sur quoi il pouvait appuyer sa décision était ses résultats éloquents sur 2000 m et 3000 m, distance sur lesquelles il est recordman du monde. Contre lui, les habitudes du 1500 m, son rythme, sa course qu’il maîtrise. Le 1500 m il connaissait sur le bout des doigts mais le 5000 m.
Au mois de juillet 1964, Le Floch écrit : « Comme les moins de 13’40.0 sont nombreux, il aurait fallu que Jazy soit régulier à 13’35.0 – Clarke, Bolotnikov, Schul, n’ont-ils pas frôlé cette année le record mondial pour posséder ce que l’on pourrait appeler une marge de sécurité. En effet se sachant apte à courir l’épreuve en 13’15.0, Michel se soucierait moins des coups, aurait aussi au départ un avantage moral appréciable. Or, Michel n’a pas encore réussi un grand 5000 m en moins de 13’40.0, Il a généralement un 4e km difficile. De plus cela s’est vu aussi bien à Charléty (13’53.6 ) qu’à Cologne (13’49.4) ou à Annecy, sa foulée longue et puissante ne tient pas encore 5 kms alors qu’elle tient sur 1500 m et 3000 m. Jazy manque-t-il de résistance ? Est-il préparé pour le 5000 m olympique ? Je crois que Jazy manquait d’accoutumance, physiquement il était capable, mais il manquait d’expérience ne sachant par quel bout prendre un 5000 m avec des athlètes si différents. »
Snell sur 1500 m avait un avantage moral sur ses adversaires, possédait la marge de sécurité, aucun
de ses adversaires n’ayant approché ses temps. Snell ne dira-t-il pas d’ailleurs : « Jazy était le seul que
je craignais… Jazy n’avait pas cette sérénité, cette tranquillité.
Si l’on regarde le nombre de 5000 m courus par Jazy depuis le début de sa carrière :
En 1958, juste pour voir (15’12.4), en 1961 (14’10.4), en 1963 à Rennes contre Bernard (14’02.4) puis à Moscou (13’50.2). En juin 1964 à Sochaux (14’09.2) puis presque seul à Charléty (13’53.6). En juillet à Cologne en 13’49.4 mais battu largement par Clarke puis un 5000 m à Annecy couru sous une fournaise (14’26.8). En août il fait 13’56 à Stockholm puis 13’59.2 en battant Gammoudi au sprint à Monaco.
Son meilleur chrono sera celui du 5000 m de Fontainebleau juste avant son départ en 13’46.8. Trop peu pour acquérir un rythme élevé sur 5000 m, maîtriser tactiquement.
À ne courir que des 5000 m à allure plutôt modestes, il a aussi perdu de sa faculté d’accélération et de la vitesse. Après digéré cette immense déception, Jazy se remet à l’entraînement après une période de
découragement, il va rester sur 5000m, voulant montrer qu’il est le meilleur sur la distance. Il a augmenté son volume d’entrainement pour arriver parfois jusqu’à 40 kms par jour. Il a fait des progrès, il est modifié. Il est maintenant prêt pour être un grand coureur de 5000 m. Mais revenons à 1965.
À Mantes, le 27 mai ce satané vent courbe les jeunes peupliers freinant les coureurs, il fait 8’13.4 sur 3000 m alors qu’il faisait moins de 8’. Chez lui à Montreuil au stade des grands pêchers, après un train lent il s’impose en 8’03.4 et un dernier km en 2’28.6.
Jazy qui a orienté son entraînement sur 5000 m est il resté bon sur 1500 m ? À Madrid le 14 mai il a bien dominé Odlozil et Baran mais dans un tmps modeste et sans faire impression. Son programme de juin indique un mile pour le 2 juin.
On y est, c’est au stade Auguste Cheron à Saint Maur. Les cieux seront-ils cléments ce mercredi 2 juin pour une tentative contre le record d’Europe du mile dans le petit stade, emmuré, protégé du vent et plein à craquer de spectateurs ?
Les nuages qui menaçaient sont passés. Le départ est donné, Le Tchèque Juza et Vervoort mènent la course avec dynamisme, Jazy est calé au milieu du peloton. Passage en 1’58.7 par Vervoort puis Bernard prend la tête, devant Bara et Jazy. Aux ¾ de mile (3’00.4) le record semble impossible puis Jazy s’envole, Baran lui résiste 30 mètres puis cède. Jazy avale les 440 yards en 54.9. Record d’Europe en 3’55.5
Sa répartition d’allure, sa fin de course rapide montre qu’il peut faire mieux si les conditions sont
réunies : piste, météo, lièvres.
Le 5 juin , il fait, tranquille, 3’48.6 à Colmar (course non prévue à son programme initial) puis prend le train pour Lorient, où il vait prévu son premier 5000 m Son objectif cette saison était de battre le record du monde du 5000 m détenu en 13’33.6 par un des coureurs qu’il admire le plus Ron Clarke.
Mais des USA est venu une nouvelle qui va l’estomaquer bousculer ses projets, à Los Angeles Clarke a amené le record à un niveau incroyable :13 :25.8. Jazy est sous le choc, il se sentait capable de faire 13’30 mais 13’25.8. Il se met en piste, son record de France est à 13’46.8, il ne faudra pas être ridicule face à ce record monstrueux. Son ami lorientais Jean Vaillant et le voisin morlaisien Kervéadou vont l’aider dans son entreprise l’emmenant les premiers hectomètres sur une piste souple.
1er km: 2’43.6. Puis Michel prend la tête uniquement suivie par Gammoudi (5’25.0 au 2000 m soit un km en 2’41.4). Les 3000 m sont atteints en 8’07.8 (3e km en 2’42.8). Le 4e fut plus difficile (2’47.2) pour un passage en 10’55.0, avec un beau dernier km (2’39.4) Jazy efface le record d’Europe de Kutts (13’35.0 de 1957) de 6/10e.
Le 8 juin à Carhaix il court un mile exhibition en 4’08.5 puis se rend à Rennes pour un mile. Temps gris le matin, soleil l’après-midi, pas de vent, une température plutôt fraiche mais agréable, des spectateurs tout est parfait dans le stade Courtemanche en ce 9 juin. Sauf … la piste que G. Texereau qui vient de gagner le 3000 m steeple trouve sableuse et fuyante sous les pointes.
C’est Kervadeou qui mène la danse jusqu’au 750 mètres (880 y en 1’55.7, soit 3 secondes plus vite qu’à Saint-Maur) puis Wadoux le relaie jusqu’au 1000 m et Nicolas prend la suite, Jazy bien calé dans leur foulée. Aux ¾ de mile, peu avant la cloche Jazy prend son envol de sa foulée majestueuse et une ligne droite magistrale avalée en 15.2.
Dans le tumulte de l’arrivée il entend 3’54.6. Jazy, déçu « Ah si la piste avait moins chassé…. Puis le verdict officiel tombe 3’53.6, record du monde !! Snell est effacé de 5/10e. Incroyable.
Jazy va vivre 2 journées chargées, invitations, sollicitations, réceptions, félicitations, de ce mercredi 9 au vendredi 11 juin où il se retrouve au stade Charléty pour un nouveau 5000 m. Mais la chaleur est lourde et la proximité du périphérique n’arrange pas l’atmosphère avec une odeur d’essence.
Le public est tellement nombreux que toutes les personnes n’y ont trouvé place. Départ à 21h40, Bantégny emmena le peloton en 3’59.7 – passage au km en 2’42.2) jamais on n’est parti aussi vite.
Puis le belge Allonsius emmène Jazy jusqu’au 2000 m (5’20.5 avec un km en 2’38.3). Jazy est exactement dans les temps de Clarke. Puis Jazy se retrouve seul, 8’01.5 (un km en 2′:41.0) Il possède plus de 2 secondes d’avance sur Clarke. C’est de la folie ! Va-t-il tenir ?
Mais le 4e km est, tous les coureurs de 5000 m le savent, le plus difficile. Et il le fut pour Jazy qui avait du mal à respirer avec un point de côté qui le tenaille. Sa foulée commence à être heurtée, se raccourcit, il passe en 10’49.8 pour un km en 2’48.3 là ou Clarke l’avait tourné en 2’44.7
Malgré les encouragements du public avec les « Jazy !!! Jazy », l’avance sur Clarke s’est transformée en retard. Michel est mort, il jette ses dernières forces pour terminer en 13’29.0 nouveau record d’Europe, le 2e homme à descendre sous les 13’30.0 (dernier km en 2’39.2 contre 2’37.3 pour Clarke) battant au passage le record européen du 3 miles (13’05.6).
Quelle quinzaine !! Il va effectuer un tour d’honneur avec ses camarades, acclamé comme un héros. Le lendemain, le 10 juin, Jazy sera à Sochaux, le surlendemain le 11 juinà Delle remportant deux 2000
m en 5’04.4 et 5’21.2.
Le 23 juin, Melun c’est la rencontre contre Clarke dans une tentative commune contre le record de Bob Schul (8’26.4). Se relayant tour après tour jusqu’à 800 m de l’arrivée les deux athlètes font belle impression. Puis à 800 m de l’arrivée, Jazy attaque de sa longue, belle et puissante foulé pour l’emporter avec un nouveau record du monde de 2 miles (8’22.6) battant celui du 3000 m au passage 7’49.0.
Insatiable, Jazy se met en piste le 25 juin dans son antre de Saint Maur avec ses coéquipiers Vervoort, Nicolas et Wadux pour reprendre aux allemands de l’est le record du monde du 4 x1500 m. Jazy (3’40.8 aidé par Lurot) est ses copains le pulvérisent en 14’49.0 contre 14’58.0).
Le 30 juin il est à Helsinki pour le 5000 m revanche des JO avec Clarke, Mills, Schul, Keino. Clarke mène au 1000 m, Jazy relaie Clarke tour après tour. Clarke tente de lâcher Jazy et Keino par des accélérations. Dans le dernier tour Jazy plus rapide s’impose avec un nouveau record d’Europe 13’27.6 et un record d’Europe du 3 miles (13’04.8). Quelle course !
Les temps de passage de Jazy à Helsinki : 2’41.0, 5’21.4 (2 :40.4) 8’05.2 (2’43.8), 10’50.2 (2’45.0)
et un dernier km en 2’37.4. Parti moins vite qu’à Charléty, il termine mieux et remporte une victoire
de prestige sur le recordman du monde, le futur rack du demi-fond mondial et remet les champions
olympiques Mills et son vainqueur de Tokyo, Bob Schul à leur vraie place.
Le classement : Jazy 13’27.6 (nouveau record d’Europe), Keino (13’28.2) record d’Afrique, Clarke 13’29.4, Wiggs 13’33.0 (record de GB), Helland 13’37.4 (record de Norvège), Nadje 13’37.8 (record de Suède) Baillie (NZ) 13’41.8, Mills (USA) 13’42.2, Haase (RDA) 13’49.0, Schul 13’49.8.
A noter que Keino et Clarke se remettent en piste le surlendemain à Turku : Keino l’emporte en 13’26.2 (4/10èmes du record de Clarke) devant Clarke 13’29.0 qui remettra le couvert le 6 juillet battant Kieno (13’30.4) mais échouant à 6 dixièmes de son propre record (13’26.4)
Mais cette victoire n’effacera pas la cruelle défaite de Tokyo. Il est temps pour Jazy de prendre des vacances, ne participant pas aux championnats de France c’est Wadoux qui va l’emporter. Pour son retour il fera 2 tentatives malheureuses sur 10 000 m, terminant celui de la coupe d’Europe des nations le 12 septembre , pieds nus souffrant le martyre à cause de chaussures trop petites et de crampes au mollet à partir de la mi-course (passage 14’31.0). Son temps 30’38.4 puis il sera battu par Ivanov lors de France -Russie, battant quand même au passage le record de Bogey sur 6 miles (28’09.4). Fin de saison.
1965 aura été une année exceptionnelle en termes de performances. Jazy a couru un nombre impressionnant de courses. On peut honnêtement s’interroger sur le sujet : n’aurait-il pas fait mieux s’il n’avait enchainé ces courses de très haut niveau avec ces petites courses « alimentaires » ou autres exhibitions ?
1966 :
Fin février il établit la meilleure performance mondiale indoor sur 1500 en 3′:40.7. Jamais il n’a été aussi fort sur cette distance car 3’40.7 ça valait bien 3’38 en plein air et à cette époque de la saison il n’avait jamais été capable de réaliser un telle performance.
Jazy avait retrouvé sa vocation de miler sous les projecteurs de la télévision à l’INS en participant au jeu la tête et les jambes, où il devait en courant sur 1000 m réaliser un temps fixe pour rattraper les erreurs de son binôme intellectuel.
Jazy va courir des 1000 m en 2’20.0 . Mais une nouvelle fois, pour sa troisième participation , son 3e échec au cross des nations, finissant 5e handicapé par un coup au pied reçu la semaine précédente en jouant au football le meurtrit dans sa chair et dans son esprit. Il dit s’être entrainé comme jamais, moins long mais plus rapide. Ses objectifs sont clairs « J’attends la grande forme entre le 5 et 15 juin. Dès qu’elle se présente je saute sur l’occasion avec dans la tête, la volonté de battre le record du monde du 1500 m. Comme l’an passé mais sur des distances plus courtes. Je veux battre mon record sur 800 m, le record du monde du 1500 m et faire de bons trucs sur 5000 m. Si je n’ai pas de problèmes, je dois valoir à coup sûr légèrement moins de 3’35.0″
Jeudi 19 mai à Mantes 3’41.8 (devant Baran), Dimanche 22 mai (finale interclubs : Jazy 1’57.3 battu
par Nicolas 1’57.2 ) 1er juin Saint Maur : 7’53.4 , (Bernard 7’53.8 ), 3 juin à Lorient 13’38.2 ,
dimanche 4 juin Montreuil Jazy 8’09.4 , Jeudi 9 juin Charléty 13’50.6 , le 11 juin à Anzin 5’01.4 (RF )
ancien record 5’01.6 . Le 15 juin à Rennes, Jazy emmené par Mermet puis par M. Bernard bat le record du monde de Jürgen May : 58.5 /1’58.5 / 2’27.4 / 2’55.6 / 3’36.3 (40.7).
Le 18 juin à Varsovie il gagne en 7’51.8 devant Herrmann, le 22 juin à Melun il réalise 7’55.2 . Il fait une nouvelle tentative le 25 juin 1965, les conditions sont idéales, il est emmené par le duo Lutz-Vervoort, part vite, trop vite sûrement et ne termine qu’en 42.9 le dernier 300 m, égalant son propre record d’Europe : 56.4/1 :56.2 / 2 :25.0 /2 :54.4 / 3 :36.3 (41.9)
Comme comparaison les temps de passage de May le 14 juillet à Erfurt 57/ 1’56.0/ 2’24.0 /2’53.5
/3’36.4 (42.9) et pour Elliott à Rome le 6 septembre 1960 : 58/ 1’57.8 / 2’25.4 /2’54 / 3’35.6 (41.6)
Il gagne les championnats de France sur 5000 m en 13’49.8 devant Salomon et Bernard après avoir
également disputé les séries du 1500 m. Il sera battu sur 1500 m par l’étoile montante Bodo Tümmler lors du match RFA-France le 9 juillet à Berlin (3’42.3 contre 3’42.6 ) puis par T. Jungwirth lors de Tchécoslovaquie -France.
Aux championnats d’Europe à Budapest il va trouver prudent de doubler 1500 m/5000 m.
Sur 1500 m (séries le 30 août, 2ème de la 1ère série derrière Norpoth en 3’45.1). Avec une finale avec 3 Français : Jazy, Wadoux, Nicolas le 1er septembre on aurait pu penser que les 3 avaient élaboré une stratégie de course Jazy ayant exprimé : « Avec un temps de passage au km en 2’26. Je serai certainement champion d’Europe. Mais rien n’ a été mis en place. Jo Mallejac , responsable du demi-fond, fond ayant déclaré : « Les gars sont partis chacun dans son coin avant ces championnats. Alors je laisse courir. Car s’ils obtiennent des réusltats, on dira que je n’y suis pour rien. Et s’ils se font tanner on dira que c’est de ma faute. »
Jazy ayant déclaré avant la course, que ce n’était pas à lui de démarcher pour arranger la course et pour demander à ses camarades de lui sacrifier leur chance. En fait les défaites qu’il avait subies sur la distance faisaient qu’il n’était plus du tout sur de sa victoire. Alors mieux valait une deuxième place obtenue seul plutôt qu’une médaille qui ne fût pas d’or et qui ne lui serait revenue qu’en partie.
Les Français firent une course d’attente, le train étant emmené mollement par Allonsius. puis les maillots d Norpoth et Tümmler montèrent au premier rang. Le 800 m est atteint en 2’03.4, le 1000 en 2’34.0, tout va se jouer dans les 300 derniers mètres.
À la cloche Norpoth commence à accélérer avec Tümmler dans sa foulée. Puis ils firent brutalement un écart, Jazy réagissant avec un temps de retard. Jazy lance alors la course poursuite. L’entrée de la ligne
droite Tümmler passa encore une vitesse supérieure, Jazy luttant pour passer Norpoth. Tûmler a
couru les 300 derniers mètres en 39.3 il sera devancé par Tümmler (3’41.9 contre 3’42.2 et devance
Norpoth 3’42.4).
Sur 5000 m (vainqueur de la 3e série en 13’54.8 le 2 septembre, finale le 4 septembre) il obtient le titre en débordant Norpoth qui avait monté le rythme à 500 m de l’arrivée à l’entrée de la ligne puis le battant facilement dans la ligne droite Norpoth (13’42.8 contre 13’44.0 ) après un dernier kilomètre en 2’28.2 qui quelques jours plus tard au meeting de Cologne prend le record d’Europe de Jazy en courant le 5000 m en 13’24.8 puis le 11 septembre déposséder Jazy de son record du monde du 2000 m (4’57.8 contre 5’01.4 ).
Le samedi 1er octobre il domine les anglais (Graham et Rushmer ) sur 5000 m en 13’46.4 lors du match France- Grande-Bretagne à Colombes.
Quasiment en roue libre, pour sa dernière course de sa carrière internationale, Jazy veut, en fin de saison, reprendre le record du monde que Norpoth a abaissé à 4’57.8. La 1ère tentative à Chambéry sera un échec car il échoue de 6 dixièmes mais le 12 octobre à Saint-Maur Jazy finira en apothéose. Emmené par J. Darras, puis le jeune espoir Salomon et enfin par Wadoux qui va le mettre sur orbite jusqu’au 1600 mètres, Jazy va chercher avec ses tripes, jetant toutes ses forces avec rage dans son ultime tour, il trouve en lui des ressources insoupçonnées pour un record d’anthologie : 4’56.2. C’est son chef d’ouvre mais sa dernière course au niveau international.
Jazy annonce sa retraite. Une retraite qu’il mûrissait depuis mois. Ses échecs contre Elliott lui firent comprendre que ce ne sera pas lui qui battrait le record du monde du 1500 m. En effet de l’autre côté de l’Atlantique un jeune homme de 19 ans venait d’abaisser de plus de 2 secondes son record du monde du mile le portant à 3’51.3 (Jazy se serait trouvé à 15 m !). Un gamin a fait d’entrée ce que lui a mis quatorze ans !
Un coup au moral et le sentiment d’être dépassé ; Il va déclarer : « Ryun a fait mieux que battre un record , il a tourné une page de l’histoire du demi-fond. Capable de pouvoir courir un 400 m lancé en moins de 47 secondes , ce que ni Snell, ni Jazy ni Elliott n’avaient jamais pu faire. Cette nouvelle page ouvrait l’étape d’une vitesse de base singulièrement améliorée.
Sources
M.A. n°1 octobre 1962
M.A.n°8 juillet 1964
M.A. n°13, juin 1965
M.A. n°14, Juillet 1965
M.A. n°15, Aout 1965
M.A. n° 23, Août 1996
M.A. n°26 Nov. 1966
M.A. n°27 Déc. 1966 – Jan. 1967
M.A. n°67 Mai 1970
M.A. n°100 Déc. 72/ Jan.73