Lepape-info : Michaël, scénario incroyable vous étiez meneur d’allure et à la fin vous bouclez le marathon de la Route du Louvre en 2h09’58
Michaël Gras : Il faut revenir quelques semaines en arrière, début avril. J’étais engagé sur le marathon de Paris, j’avais fait une préparation de 3 mois avec beaucoup d’investissement avec notamment 5 semaines au Kenya. J’étais prêt mais une semaine avant Paris, je me suis fait mal aux ischios à l’entraînement, je savais que cela allait être difficile sur la course. J’ai quand même pris le départ mais j’ai abandonné rapidement au 12ème kilomètre avec cette frustration de ne pas avoir pu concrétiser. J’ai récupéré assez vite de ma blessure et j’ai repris un entraînement progressif.
La veille de la Route du Louvre je m’étais déjà dit pourquoi pas finir le marathon, je savais que j’avais de bonnes jambes, j’avais fait la préparation, à moi de voir comment cela se passe. C’était juste une idée car pour moi faire un marathon dans ces conditions en ayant repris l’entraînement depuis 3 semaines c’était risqué, finalement cela s’est très bien passé, j’avais de bonnes sensations, l’allure me paraissait facile même si on était sur des bases de 2h08 / 2h08’30 sur les 15-20 premiers kilomètres. Après la cadence s’est ralentie, on est passé en 64’16 au semi-marathon. Je me sentais bien et je me suis dit que j’allais pousser jusqu’au 30ème kilomètre pour continuer avec les autres lièvres Kenyans.
Lepape-info : Au 30ème kilomètre vous avez décidé de continuer
M.G : J’ai continué en passant un peu derrière laissant les autres favoris partir devant, je savais que cela allait être compliqué, je n’avais pas les jambes pour tenir un marathon à cette cadence. J’avais tellement d’avance sur mon record personnel (2h10’55 à Paris en 2022) que même en craquant un peu, je savais que je pouvais aller chercher un beau chrono. En fin de course, cela a craqué légèrement comme prévu avec en plus quelques difficultés et du dénivelé en arrivant sur Lens. Avec les faux plats, le vent de face j’avais l’impression de ne plus avancer, je perdais 10-15 secondes par kilomètre. Je voyais que cela défilait au niveau du temps mais je me rendais compte que je pouvais descendre sous les 2h10. Je me suis accroché jusqu’au bout et c’est passé à deux secondes près (2h09’58).
Michaël Gras : « Courir en moins de 2h10 dimanche après 3 semaines de reprise cela peut valoir 2h08’10 (minima olympique pour Paris 2024) au marathon de Valence en fin d’année. Dimanche, j’étais sur cette base chronométrique jusqu’au 32-33ème kilomètre. »
Lepape-info : Qu’avez-vous ressenti en franchissant la ligne d’arrivée ?
M.G : J’étais super heureux, j’y avais pensé dans ma tête mais c’était une folie. Je pensais peut-être finir mais je n’y croyais pas trop. Finir le marathon, battre mon record d’une minute et faire moins de 2h10 c’était une immense joie, énormément d’euphorie. Dans tous les cas une arrivée de marathon c’est beaucoup d’émotion, avec tous ces paramètres réunis c’était un cocktail explosif.
Lepape-info : Quelle fut la réaction de votre entourage, de ceux et celles qui vous connaissent ?
M.G : Ils n’étaient pas sur place car au départ je devais juste être meneur d’allure mais je leur avais envoyé le lien pour qu’ils me suivent en direct lors de la retransmission sur France 3. Ils m’ont vu continuer et ils étaient à fond derrière moi en se disant que j’allais finir. Me connaissant ils savaient que j’irais au bout.
Lepape-info : Un bel aboutissement après la frustration du marathon de Paris
M.G : La préparation n’a pas servi à rien, je pense qu’à Paris si je ne m’étais pas blessé et que les conditions avaient été meilleures, j’aurais été capable de faire 2h08, c’est mon seul regret. Mon pic de forme était programmé à ce moment mais cela fait partie du jeu. Courir en moins de 2h10 dimanche après 3 semaines de reprise cela peut valoir 2h08’10 (minima olympique pour Paris 2024) au marathon de Valence en fin d’année. Dimanche, j’étais sur cette base chronométrique jusqu’au 32-33ème kilomètre.
Lepape-info : Valence sera le rendez-vous pour espérer faire les minima pour Paris 2024
M.G : Cela fait un moment que je suis engagé avec mon frère Damien sur le marathon de Valence (Espagne) parce qu’il fallait s’y prendre tôt. Je pense que tous les Français en mesure de faire les minima vont s’aligner à Valence. C’est un peu la date limite (fin de la période pour les minima fixée au 31 décembre), ce qui fait peur c’est de se laisser qu’une seule chance, on réfléchit avec mon frère de faire un marathon un peu plus tôt, on pensait à Berlin fin septembre. C’est un peu court mais il y a suffisamment de temps pour récupérer et repartir sur une préparation si besoin en vue de Valence. On est en train d’y réfléchir même si mon coach n’est pas pour, il pense que Berlin pourrait hypothéquer mes chances à Valence. La solution serait de partir à Berlin sur la base des minima et au moindre coup de moins bien s’arrêter pour ne pas puiser dans les réserves.
Michaël Gras : « Entre marathoniens Français, c’est une bagarre à distance mais c’est bien de se projeter sur le marathon de Valence et de se dire que l’on sera tous ou du moins nombreux sur la même ligne de départ avec un chrono à aller chercher au même moment sur la même course. Ce marathon aura des allures de sélection. »
Lepape-info : Votre performance change vos plans pour cet été en terme de préparation et de compétitions ?
M.G : Cela rebat les cartes. J’avais prévu de faire quelques classiques comme le tour du Lac de Vassivière le 25 juin, Marvejols-Mende le 23 juillet sans oublier le 10 km Adidas de Paris le 10 juin. Je pense maintenir ces 3 compétitions à mon calendrier mais je ne vais peut-être pas m’investir à 100% sur chacune car je ne pensais pas courir un marathon et la récupération risque d’être un peu plus longue.
Lepape-info : Le niveau n’a jamais été aussi dense et relevé en France sur marathon chez les hommes et il y a une qualification pour les Jeux en France à aller chercher
M.G : J’ai l’impression que l’on se rend coup pour coup, je viens de faire un très beau chrono et je me dis que dans quelques temps il y en aura peut-être 2 ou 3 qui vont me passer devant. Entre marathoniens Français, c’est une bagarre à distance mais c’est bien de se projeter sur le marathon de Valence et de se dire que l’on sera tous ou du moins nombreux sur la même ligne de départ avec un chrono à aller chercher au même moment sur la même course. Ce marathon aura des allures de sélection. Il y a une émulation, nous sommes une dizaine à pouvoir accéder aux minima, c’est motivant.
Lepape-info : Vous êtes docteur en anatomopathologie, entre votre activité et vos entraînements vous arrivez à tout mener de front ?
M.G : J’ai fait 11 ans d’études de médecine, c’est une organisation que je suis depuis longtemps. Je m’entraîne le matin avant d’aller au travail et souvent je fais une deuxième séance le midi pour pouvoir me poser tranquillement le soir quand je rentre à la maison. Cela demande une organisation, beaucoup de sérieux et des sacrifices, je n’ai pas le temps de faire grand chose d’autre à côté. J’ai un contrat à temps partiel à 80% au CHU maintenant que je suis médecin depuis 15 jours. Avant en internat c’était compliqué d’avoir des aménagements, cela prolongeait les années d’internat et cela retardait le moment où je pouvais devenir médecin. Je travaillais plus de 40h par semaine.
Lepape-info : De courir à l’instinct comme vous avez fait dimanche, cela ressemble à votre façon de gérer votre vie ?
M.G : Oui c’est un peu vrai. Choisir d’être médecin anapath ce fut à l’instinct aussi, je ne connaissais pas trop cette spécialité, il fallait faire un choix rapidement après le concours d’internat en fonction de notre classement. J’ai pris cette direction en fonction de mon ressenti du moment, j’étais fort en course à pied, je voulais privilégier le sport et j’ai choisi une spécialité qui me permettait d’avoir des horaires assez fixes et plus tranquilles que dans d’autres branches pour pouvoir m’entraîner. Ce qui marche le mieux c’est de faire ce dont on a envie et de voir au jour le jour où cela nous mène.
2 réactions à cet article
André-Régis Habig
Bravo à Michael GRAS…étude et sport de haut niveau, chapeau Michael ! je pense à Alain Calmat en 1968…
Un homme avec de hautes qualités qui peut et doit aller sur les 2h 07…qule talent pour le marathon epreuve reine du sport !!
J’étais jadis plutôt un sprinter dingue des perf d’un certain Carl Levis, seul homme au monde à avoir sauté à 9 m et plus même si ce saut fabuleux ne fut bizarrement pas homologué à l’époque……….
Belle continuation à l’homme de l’effort prolongé !!
MB
Bravo !! Respect de mener des études de haut niveau et courir sur marathon à ce niveau 👏🏼
Un modèle à suivre, on ne peut que lui souhaiter le meilleur pour les échéances à venir !