Lepape-info : Méline, quel beau chemin de parcouru depuis un an
Méline Rollin : Les derniers mois ont été un peu longs surtout depuis mon record de France en février jusqu’à l’annonce de la liste début mai. Quand je regarde en arrière, je n’aurais pas pu rêver mieux. Immédiatement après avoir manqué à Amsterdam les minima olympiques de quelques secondes en octobre dernier, j’avais donné rendez-vous à Séville, je me suis préparé au Portugal encore mieux que pour le marathon d’Amsterdam. À Séville, les conditions météo furent meilleures, ce fut un long chemin mais cela se termine de la meilleure des manières même si le marathon olympique n’est pas encore fait.
Lepape-info : À 2 mois de l’échéance, quel est votre état d’esprit ?
M.R : Je me projette davantage maintenant que c’est officiel. Avant il y a une petite étape avec les championnats d’Europe et un semi-marathon pour lequel je ne me suis pas préparé spécifiquement.
J’ai fait les championnats de France de 10 km qui se sont très bien passés (victoire en 30’52) ensuite j’ai pris part aux championnats de France du 10 000 m (3e place) avec quelques péripéties ensuite donc j’ai quelques séances de retard avant le semi des Championnats d’Europe. Ce sera un test pour faire un point sur ma forme, j’aimerai bien battre mon record (1h10’35 à Riga en 2023), je serai peut-être pas au top de ma forme mais le parcours sera plat.
Méline Rollin : « On a repéré le parcours avec une partie de l’équipe de France de marathon, j’ai l’impression que la préparation va s’apparenter à du trail mais sur route. On a fait une séance sur le tracé qui m’a bien fait mal aux jambes, j’ai compris qu’il va falloir s’entraîner spécifiquement. »
Lepape-info : Tout a commencé pour vous ici à Saint-Jean-de Monts en mars 2022, vous étiez en stage, vous envisagiez de courir votre premier marathon…
M.R : Je venais de faire mon premier semi-marathon à Paris (7e en 1h11’22), Lahcen Sahli m’avait proposé de venir en stage, c’était pour moi le début de l’aventure sur route. J’ai gardé le souvenir, je me souviens des parcours que j’avais fait ici de l’époque, c’est sympa je n’ai pas vu le temps passer.
Lepape-info : Le marathon olympique sera le plus difficile de l’histoire des Jeux
M.R : En vue du parcours de ce marathon olympique j’ai commencé à faire des séances avec du dénivelé, j’ai l’impression que cela va arriver très vite et qu’il faut y aller maintenant. Je pars en stage à Font-Romeu le 20 juin après les Championnats d’Europe avec 5 semaines de préparation intense. On a repéré le parcours avec une partie de l’équipe de France de marathon, j’ai l’impression que la préparation va s’apparenter à du trail mais sur route. On a fait une séance sur le tracé qui m’a bien fait mal aux jambes, j’ai compris qu’il va falloir s’entraîner spécifiquement, ce sera très différent des 3 marathons auxquels j’ai participé. Je vais essayer de recourir sur le parcours olympique une 2e fois avant d’aller à Font-Romeu. Je vais de plus en plus travailler le renforcement musculaire, les quadriceps et les ischios-jambiers vont être sollicités, ce n’est pas mon fort donc il y a du travail mais c’est un beau challenge, cela change un peu. Ce sera mon 3e marathon en 10 mois mais je ne pars pas sur la même chose, la même préparation qu’à Séville, c’est vraiment bien !
Lepape-info : Ce genre de parcours vous fait peur ?
M.R : Je n’ai pas forcément peur, je sais que je donnerai tout et que j’irai au bout. En revanche je ne sais pas comment mon corps va réagir musculairement, au niveau des crampes, fera t-il très chaud ? Il y a beaucoup d’inconnues mais je vais me préparer au mieux. J’adore les cross et les terrains vallonnés où il faut relancer, cela me plait mais c’est vrai que sur 42 km on a jamais vu cela. Je vais me préparer à Font-Romeu, il y aura de quoi faire là-bas, c’est un challenge mais je suis prête à le relever.
Lepape-info : Vous préférez les montées ou les descentes ?
M.R : Les descentes je ne connais pas, c’est de cela dont j’ai le plus peur et les montées font mal. J’ai peur que les derniers kilomètres après la dernière descente soient durs. Je pense que le plus difficile sera d’enchaîner les montées et les descentes à répétition. J’ai mémorisé le parcours, je sais ce qui m’attend il n’y a plus qu’à se préparer dans les montagnes de Font-Romeu. Je l’avais vu en photo mais en vrai c’est autre chose, c’est impressionnant. Le faire avec une intention marathon permet vraiment de se rendre compte de la difficulté. On est à 4’30-4’40 au kilomètre dans les grosses montées et c’est dur ! D’être allé sur le parcours c’est un plus par rapport à d’autres.
Méline Rollin : « Il faudra bien se connaître, s’écouter et ne pas se mettre dans le rouge. Le plus dur pour moi je pense sera le retour où il faudra relancer sur le plat à la fin sur les Quais de Seine. »
Lepape-info : Le parcours très difficile peut réserver des surprises, vous serez beaucoup plus que d’habitude à avoir vos chances
M.R : Les Kenyanes, Ethiopiennes ont l’habitude de courir sur un terrain vallonné, ce sera plus la façon dont elle se seront préparées qui sera importante, c’est valable pour les autres concurrentes. Il y aura aussi peut-être plus d’abandons, c’est possible que beaucoup n’aillent pas au bout si le podium est trop loin. J’espère terminer dans la première moitié, un TOP 20 ce serait génial voire plus si affinités. C’est vrai que le parcours rebat pas mal de cartes parce que l’on recherche des parcours plats en temps normal pour faire un chrono, il faudra rester concentrée et vaillante pour aller chercher certaines filles à la fin.
Lepape-info : Prudence et gestion seront les maîtres mots pour réussir ce marathon ?
M.R : Je vais l’apprendre lors de mes séances d’entraînement mais il faudra savoir quand je passe dans le rouge dans les montées ou arriver à mieux gérer les descentes. Il va falloir savoir durer dans les côtes mais aussi savoir repartir derrière, ne pas être complètement cuite, savoir changer de foulée, il y a plein de paramètres à prendre en compte. Le stage à Font-Romeu sera utile pour cela en plus on pourra aussi travailler en chambre hypoxique et aussi en thermo training room, on pourra faire mesurer notre taux de lactates, rythme cardiaque dans les montées etc… Il faudra bien se connaître, s’écouter et ne pas se mettre dans le rouge. Le plus dur pour moi je pense sera le retour où il faudra relancer sur le plat à la fin sur les Quais de Seine.
Méline Rollin : « À Paris c’est encore mieux, cela n’arrivera qu’une fois dans ma vie, toute ma famille sera sur le bord du parcours, mon club (GRAC Athlétisme) a prévu un bus pour venir en nombre, Paris sera un rêve encore plus grand ! »
Lepape-info : Pourquoi cela sera si dur de relancer sur le plat à la fin ?
M.R : On va beaucoup se donner dans la montée du Pavé des Gardes avant que cela descende derrière directement, il va falloir arriver à changer de foulée, cela va taper au niveau musculaire et ensuite quand on revient sur du plat il faut ralentir mais réussir à garder un rythme sachant que le cardio va remonter. Musculairement le changement montée / descente / plat c’est très dur. Pour l’avoir testé en haut de la montée il me faut plusieurs dizaines de mètres dans la descente pour me réadapter. Vous avez déjà le mur du marathon sur une course classique plate, là le mur pourrait être encore plus important, il va falloir savoir l’éviter, l’alimentation sera aussi primordiale.
Lepape-info : Participer aux Jeux c’est un rêve que vous allez réaliser
M.R : C’est vrai que tout est allé très vite, j’ai couru mon premier marathon il y a un an et demi (2h30’27 à Valence en décembre 2022) et je m’étais dit pourquoi pas les Jeux ? J’avais plein de choses à optimiser et cela me semblait possible avec mon coach d’aller chercher les 4 minutes qui me manquaient pour réaliser les minima. Les Jeux font rêver tous les athlètes, avant je me disais que jamais je n’y arriverai, que je n’avais pas le niveau et puis finalement… À Paris c’est encore mieux, cela n’arrivera qu’une fois dans ma vie, toute ma famille sera sur le bord du parcours, mon club (GRAC Athlétisme) a prévu un bus pour venir en nombre, Paris sera un rêve encore plus grand ! J’ai hâte d’y être mais je crois que cela va passer très vite. J’aurais bien aimé arriver au Stade de France mais c’est vrai que d’avoir les rues de Paris pour nous un dimanche matin et de passer à proximité des monuments cela va être grandiose, il y aura du monde au bord du parcours, je n’arrive pas à m’imaginer l’ampleur mais je pense que cela va être quelque chose.
Méline Rollin : « Comme on court le dernier jour, j’aimerai bien faire la cérémonie d’ouverture qui sera 2 semaines avant, je ne revivrai jamais ce moment à la maison et cela me permettra de me rendre compte de l’ampleur de l’évènement. »
Lepape-info : Qu’attendez-vous de ces Jeux ?
M.R : Je ne sais pas à quoi m’attendre avec le village olympique, c’est énorme, il risque d’y avoir du bruit mais j’ai hâte d’y être. On y arrive à 48h de la course, on ne va pas y rester trop longtemps, je suis impatiente de voir l’engouement. J’ai regardé les 3 derniers Jeux dont ceux de Tokyo, à la télévision on ne se rend pas compte de l’ampleur. Avant le village on sera à l’INSEP avec déjà pas mal de monde, une fois dans le village on va en prendre plein les yeux, il faudra rester concentrée, ne pas perdre trop d’influx, ne pas se disperser mais j’ai hâte de vivre cela car je pense qu’à Los Angeles (en 2028) ce ne sera pas pareil. Comme on court le dernier jour, j’aimerai bien faire la cérémonie d’ouverture qui sera 2 semaines avant, je ne revivrai jamais ce moment à la maison et cela me permettra de me rendre compte de l’ampleur de l’évènement.
Lepape-info : Vous arrivez à vous projeter le matin du marathon olympique ? Juste avant le départ…
M.R : Je ne suis pas quelqu’un de stressée mais je pense qu’il y aura quand même une petite pointe d’appréhension, tout le monde sera là pour me voir, je n’ai pas envie de décevoir mes proches, les gens de mon club. Une fois le départ donné je serai concentrée mais je n’arrive pas à me rendre compte de l’ambiance car nous serons plus de 80 filles alors que je suis habituée à courir des marathons avec plusieurs milliers d’anonymes derrière. L’ambiance est une inconnue, on verra… Je donnerai le meilleur même si c’est très compliqué j’irai au bout.
Lepape-info : Quel serait pour vous le marathon olympique rêvé ?
M.R : J’aimerai bien être première Française, obtenir une bonne place au niveau Européen. Je pense qu’au niveau chrono d’engagement je serai environ 40e sur 80 concurrentes au départ, un TOP 30 voire TOP 20 au final ce serait vraiment bien ! La médaille cela risque d’être compliqué, je ne me dis pas qu’un TOP 10 est impossible, on ne sait pas comment les filles vont réagir.
Lepape-info : C’est grisant de se dire que l’on va participer dans 2 mois au marathon olympique
M.R : Je ne me pose pas de question à l’entraînement, je ne me dis pas que je ne suis pas motivée. J’ai envie d’être la meilleure possible mais j’ai l’impression qu’il y a aussi une attente autour de moi avec ce record de France, je prends cette petite pression comme un peu d’adrénaline. À quelques jours de l’échéance les sollicitations vont me booster, ce sera la dernière épreuve d’athlétisme, les regards seront tournés vers nous, c’est top que l’on parle du marathon féminin en France, il y a quelques années nous étions très en retard sur les garçons maintenant le niveau est tout autre et cela pousse à donner encore plus.