Lepape-info : Méline, que retenez-vous de votre incroyable marathon à Séville ?
Méline Rollin : J’ai atteint plus que ce que j’espérais avant le départ, je ne suis pas prête d’oublier cette course et cette journée. Le premier semi s’est plutôt bien passé, on avait un peu d’avance sur les allures prévues. Arrivée au semi j’allais assez bien mais j’avais les jambes qui commençaient à charger, j’espérais que cela allait tenir, c’est le cas jusqu’au 28-29e kilomètre. Au 30e mon lièvre s’arrête car il a des crampes, je me retrouve toute seule avec personne à plus de 100 m devant moi. Les filles derrière ne voulaient pas se relayer. Entre le 32e et le 35e c’était un peu plus compliqué, j’avais des pensées négatives. Au 35e kilomètre j’ai retrouvé de l’énergie, je me suis remobilisée en me disant qu’il restait plus rien, que toute ma famille était venue me voir et que je ne pouvais pas décevoir. J’ai relancé, je rattrape des hommes pendant 5 kilomètres et cela m’a motivé.
Lepape-info : Vous avez rapidement réalisé que vous étiez sur les bases du record de France de Christelle Daunay ?
M.R : Oui quand on passe au semi, jusqu’au 25e je savais que l’on était dessus. Après le 30e lorsque je suis seule entre le 32e et le 35e je pensais avoir perdu plus de temps que cela. Ensuite quand je me relance, mon agent Riad Ouled qui me suivait à vélo me dit que je suis toujours sur les bases du record. C’est sans doute cela qui m’a relancé davantage sachant qu’il restait environ 5 kilomètres. J’ai réalisé que je pouvais le faire avec un bonus en plus d’un super chrono. Juste avant l’arrivée je voyais au loin le chrono défiler, j’avais du mal à évaluer la distance qui me séparait de la ligne, j’ai tout donné pour ne pas regretter en passant la ligne je suis sûre pour quelques secondes d’avoir battu le record de France, j’étais plus sereine qu’à Amsterdam avec encore une histoire de secondes. Les gens me disent que décidemment je les fait beaucoup stresser à chaque fois (rires) et vibrer.
Lepape-info : Coup double avec ce record de France quasiment synonyme de billet pour les Jeux olympiques de Paris comme d’ailleurs Morhad Amdouni
M.R : Pour Morhad je l’ai su bien après mon arrivée tellement j’étais dans l’euphorie. Après je reste prudente, des filles vont courir en avril, ma place n’est pas sécurisée. J’ai placé la barre haute, je n’aurais pas de regret nous verrons.
Lepape-info : Que ressentez-vous quelques heures après l’arrivée ?
M.R : Je me sens soulagée parce que ce fut une longue préparation. Début janvier, je suis partie à Monte-Gordo au Portugal, je me suis entrainé seule loin de ma famille, de chez moi. Je suis soulagée que tous ces sacrifices aient payé. quand j’ouvre mon téléphone j’ai 15 notifications par minute, c’est un truc de fou le nombre de personnes qui ont suivi ma course, c’est du jamais vu. Je savoure l’instant.
Lepape-info : Sitôt l’arrivée du marathon d’Amsterdam vous aviez décidé de retentez votre chance à Séville, vous êtes venue et vous repartez avec le record de France en prime
M.R : Je pense que cela a été un mal pour un bien de louper ces minima à Amsterdam, je savais que dans tous le cas j’allais recourir. J’ai eu un petit coup au moral quand j’ai vu les filles faire leur chronos avec les minima à Valence mais j’étais déjà dans ma préparation, dans l’optique de recourir. Cela fut plus facile de se remobiliser, je me suis dit que ce qu’elles avaient fait à Valence j’étais capable de le faire à Séville.
Lepape-info : Vous êtes la nouvelle détentrice du record de France du marathon
M.R : Je ne l’aurais jamais imaginé il y a 6 mois ou un peu plus, je savais que dans les années à venir cela aurait pu être un objectif mais le faire aujourd’hui c’est fou. Maintenant je pense pas être aussi forte que Christelle Daunay parce qu’elle n’a pas couru avec ces fameuses chaussures et que je suis qu’à 10 secondes de son chrono. Pour moi Christelle Daunay reste la plus forte, si j’arrive à avoir un palmarès comme elle j’en serai très fière, c’est une personne que j’admire beaucoup.
Lepape-info : Le rêve d’être aux Jeux de Paris se précise en attente de se concrétiser d’ici fin avril
M.R : Ce n’était qu’un lointain rêve il y a un an et demi qui est devenu petit à petit un objectif, si cela se réalise c’est vraiment génial, ce seront les seuls Jeux où tout mes proches pourront venir me voir, j’aimerai bien être de la fête.
Lepape-info : Quel est le programme à venir ?
M.R : Je vais souffler un peu, je pense que je vais me fixer quelques petits objectifs. ne plus penser marathon pendant quelques temps même si je vais garder un œil sur les performances. Ensuite si je suis bien sélectionnée pour les Jeux je commencerai à me préparer pour ce marathon atypique par son dénivelé. Je ne vais pas me prendre la tête, le moment venu je me projetterai sur ce marathon olympique. Aux Jeux tout sera possible, pourquoi pas viser un TOP Européen, certaines filles fortes sur un parcours très plat ne le seront pas forcément sur ce marathon, la hiérarchie peut être chamboulée.
Christelle Daunay dépossédée de son record de France féminin du marathon (2h24’22) qu’elle détenait depuis le Marathon de Paris en 2010 salue la remarquable performance de Méline Rollin :
« Ce nouveau record de France, je m’y attendais plutôt en décembre dernier lors du marathon de Valence avec Mekdes Woldu. Je suis très contente pour Méline Rollin, c’est une fille qui progresse, qui est jeune, qui met en place des choses avec son entraîneur. Elle travaille à 40% cette année pour se consacrer au marathon. Elle construit sa performance et cela ne parait pas illogique qu’elle batte ce record. Elle améliore de plus d’une minute et demie son record d’Amsterdam, elle a pris des risques il fallait y aller. Depuis Amsterdam elle a rajouté à sa préparation un peu de renforcement, de volume de kilomètres. Avec le stage, le travail elle a continué de construire son chemin. La densité Française est impressionnante, il y a régulièrement des performances c’est une année, une période exceptionnelle. D’une manière générale c’est une période un peu folle, beaucoup de records nationaux ont été battus à Séville. Les Français savent se préparer, chez les garçons on était davantage habitué parce que c’est une génération qui existe depuis quelques temps que ce soit sur piste ou en cross et marathon avec des chronos réguliers, ils battent leurs records comme Abderrazak Charik qui ne cesse d’améliorer son record à chaque sortie comme aujourd’hui à Séville même si ce n’est pas le chrono espéré en 2h08. Chez les filles j’ai été surprise par cette densité, les Jeux Olympiques à domicile ont boosté le marathon féminin et cela fait du bien. En 2020, on ne pensait pas voir autant de Françaises si jeunes briller. Si un marathon où l’inconnue sera de mise avec des facteurs comme le parcours, la chaleur c’est bien celui des Jeux de Paris. Tout est possible ce n’est pas forcément le ou la plus rapide qui gagnera même s’il y aura les grandes têtes d’affiche. »