Chaussures rouges à talon, robe cintrée, coiffure soignée : dans son bureau d’une étude notariale du très chic boulevard Hausmann à Paris, difficile de deviner que Marie Moguilewsky est coureuse à pied. Un indice : sa taille de guêpe. « J’ai toujours fait beaucoup de sport : du ski, de la randonnée, de la natation, beaucoup de sport en salle », confie-t-elle. Et ses collègues le savent : ses chaussures de running ne sont souvent pas loin. « Ils ont l’habitude de me voir partir en courant ».
A 37 ans, elle est entrée dans la grande famille du running grâce à son mari. « Il y a onze ans, quand je l’ai rencontré. Il courait bien et beaucoup. Aujourd’hui, je suis toujours avec lui, mais il ne court plus. L’élève a dépassé le maître », résume-t-elle.
Onze ans qu’elle court. « Au début, une fois par semaine, environ 50 minutes. Mais je ne me suis jamais vraiment chronométrée, je n’ai jamais su mon allure. La seule chose qui comptait, c’était le plaisir que je prenais ». Onze ans qu’elle court, pour « se dépenser », pour des questions « d’esthétique », pour « garder la ligne » et parce que « pour une jeune maman, c’est un sport facile ».
Sans montre, sans fréquence cardiaque, Marie Moguilewsky, maman de deux garçons de 8 ans et demi et 6 ans, ne peut pas se fier aux paramètres classiques pour mesurer une quelconque évolution. Son repère à elle, c’est son « nombre de tours du Parc Montceau ». « Un tour mesure environ un kilomètre. Je pense que je suis passée progressivement d’environ 7 km au début, à 15 km. Et désormais deux fois par semaine ».
« Les 20 km de Paris, j’ai trouvé ça super. L’ambiance, les mouvements de foule. J’ai été bluffée ».
Peut-être inspirée par les compliments de ceux dans son entourage qui lui disaient « tu cours bien, et vite ! », surement influencée par « l’effet de mode », elle raconte comment « l’envie de faire des courses (l’a) titillée ». Elle a choisi les 20 km de Paris 2013 pour sa première expérience. En complète néophyte. « J’avais peur d’avoir froid, j’avais pris un gilet sur moi ! ». Dans un grand éclat de rire, elle souffle : « J’étais comme une débile ! ». Et de continuer : « Je suis arrivée par le Trocadéro, je ne savais pas où me placer pour le départ. Finalement, je me suis retrouvée dans un SAS au hasard. Avec le recul j’ai compris que j’étais avec les 1h30 ! Je suis partie comme une folle. Après 10 km, j’étais morte. Pendant les cinq derniers je me disais : « c’est pas possible, je ne vais jamais y arriver ! » ». Et pourtant ! 1h33mn37s, chrono final. « Vachement bien pour une première course ! », sourit-elle. Et complète : « J’ai trouvé ça super. L’ambiance, les mouvements de foule. J’ai été bluffée ». Peu importe les « courbatures pendant deux jours », la machine était lancée. « Je me suis inscrite au marathon de Paris. Parce que j’ai 37 ans, et j’avais envie que mes enfants se disent « maman, elle a fait un marathon dans sa vie ». Pour beaucoup de personnes, cela semble insurmontable, inimaginable. Je me suis dit que je n’avais rien à perdre ».
Grâce à une de ses amies, également notaire, Marie Moguilewsky a rejoint l’équipe Paris Inn Group que Jean-Bernard Falco, président du groupe du même nom, entraîne pour le marathon de New York 2014 (voir plus d’informations). « Jean-Bernard m’a coachée pour Paris. Je recevais un mail toutes les semaines, avec un entraînement structuré. Des séances de VMA, de seuil, je ne comprenais même pas ce que c’était ! J’ai été obligée d’acheter une ceinture cardio. Jean-Bernard, je l’ai maudit 15 000 fois, je l’ai détesté très souvent. Lui me disait que c’était normal ». Reste que pendant trois mois, elle a tenu son nouveau rythme de quatre séances hebdomadaires. « Je suis une vraie tête de mule, j’ai été courir la nuit, même malade ». Et même pendant ses quinze jours de vacances au Sri Lanka en février. « Ca a bien fait marrer les locaux ! ».
Son premier marathon, elle l’a savouré. A sa manière, sans montre. « Je n’avais aucune idée de mon temps, de ma vitesse ». Mais elle a suivi les plans du coach : « partir vite, de manière à dépasser le SAS 3h30 et se faire rattraper ensuite. J’ai été euphorique ! Il faisait beau, j’étais joyeuse, heureuse. Au 32ème kilomètre, j’ai senti mes jambes se durcir. Le mental est toujours là, mais le corps ne suit pas. Dans la tête, c’est compliqué. Mais je n’ai jamais pensé arrêter ». Pas même quand la flamme des 3h30 l’a rattrapée, dans le Bois de Boulogne. « J’ai senti un troupeau derrière moi, j’entendais le meneur d’allure dire « accrochez-vous à nous ! » Mais je n’ai pas réussi ». Penser « au prochain ravitaillement » l’a fait tenir, et passer la ligne d’arrivée l’a submergée d’émotion. « J’ai chialé comme une madeleine. Une bénévole m’a dit « vous avez mal ? ». Mais non, je pleurais de joie ! ». La joie d’être marathonienne, d’avoir signé un temps canon, 3h31mn38s, d’avoir rendu son mari « hyper fier » et d’avoir vu ses enfants « se battre pour récupérer (sa) médaille ».
Avec l’équipe Paris Inn Group, Marie Moguilewsky est désormais tournée vers New York. Ses résultats pourraient lui faire envisager d’améliorer son chrono le 2 novembre 2014 à l’arrivée dans Central Park. Mais elle préfère viser « 3h30 ». « Parce que je trouve que c’est déjà un exploit pour moi. J’ai déjà bien cartonné. Après, c’est du bonus ». Surtout, elle ne veut pas devenir une « obsédée du chrono ». « J’ai envie que ça reste ludique ». Pour ces mêmes raisons, elle refuse pour l’instant de s’acheter une montre cardio. Et préfère penser à l’aventure qui l’attend. « Je suis déjà allée à New York, mais j’avais 14 ans. Alors je voudrais avoir le temps de visiter ». Et elle a bien conscience que ce n’est pas en courant à une allure de 5 minutes au kilo qu’elle profitera le plus du paysage…