Le temps frais et pluvieux n’a pas refroidi les ardeurs des protagonistes du 43ème marathon de Londres (Grande-Bretagne) .
Chez les hommes la course qui a mis du temps à se décanter s’est achevée sur une performance retentissante.
Le Kenyan Kelvin Kiptum parti seul au 32ème kilomètre s’est adjugé la victoire en 2h01’25 à seulement 16 secondes du record du monde d’Eliud Kipchoge présent pour donner le départ quelques jours après sa décevante 6ème place au marathon de Boston.
Kelvin Kiptum âgé de 23 ans s’était révélé en décembre dernier en remportant pour ses débuts sur la distancee son premier marathon à Valence (Espagne) en 2h01’53 (à l’époque la 3ème meilleure performance de tous les temps).
Ce dimanche Kelvin Kiptum a réalisé la 2ème meilleure performance mondiale de tous les temps sur la distance avec un « négative split » hallucinant. Passé en 1h01’40, le Kenyan a couru la seconde moitié de course en 59’45 ! Au final il devance de près de 3 minutes son compatriote Geoffrey Kamworor (2h04’23), l’Ethiopien Tamirat Tola (2h04’59) complète le podium.
Jean-Claude Vollmer, expert LEPAPE et entraîneur notamment de Morhad Amdouni (recordman de France du marathon) revient sur cette performance époustouflante :
« Après ses 2h01’53 à Valence on s’interrogeait tous on se demandait qui c’était même s’il avait des références sur semi-marathon très très correctes en dessous des 59 minutes. Aujourd’hui il remet une couche supplémentaire, il détient désormais la 2ème et la 4ème meilleure performance mondiale de tous les temps sur marathon. Seul Eliud Kipchoge a fait mieux et il n’est plus très loin de lui, est ce que l’on a le successeur de Kipchoge ? Au niveau chronométrique il est au top, au niveau palmarès il n’a pas encore celui du double champion olympique. Fera t’il les championnats du monde ? Fera t’il d’autres marathons réputés rapides ? C’est stratégique. Reste que réaliser 2h01’25 et distancer un champion comme Geoffrey Kamworor à plus de 3 minutes et à Londres en plus, il fait presque une minute de moins que Kipchoge à Londres où le parcours n’est pas réputé comme le plus facile avec le négative split, c’est hallucinant. Il va falloir voir ce que cela donne dans la durée. On en a vu apparaître puis rapidement disparaitre. Des Kipchoge ou Bekele qui durent 20 ans il n’y en pas des dizaines mais là Kiptum a frappé un gros coup. »
Chez les dames, le plateau de toute beauté laissait présager une course extraordinaire. La Kenyane Brigid Kosgei (détentrice du record du monde en 2h14’04 avec meneurs d’allure masculins) qui avait pourtant expliqué il y a quelques jours que sa blessure récente aux ischio-jambiers ne l’empêcherait pas d’être performante abandonne finalement après seulement quelques minutes d’effort.
Même privée de Brigid Kosgei, la tête de course avait fière allure. L’une des curiosités était la Néerlandaise Sifan Hassan. La double championne olympique du 5000 m / 10 000 m faisait ses grands débuts sur le marathon entourée de sérieuses références comme la championne olympique Peres Jepchirchir.
Sifan Hassan rapidement décrochée et vue en train de s’étirer à deux reprises la cuisse gauche après 20 km ne semblait pas montrer de signes très rassurants. Au 25ème kilomètre, elle comptait même près d’une demi-minute de retard sur le peloton de tête avant de revenir doucement mais surement.
Au 40ème kilomètre, Sifan Hassan rejoint enfin le trio de tête à la surprise générale et l’on se dit alors qu’elle a peut-être un superbe coup à jouer.
À 500 m de la ligne d’arrivée elle ne sont plus que 3 à pouvoir se disputer la victoire. La championne olympique Peres Jepchirchir, l’Éthiopienne Alemu Megertu 3ème l’an passé à Londres et Sifan Hassan.
En expérimentée pistarde qu’elle fut, Sifan Hassan a prouvé qu’elle n’avait rien perdu de sa pointe de vitesse lorsqu’il s’agissait de placer une accélération foudroyante même après un inédit 42 km. La dernière ligne droite avec Buckingham Palace en fond comme décor a donné des ailes à la reine du demi-fond Sifan Hassan qui en l’emportant au sprint s’est offerte un coup royal pour son premier marathon en 2h18’33. Alemu Megertu 2ème devance Peres Jepchirchir.
Notre expert Jean-Claude Vollmer revient sur cette nouvelle prouesse de Sifan Hassan :
« C’est la grande classe. Du 800 m au marathon désormais, Sifan Hassan a un registre exceptionnel qui commence à être assez unique, extrêmement rare. Elle a un potentiel incroyable, il faut voir l’orientation qu’elle donne à sa carrière. Elle est lancée sur route, sur marathon, je pense qu’on ne la reverra plus sur piste sur 5 000 / 10 000 m. 2h18’33 à Londres en battant des Kenyanes de super niveau, c’est impressionnant. Ses crampes, son décrochage à un moment du groupe de tête montre qu’elle est potentiellement capable de faire quelques minutes de mieux et qu’elle a une force de caractère assez phénoménale. Elle a une marge de progression comparée à Almaz Ayana qui a peut-être un peu plus de mal à passer sur la distance marathon. Elle se positionne comme l’une des futures favorites pour les Jeux olympiques de Paris 2024. Il faudra vérifier mais je pense que son chrono sur le dernier 800 m ferait pâlir beaucoup de finalistes mondiales, elle arrive à solliciter une filière énergétique, des fibres qui n’ont pas travaillé pendant 41 km, je ne la voyais pas gagner. »
Superbe première également sur marathon et autre beau sourire avec celui de Mekdes Woldu. La Française 9ème du marathon de Hambourg en 2h26’34 a réalisé les minima pour les Jeux olympiques de Paris 2024 (2h26’50) et les Championnats du monde de cet été à Budapest (2h28′). La victoire est revenue à la Kenyane Dorcas Tuitoek en 2h20’09.
Une performance saluée par notre expert Jean-Claude Vollmer et Christelle Daunay la détentrice du record de France féminin :
Jean-Claude Vollmer : « Ce n’est pas tant que cela une surprise, avec son chrono sur semi-marathon faire 2h27-2h26 c’est nécessairement logique. Il peut y avoir des surprises sur marathon mais elle a les qualités, elle s’est entrainée pour. Je pense qu’elle peut battre le record de France de Christelle Daunay (2h24’22) cette saison ou l’année prochaine. Elle est meilleure que Christelle sur semi, elle fait d’emblée un gros chrono sur marathon, elle a parfaitement géré une course pratiquement à l’équilibre, c’est costaud. »
Christelle Daunay : « Au niveau régularité on ne peut pas faire mieux. Preuve qu’elle avait les 2h26’50 (minima pour les JO) dans les jambes après ses 1h08’27 (record de France du semi). Elle n’est pas partie trop vite, elle engrange de la confiance pour les prochains marathons avec certainement la possibilité avant les Jeux olympiques d’aller chercher le record de France et aussi d’ambitionner une place aux championnats du monde. Elle prend la relève, elle est jeune, c’est très bien. Elle devait appréhender cette course après son forfait à Séville et elle a bien géré. »