Marathon des Sables 2014 : le top défi de Thierry Marx

Il a autant l’œil qui pétille en parlant de cuisine que de sa future aventure sur le Marathon des Sables. A 51 ans, le chef Thierry Marx, deux étoiles au guide Michelin, se lance dans cette aventure qui le fait rêver depuis de nombreuses années.

Thierry Marx

Il n’est pas encore 16 heures. Dans un petit salon de l’hôtel de luxe Mandarin Oriental dont il régale les clients, Thierry Marx porte sa veste blanche de chef. Pourtant, après une première séance sur tapis le matin, il va bientôt « partir courir ». Du côté de Vincennes, l’un de ses principaux terrains de jeu, avec la Seine et Marne quand il a plus de temps. « Quand j’étais à la campagne, c’était un vrai bonheur, j’allais courir entre deux services. Et puis, ça me permettait d’être au poids pour le judo, raconte ce grand amateur d’arts martiaux. Depuis que je suis à Paris, je n’y arrive plus. Il faut que j’aille à Vincennes ou Boulogne. Mais à Boulogne il y a tout de suite beaucoup de monde. J’admire les gens qui arrivent à courir à Paris. Les trottoirs, les feux, la ville, ce n’est pas pour moi ».

Ca tombe bien, car dans quelques semaines, il sera entouré par le sable, les dunes, et le désert à perte de vue. A 51 ans, l’un des cuisiniers les plus célèbres de France et juré de l’émission Top Chef sur M6, sera au départ du Marathon des Sables (du 4 au 14 avril 2014). Non pas que son médecin voie cette aventure d’un très bon œil – « j’ai eu quelques soucis de santé il y a quatre mois suite à un problème d’hydratation. Cela dit, mes bilans cardio et pulmonaire sont bons » – mais Thierry Marx en rêve depuis longtemps. Il aurait dû se lancer il y a déjà cinq ans avec plusieurs amis, mais le projet avait été avorté suite aux problèmes de santé de l’un d’entre eux.

2014 devrait donc être la bonne année. « Je ne courais plus vraiment depuis trois ans, juste des petits footings pour l’entretien. Il me fallait un truc un peu fort pour retrouver la motivation », lance celui qui a déjà bouclé 17 marathons et expérimenté les 100 km de Millau. Il se souvient qu’à ses débuts, il n’avait « jamais pensé arriver au bout d’un marathon. Je fonctionnais par dizaine. Après 10 kilomètres je me disais : « allez encore 10 ». Après 20 : « presque la moitié ». A 30 : « autant que tu finisses », etc… Et puis le 100 kilomètres, c’est un peu pareil, je me suis dit « c’est un peu plus de deux marathons ». Quand on n’est pas dans la performance comme moi, c’est ce qui nous fait avancer ».

Tout de même… entre un marathon, un 100 km, et le marathon des Sables (240 km environ), il y a des caps à franchir. « En fait, je cherche à éviter l’ennui. Je ne peux pas faire 100 fois les mêmes choses. Pour mon premier marathon, le Médoc, j’ai découvert les châteaux. Je travaillais là-bas, mais je ne connaissais pas tout cela. Après, j’ai couru à New York parce que c’était le mythe. A Chicago, à Hong Kong. Et puis… à un moment, on se dit « cette distance, je la connais ». Je me suis intéressé aux Templiers. A ces gens qui couraient dans la nature. Moi qui ai toujours couru pour découvrir quelque chose, j’ai commencé à courir en nature. En forêt. Au Laos, au Viet Nam… Avec un sac à dos. A la base sans vraiment penser à de la course à pied, mais finalement à 8 kilomètres/heure ».

Son emploi du temps est « juste un peu fou » depuis qu’il est arrivé sur Paris.Alors cette aventure dans le désert marocain, il l’envisage comme « un vrai break. Sans téléphone, sans radio. A un moment, j’ai envie de dire « débrouillez-vous sans moi » ». Et le chef double étoilé au Michelin de poursuivre : « Le plus dur, ce n’est pas de le faire, c’est de le préparer, pendant un an. Les épreuves sont souvent moins dures que les préparations, c’est la même chose dans beaucoup de métiers ».

Dans sa préparation, il a notamment réussi à intégrer « quatre séances à Biarritz, dont une sous une belle tempête ». Histoire de s’habituer à « courir sur le sable », où il n’a « pas de repères ».

S’il n’a jamais participé à une épreuve d’une telle ampleur, il ne part pas dans le complet inconnu. Notamment grâce à l’expérience de certains de ses amis. « J’ai vu l’état de leurs pieds au final. Pendant quinze jours, c’était parfois difficile de mettre des chaussures ». Alors il a glissé « de nombreuses paires de chaussettes » dans son sac à dos. Un sac minutieusement préparé, comme pour tous les concurrents. « Ça prend son temps, mais c’est aussi plaisant. Il ne faut rien laisser au hasard. Surtout la nourriture et les pieds. C’est ce qui fait que l’athlète suit ou non. Je me souviens, sur les 100 km de Millau, je me préoccupais de la distance, mais j’aurais dû davantage m’inquiéter de mes pieds et de mon alimentation ».

Dans son sac de 6,5 kg, outre le textile et « une trousse sanitaire correcte », une grande place est évidemment accordée à son ravitaillement. « J’ai préparé mes barres de céréales. Et puis, j’ai un plat différent par jour, je me suis fait des packs. J’ai notamment de la paella déshydratée, des desserts déshydratés dont du sponge cake sans gluten. Des corn flakes. Et des pâtes : sans gluten, des soba, des pâtes au thé fumé que je fais ici ». Des menus lyophilisés, certes « pas très sexy » pour ce perfectionniste dont la réputation fait corps avec son souci du détail, mais qui devraient lui apporter l’énergie et le bien-être dont il aura besoin. « J’ai travaillé avec des navigateurs. Ils m’avaient parlé de pics de blues pendant lesquels certaines saveurs peuvent redonner du positif ».

Il dit « bien connaître » son corps et s’être « beaucoup entraîné à jeûner ». « Les périodes de creux m’inquiètent beaucoup moins qu’avant, je sais que j’ai des réserves. Mais ce qui m’angoisse, c’est de manquer d’eau ». Crainte issue de son expérience d’il y a deux ans. Un test de cinq jours dans le désert, accompagné d’un chamelier, avec bivouac et vie « à la belle étoile ». « Je n’ai pas eu de problème de distance, même si je n’ai pas fait l’équivalent du MDS. En revanche, j’ai vraiment surconsommé de l’eau ». Il se méfie aussi de « l’adhérence au niveau du sable » et se souvient d’une « souffrance terrible dans les dunes ».

Pas de quoi lui enlever cet œil pétillant et cette soif de rencontres dont il semble se nourrir. « J’aime cette convivialité fraternelle qu’il y a entre coureurs. Ceux qui, comme moi, ne sont pas dans la performance ». D’ailleurs, il n’y a pour lui aucun hasard dans le succès actuel du running et l’engouement pour la cuisine. « Je ne suis pas devin, mais je crois que c’est quelque chose qui ne va pas se tarir tout de suite. Le running et la cuisine ont trois notions en commun : le plaisir, le bien-être et la santé. Il y a aussi le plaisir de cuisiner pour soi et pour les autres. Comme en course à pied. Qui n’a jamais couru en parlant à son voisin ? En lui disant « allez, c’est bientôt fini ». Et ce n’est pas une question d’argent. On peut commencer à courir avec une paire de chaussures tout à fait modeste et un short. De la même manière que l’on peut préparer un plat à base d’un produit somme toute très modeste, en lui donnant de la valeur ajoutée ».  Thierry Marx semble prêt à partager la sienne avec les autres concurrents du Marathon des Sables, au détour d’une conversation, ou d’un morceau de barre de céréales…

Dernière minute : Nous avons appris, ce lundi 24 mars 2014, que Thierry Marx renonçait finalement à participer au marathon des Sables pour cause de blessure. 

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