Il faut les repérer dans la foule, trouver le moyen de se démarquer, établir une stratégie. Etre supporter sur le marathon de Paris est une véritable course poursuite. Des moments de stress afin d’être dans les temps, de ne pas rater son ou ses « coureurs », des moments de joie lorsque le héros passe et vous a vu. Il offre alors un sourire, un petit signe de la main et parfois, parvient à se détourner de sa trajectoire pour taper dans la main tendue.
Mais être au rendez-vous demande une préparation et tout commence bien longtemps avant la course. Si pour le coureur voilà des semaines qu’il s’entraîne, pour les supporters le plan de bataille s’établit souvent la veille avec des temps de passage connus et ENFIN dévoilés officiellement en fonction de la forme estimée.
Sur ces fameuses feuilles de route figurent des heures, des stations de métro, les temps de marche pour rejoindre le point de rendez-vous. Ce sont des
heures et des heures à examiner le parcours, à tout vérifier, que ce soient les lignes de métro, les stations de vélib, les endroits où on est « presque » sûr de pouvoir voir et être vu. « On a mis au moins deux heures hier soir à tout écrire, » commente ainsi Jean-Yves et Marie-France, parents de Fabien Deprick qui s’élançait pour son deuxième marathon. « Sur le premier, sur la route du Louvre entre Lille et Lens, on était là aussi. Cette fois, nous sommes venus avec un couple d’amis Thierry et Christine Besnard. » Des amis qui présentaient un atout de luxe, un véritable joker pour que le « héros » du jour puisse franchir la ligne d’arrivée. Thierry est aussi marathonien et sur les sept derniers kilomètres, il a chaussé ses runnings pour accompagner les dernières foulées de Fabien. « Je ne leur ai pas dit mais au 25e, je voulais arrêter. Je marchais. J’ai été blessé en février et je n’ai pas pu m’entraîner comme je le souhaitais. Je savais qu’ils étaient Porte d’Auteuil au 35e, alors je me suis dit : allez continue. »Dès les premiers mètres au 35e, Thierry en marathonien averti sent bien que son poulain du jour n’est pas au mieux.« Il me faisait croire qu’on courait, mais je voyais bien qu’on marchait ! Il a été très fort, il m’a bien aidé. Je termine en 3h51mn59s alors que je voulais faire mieux qu’au premier soit moins de 3h46 mais ce n’est pas bien grave, j’ai terminé.«
Si les « fans » sont heureux, ils sont aussi soulagés. Parce que Fabien a franchi la ligne, mais surtout parce qu’ils sont parvenus à le suivre. « On l’a vu au départ puis à Charenton et enfin Porte d’Auteuil mais on a eu peur de le rater. Il était un peu en retard sur ses temps de passage sur la dernière partie, heureusement, car je ne suis pas sûr que nous aurions réussi notre opération s’il n’avait pas eu des difficultés.«
Car la RATP n’a pas été l’ami des « suiveurs » en ce dimanche 6 avril 2014 avec une ligne 6 victime d’un incident et surtout interrompue durant plus de deux heures. Beaucoup ont ainsi dû changer leur fusil d’épaule et dans le métro, il n’était pas rare de croiser des supporters courant dans les couloirs à la grande surprise des voyageurs du dimanche matin qui ne comprenaient pas bien cet affolement.
Sac bien vissé sur le dos, en runnings voire carrément en tenues de coureurs, il fallait s’activer et être en pleine forme. « Il est important aussi que le coureur sache s’il doit être à gauche ou à droite. Fabien avait une feuille avec les trois points de passage où nous devions être et nous avons à chaque fois pu faire la photo, lui taper dans la main et l’encourager au mieux.«
Pour être vus et reconnus, certains ont opté pour le déguisement à l’image de Juliette Capron et Adrien Cassegrain qui attendent pas moins de cinq copains. « On en a déjà vu trois mais il nous en manque deux« , déclarent-il en se mettant sur le pointe des pieds, le regard fixé sur le peloton d’une densité incroyable avec les 40 783 partants (nouveau record pour le marathon de Paris). Déguisés en vache et en canard, ils ne passent pas inaperçus mais encore faut-il que les coureurs soient du bon côté et encore lucides. « Ils ont intérêt à nous voir, car on s’est levé pour eux quand même, on a zappé le départ pour être sûrs de les voir ici, on n’aurait pas eu le temps sinon ».
Une stratégie souvent obligatoire surtout lorsque l’on veut réserver une surprise. Hé oui certains avaient pris le risque de ne pas totalement avertir leur favori. C’était le cas pour Cyrille Mistler. Catherine et ses deux enfants étaient sur le bord de la route à la Bastille alors que normalement seul le Trocadéro et son 30e km était au programme. « On vient de Nancy, c’est important les supporters sur ce type d’effort et les enfants sont contents d’aider leur papa.«
Un papa héros ! Il y en avait tant et les familles étaient nombreuses sur ces 42,195 km. Les pancartes étaient souvent de sortie comme pour Cloé, Gabin et Valérie qui suivent Mickael dans presque toutes ses aventures. Coureur sur route et traileur, il a ainsi terminé le Trail de Bourbon à la Réunion où il avait emmené toute la famille. « Je préfère les courses longues, celles de plus de 80 km, « commente ainsi Gabin « car on a plus d’occasions de le voir et de l’aider car on fait aussi son ravitaillement. Et surtout on a plus de temps, » explique-t-il du haut de ses 11 ans tout en demandant à sa maman à quelle heure on arrive au prochain point. Dans les couloirs, la famille se met au sprint, il faut depuis Bir Hakeim, changer à Etoile puis se diriger vers Porte Dauphine. Attention au timing, pas question de rater le champion. »Et il n’a pas vraiment le droit d’abandonner. Sur les Templiers l’an dernier, Mickael a stoppé à 6 km de l’arrivée, il n’en pouvait plus. Il en a entendu de toutes les couleurs de la part des enfants, je crois même qu’ils lui ont dit t’es nul ! » « Bah oui, on était déçu, il n’était pas loin. Il était pas bien c’est vrai, mais quand même ! »
Hé oui, si avoir des supporters est un atout cela peut être aussi une pression. « Il n’aime pas les décevoir, »explique la maman avant que les enfants concluent en toute objectivité. » En fait, parfois je crois qu’il continue pour nous, »affirme Cloé avant que son frère renchérisse avec assurance : « On est heureux de l’encourager. Plus c’est dur, plus c’est un exploit et plus, on est fiers de lui.«
Et si avoir des supporters étaient un plus mais aussi, parfois, une pression ! La recette de l’exploit ?
Quelques photos du marathon de Paris 2014